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27/10/2017 | FRANCE | N°17MA00136

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 27 octobre 2017, 17MA00136


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 19 juin 2014 par laquelle l'inspecteur du travail de la 7ème section de l'unité territoriale des Bouches-du-Rhône a autorisé la SAS Next Performance à la licencier, la décision implicite du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social rejetant son recours hiérarchique formé le 13 août 2014 à l'encontre de la décision de l'inspecteur du travail et la décision du 21 janvier 2

015 par laquelle le ministre a retiré sa décision implicite, annulé la décis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 19 juin 2014 par laquelle l'inspecteur du travail de la 7ème section de l'unité territoriale des Bouches-du-Rhône a autorisé la SAS Next Performance à la licencier, la décision implicite du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social rejetant son recours hiérarchique formé le 13 août 2014 à l'encontre de la décision de l'inspecteur du travail et la décision du 21 janvier 2015 par laquelle le ministre a retiré sa décision implicite, annulé la décision de l'inspecteur du travail et accordé l'autorisation de licenciement.

Par un jugement n° 1501067 du 15 novembre 2016, le tribunal administratif de Marseille a, par un article 1er, décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision de l'inspecteur du travail du 19 juin 2014 et, par un article 2, rejeté le surplus des conclusions de Mme C....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 16 janvier 2017, le 13 septembre 2017 et le 9 octobre 2017, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 novembre 2016 ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de la SAS Next Performance la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle s'en rapporte à la Cour pour ce qui concerne son intérêt pour agir à l'encontre de la décision ministérielle du 21 janvier 2015 en tant qu'elle retire la décision implicite portant rejet du recours hiérarchique ;

- elle justifie d'un intérêt pour agir contre la décision du 21 janvier 2015 qui annule la décision de l'inspecteur du travail ;

- le jugement est fondé sur une note en délibéré qui ne lui a pas été communiquée en violation du principe du contradictoire et de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le tribunal n'a pas répondu aux moyens tirés de la méconnaissance de l'autorité de la chose décidée par une première décision de l'inspecteur du travail en date du 20 mars 2014, de l'absence de consultation des délégués du personnel et d'entretien préalable, du défaut de démonstration de l'impossibilité de maintenir le contrat de travail et de l'existence d'un lien avec le mandat représentatif ;

- la décision de l'inspecteur du travail est insuffisamment motivée ;

- cette décision ainsi que la décision ministérielle du 21 janvier 2015 retirant la décision implicite de rejet du recours hiérarchique méconnaissent l'autorité de la chose décidée par la décision de l'inspecteur du travail en date du 20 mars 2014 ;

- la procédure interne à l'entreprise est irrégulière en l'absence de consultation des délégués du personnel et d'entretien préalable ;

- l'impossibilité de maintenir le contrat de travail n'est pas démontrée ;

- le motif économique n'est pas établi ;

- ce motif n'a pas fait l'objet d'un véritable examen par les autorités administratives ;

- l'employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement ;

- la demande d'autorisation de licenciement est en lien avec son mandat représentatif ;

- la décision ministérielle du 21 janvier 2015 autorisant le licenciement est insuffisamment motivée et ne répond pas aux moyens développés dans le recours hiérarchique ;

- elle méconnaît le principe du contradictoire ;

- le motif économique et la suppression du poste ne sont pas établis ;

- le ministre n'a pas contrôlé ces éléments à la date de sa décision, ou à tout le moins à celle de la demande d'autorisation de licenciement ;

- l'employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 26 mai 2017 et le 9 octobre 2017, la SAS Next Performance, représentée par MeE..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du 15 novembre 2016 en tant qu'il n'a pas prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision ministérielle implicite portant rejet du recours hiérarchique formé par Mme C... ;

3°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- Mme C...ne justifie pas d'un intérêt pour agir à l'encontre de la décision ministérielle du 21 janvier 2015 en tant qu'elle retire la décision implicite portant rejet du recours hiérarchique formé par la salariée et en tant qu'elle annule la décision de l'inspecteur du travail ;

- le moyen tiré de ce que le ministre n'aurait pas respecté le principe du contradictoire est inopérant ;

- les autres moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés ;

- il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision ministérielle implicite portant rejet du recours hiérarchique formé par Mme C....

