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22/01/2018 | FRANCE | N°17MA02607

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 22 janvier 2018, 17MA02607


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 7 février 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire sans délai de départ volontaire à destination du pays dont il a la nationalité, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a informé d'un signalement dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 1700930 du 21 mars 2017, le magistrat désigné du tribun

al administratif de Marseille a rejeté la demande de M. A....

Procédure devant la Cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 7 février 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire sans délai de départ volontaire à destination du pays dont il a la nationalité, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a informé d'un signalement dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 1700930 du 21 mars 2017, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 juin 2017, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille du 21 mars 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 7 février 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de le convoquer et de procéder à un nouvel examen de sa situation personnelle et familiale en France ;

4°) de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de la renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le premier juge n'a pas tenu compte de l'ancienneté et de la réalité de la communauté de vie entre époux ;

- il assiste son épouse handicapée dans les actes de la vie quotidienne ;

- le préfet des Bouches-du-Rhône aurait dû user de son pouvoir de régularisation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté en litige est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une décision du 20 novembre 2017, le président du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Marseille a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle formulée par M. A....

M. A...a déposé une nouvelle demande d'aide juridictionnelle le 14 décembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pecchioli a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. A..., né le 16 avril 1988, de nationalité tunisienne, relève appel du jugement du 21 mars 2017 rendu par le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa demande à fin d'annulation de l'arrêté du 7 février 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire sans délai de départ volontaire à destination du pays dont il a la nationalité ;

Sur la demande d'aide juridictionnelle :

2. Considérant que M. A...fait valoir qu'il a sollicité à nouveau le bénéfice de l'aide juridictionnelle le 14 décembre 2017 ; qu'il doit être regardé comme ayant sollicité l'aide juridictionnelle provisoire ; qu'il y a lieu de lui en accorder le bénéfice ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. Considérant que les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de " la décision portant refus d'admission au séjour en date du 7 février 2017 " doivent être regardées comme tendant en réalité à l'annulation de l'arrêté par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a obligé l'intéressé à quitter le territoire français sans délai ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié : " Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : / a) Au conjoint tunisien d'un ressortissant français, marié depuis au moins un an, à condition que la communauté de vie entre époux n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé sa nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-21 dudit code : " Pour l'application du 7° de l'article L. 313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. " ;

5. Considérant qu'indépendamment de l'énumération faite par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; qu'ainsi, lorsque la loi ou une convention internationale prévoit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement ;

6. Considérant que M. A... fait valoir qu'il est entré en France courant 2012, à l'âge de vingt-quatre ans, qu'il y réside depuis et qu'il a rencontré Mme C..., ressortissante française, avec qui il partage la vie depuis le 6 août 2013 et s'est marié le 6 décembre 2014 ; que, toutefois, sa résidence habituelle en France n'est pas justifiée pour la période antérieure à son mariage, les pièces versées au dossier étant trop éparses pour établir une telle présence ; que, de la même manière, il n'établit ni une communauté de vie effective avec son épouse, les pièces versées au dossier étant insuffisamment probantes pour l'établir, ni même la nécessité de sa présence auprès de son épouse handicapée et des trois enfants de cette dernière, âgés respectivement de onze, seize et vingt et un ans ; que si M.A..., sans enfant et sans charge de famille, affirme s'investir dans sa nouvelle famille, il reconnaît également ne pas être dépourvu de tout lien de famille dans son pays d'origine, où résident de manière incontestée, à la date de la décision en litige, l'ensemble des membres de sa famille ; que, par ailleurs, le requérant, entré irrégulièrement en France et qui n'a jamais sollicité la délivrance d'un titre de séjour comme conjoint de français, ne démontre aucune autre forme d'insertion particulière au sein de la société française, ayant fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire national en date du 17 février 2012 qu'il n'a pas exécuté ; que, par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône a méconnu les stipulations des articles 10 de l'accord franco-tunisien et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'arrêté litigieux n'est pas, pour les mêmes motifs, entaché d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle et familiale de l'appelant ;

7. Considérant, en second lieu, que le requérant ne peut utilement se prévaloir du pouvoir de régularisation dont dispose le préfet, à le faire bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour dès lors que lesdites dispositions ne prévoient pas la délivrance de plein droit d'un titre de séjour et, qu'en tout état de cause, le requérant n'a pas, préalablement à l'édiction de la décision attaquée, déposé une demande de délivrance d'un titre de séjour sur laquelle il n'aurait pas été statué ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision litigieuse, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A... ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une quelconque somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées par M. A... sur ce fondement ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : L'aide juridictionnelle provisoire est accordée à M.A....

Article 2 : La requête de M. A... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 8 janvier 2018, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- M. Pecchioli, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 janvier 2018.

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N° 17MA02607


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA02607
Date de la décision : 22/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Jean-Laurent PECCHIOLI
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : KOUEVI

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-01-22;17ma02607 ?
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