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 octobre 2017, le ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les conclusions tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail et de la décision ministérielle implicite rejetant le recours hiérarchique de la salariée sont dépourvues d'objet ;

- les moyens soulevés par Mme C...ne sont pas fondés.

Par lettre du 5 septembre 2017, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'absence d'intérêt pour agir de Mme C...à l'encontre de la décision ministérielle du 21 janvier 2015 en tant qu'elle retire la décision implicite portant rejet du recours hiérarchique formé par la salariée et en tant qu'elle annule la décision de l'inspecteur du travail, qui fait droit, dans cette double mesure, au recours hiérarchique.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chanon, premier conseiller,

- les conclusions de M. Maury, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant MmeC..., et de MeD..., représentant la SAS Next Performance.

Une note en délibéré présentée pour la SAS Next Performance a été enregistrée le 19 octobre 2017.

1. Considérant que, par courrier du 12 mai 2014, la SAS Next Performance a demandé l'autorisation de licencier Mme C..., salariée en qualité d'" acheteur média " et investie des fonctions représentatives de délégué du personnel suppléant, en raison de l'" impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à l'état de grossesse " ; que par décision du 19 juin 2014 l'inspecteur du travail a accordé l'autorisation sollicitée ; que, par courrier du 13 août 2014, Mme C... a formé un recours hiérarchique implicitement rejeté par le ministre chargé du travail ; que, par décision du 21 janvier 2015, le ministre a retiré sa décision implicite, annulé la décision de l'inspecteur du travail et accordé l'autorisation de licenciement ; que par jugement du 15 novembre 2016 le tribunal administratif de Marseille a, par un article 1er, décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme C... dirigées contre la décision de l'inspecteur du travail du 19 juin 2014 et, par un article 2, rejeté le surplus des conclusions de l'intéressée ; que Mme C... relève appel de ce jugement ; que, par la voie de l'appel incident, la SAS Next Performance demande à la Cour de réformer le jugement en tant qu'il n'a pas décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision ministérielle implicite portant rejet du recours hiérarchique formé par Mme C... ;

Sur l'appel principal :

2. Considérant qu'il résulte de l'examen du jugement attaqué que le tribunal a statué globalement sur la légalité de la décision ministérielle implicite rejetant le recours hiérarchique de Mme C... et sur la décision ministérielle explicite en ses trois composantes rappelées ci-dessus, sans répondre au moyen, soulevé par l'intéressée, tiré de ce que la demande d'autorisation de licenciement était liée à l'exercice de son mandat représentatif ; que, pour prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre la décision de l'inspecteur du travail du 19 juin 2014, le tribunal s'est ensuite fondé sur la légalité de la décision ministérielle du 21 janvier 2015 en tant qu'elle retire l'autorisation de licenciement délivrée par l'inspecteur du travail ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés sur ce point, Mme C... est fondée à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité et doit, pour ce motif, être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Marseille ;

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision de l'inspecteur du travail, la décision ministérielle implicite et la décision ministérielle du 21 janvier 2015 en tant qu'elle retire la décision implicite et annule la décision de l'inspecteur du travail :

4. Considérant que lorsque le juge est parallèlement saisi de conclusions tendant, d'une part, à l'annulation d'une décision et, d'autre part, à celle de son retrait et qu'il statue par une même décision, il lui appartient de se prononcer sur les conclusions dirigées contre le retrait puis, sauf si, par l'effet de l'annulation qu'il prononce, la décision retirée est rétablie dans l'ordonnancement juridique, de constater qu'il n'y a plus lieu pour lui de statuer sur les conclusions dirigées contre cette dernière ;

5. Considérant que Mme C...ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir à l'encontre de la décision ministérielle du 21 janvier 2015 en tant qu'elle retire la décision implicite portant rejet du recours hiérarchique et en tant qu'elle annule la décision de l'inspecteur du travail, qui fait ainsi droit à son recours hiérarchique ; que les conclusions dirigées contre la décision du 21 janvier 2015, en tant qu'elle retire la décision ministérielle implicite et annule la décision de l'inspecteur du travail, doivent donc être rejetées comme irrecevables ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision de l'inspecteur du travail en date du 19 juin 2014 et la décision ministérielle implicite rejetant le recours hiérarchique formé par Mme C... ont définitivement disparu de l'ordonnancement juridique ; qu'ainsi il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à leur annulation ;

En ce qui concerne la légalité de la décision ministérielle du 21 janvier 2015 portant autorisation de licenciement :

7. Considérant, d'une part, qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des délégués du personnel, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, est subordonné à une autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ; que si la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise peut constituer un tel motif, c'est à la condition que soit établie une menace pour la compétitivité de l'entreprise, laquelle s'apprécie, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, au niveau du secteur d'activité dont relève l'entreprise en cause au sein du groupe ;

8. Considérant, d'autre part, que lorsqu'il annule la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement d'un salarié protégé pour un motif de légalité, le ministre doit tenir compte des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle cette décision a été prise ; qu'en revanche, le ministre se trouve ensuite saisi de la demande présentée par l'employeur qu'il doit examiner en tenant compte des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle il se prononce ;

9. Considérant que si la demande d'autorisation de licenciement de la SAS Next Performance est formellement fondée sur l'impossibilité de maintenir le contrat de travail de Mme C... pour un motif étranger à l'état de grossesse de l'intéressée, cette impossibilité résulte, aux termes mêmes du courrier du 12 mai 2014, de la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, qui aurait justifié la suppression du poste de la salariée ; qu'il ressort des pièces du dossier que la SAS Next Performance dispose de deux filiales en Allemagne et au Brésil ; que, pour autoriser le licenciement de Mme C..., le ministre chargé du travail a retenu les éléments invoqués dans le courrier de l'employeur du 12 mai 2014 adressé à l'inspecteur du travail, fondé sur des données financières du premier semestre 2013, notamment sur les pertes de deux millions d'euros subies en France ; qu'il ressort toutefois d'un courriel du président du groupe en date du 4 juillet 2014 adressé aux salariés français, dont le recours hiérarchique fait état, qu'au deuxième trimestre 2014 la marge brute a augmenté de 50 % en valeur, que " si le chiffre d'affaires est plus faible que prévu, il y a une forte croissance au Brésil " et que la société va ouvrir un bureau aux Etats-Unis au quatrième trimestre ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 8 qu'en ne prenant en compte aucune donnée postérieure au premier semestre 2013 ou à la décision de l'inspecteur du travail alors que des éléments nouveaux et plus récents avaient été portés à sa connaissance, le ministre a entaché sa décision d'erreur de droit ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C..., que celle-ci est seulement fondée à soutenir que la décision du 21 janvier 2015 par laquelle le ministre chargé du travail a autorisé la SAS Next Performance à la licencier doit être annulée ;

Sur l'appel incident :

11. Considérant que dès lors que le jugement a été totalement annulé pour irrégularité sur l'appel de Mme C..., il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions incidentes de la SAS Next Performance ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme C..., qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par la SAS Next Performance et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SAS Next Performance la somme de 2 000 euros au titre des frais engagés par la salariée sur le même fondement ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 novembre 2016 est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail en date du 19 juin 2014 et de la décision ministérielle implicite rejetant le recours hiérarchique formé par Mme C....

Article 3 : La décision du ministre chargé du travail en date du 21 janvier 2015 est annulée en tant qu'elle porte autorisation de licenciement de Mme C....

Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions incidentes de la SAS Next Performance.

Article 5 : La SAS Next Performance versera à Mme C... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à MmeB... C..., à la ministre du travail et à la SAS Next Performance.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre

- M. Guidal, président assesseur,

- M. Chanon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 octobre 2017.

2

N° 17MA00136


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA00136
Date de la décision : 27/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. René CHANON
Rapporteur public ?: M. MAURY
Avocat(s) : SCP BARTHELEMY MATUCHANSKY VEXLIARD et POUPOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-10-27;17ma00136 ?
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