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30/03/2018 | FRANCE | N°16MA01640

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 30 mars 2018, 16MA01640


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Bastia, à titre principal, d'annuler la décision du 10 mars 2015 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la somme de 14 040 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et la somme de 4 248 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjo

ur des étrangers et du droit d'asile ensemble la décision implicite rejetant so...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Bastia, à titre principal, d'annuler la décision du 10 mars 2015 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la somme de 14 040 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et la somme de 4 248 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux formé le 19 mars 2015, à titre subsidiaire, de diminuer le montant des contributions mis à sa charge.

Par un jugement n° 1500522 du 17 mars 2016, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande de M.B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 25 avril 2016, les 17 et 19 mai 2017, M. B..., représenté par MeE..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 17 mars 2016 ;

2°) à titre principal, d'annuler la décision précitée du 10 mars 2015 ensemble la décision implicite rejetant le recours gracieux formé le 19 mars 2015 ;

3°) à titre subsidiaire, de diminuer le montant des contributions mis à sa charge ;

4°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'administration n'a pas examiné sa situation personnelle ;

- la décision contestée est entachée d'erreur de qualification juridique des faits ;

- la sanction prononcée au titre de la contribution spéciale est disproportionnée ;

- la sanction prononcée au titre de la contribution forfaitaire est dépourvue de cause et son paiement constitue un enrichissement sans cause ;

- l'arrêté du 5 décembre 2006 pris pour l'application du décret n°200-660 du 6 juin 2006 abrogé par le décret 2008-223 du 6 mars 2008 ne pouvait plus produire d'effet pour le calcul de la contribution forfaitaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mai 2017, l'Office français de l'immigration et de l'intégration conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. B...d'une somme de 2 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

- l'arrêté du 5 décembre 2006 relatif au montant de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement des étrangers dans leur pays d'origine.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Féménia,

- et les conclusions de M. Chanon.

1. Considérant qu'à l'issue d'un contrôle effectué le 8 septembre 2014 les services de la police nationale ont constaté que M.B..., entrepreneur en bâtiment, employait sur un chantier situé à Lucciana deux ressortissants marocains en situation irrégulière sur le territoire national ; que, par une décision du 10 mars 2015, l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à la charge de M. B...la somme de 14 040 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et la somme de 4 248 euros au titre de la contribution forfaitaire de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que M. B...relève appel du jugement du 17 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande d'annulation de cette décision et de la décision implicite rejetant son recours gracieux formé le 19 mars 2015 ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, que la circonstance tirée de ce que la décision contestée du 10 mars 2015 n'a pas tenu compte des arguments énoncés par M. B...lors de la phase contradictoire ayant précédé son édiction n'est pas de nature, par elle-même, à établir que l'administration n'aurait pas procédé à l'examen de sa situation personnelle ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 8253-1 de ce code dans sa version applicable à la date de la décision en litige : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux." ;

4. Considérant, d'une part, que si les faits constatés par le juge pénal et qui commandent nécessairement le dispositif d'un jugement ayant acquis force de chose jugée s'imposent à l'administration comme au juge administratif, la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tiré de ce que les faits reprochés à l'accusé ne sont pas établis ou qu'un doute subsiste sur leur réalité ; qu'il appartient, dans ce cas, à l'autorité administrative d'apprécier si la matérialité de ces faits est avérée et, dans l'affirmative, s'ils justifient l'application d'une sanction administrative ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des énonciations du procès-verbal établi le 8 septembre 2014 par les services de police qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, que, lors d'un contrôle d'identité réalisé sur un chantier de construction d'une maison individuelle à Lucciana, a été constatée la présence de M. F...et de M. A...D..., ressortissants marocains, travaillant à une bétonnière et démunis d'autorisation de séjour sur le territoire français ; que les intéressés ont indiqué travailler comme maçons depuis le mois de juillet 2014 et avoir signé un contrat de travail avec M.B... ; que si le tribunal correctionnel de Bastia a prononcé la relaxe de M. B... des fins des poursuites engagées contre lui pour les faits d'emploi d'un salarié étranger démuni de titre de travail, les motifs de ce jugement ne précisent pas les raisons pour lesquelles la relaxe a été prononcée ; que dans ces conditions, l'autorité de la chose jugée qui s'attache à ce jugement ne fait nullement obstacle à ce que la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail puisse être légalement réclamée à M.B..., dès lors qu'il ressort de l'instruction et notamment du procès verbal susmentionné qu'il a effectivement employé des travailleurs étrangers démunis des titres leur permettant une activité professionnelle salariée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 8253-1 précité du code du travail ;

6. Considérant d'autre part, que la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail est due du seul fait de l'emploi de travailleurs étrangers démunis de titre les autorisant à exercer une activité salariée sur le territoire français ; que sont dès lors sans incidence sur le bien-fondé de cette contribution les circonstances selon lesquelles M. B...n'aurait " jamais eu ni l'intention, ni même la conscience d'employer un travailleur en situation irrégulière ", qu'il aurait rempli ses obligations en tant qu'employeur en procédant à la déclaration unique d'embauche à l'URSSAF pour ses salariés et au paiement régulier des charges patronales et salariales afférentes et n'aurait employé les travailleurs étrangers en cause, qui s'étaient présentés à lui en possession de carte de séjour délivrées par les autorités espagnoles, que parce qu'ils l'ont trompé sur leur droit d'exercer une activité salariée sur le territoire français ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 8253-2 du code du travail : " I.- Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. / II.- Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : / 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; / 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. / III.- Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) " ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a fait application des dispositions légales réprimant l'emploi d'un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France, le législateur ayant entendu conférer à ces sanctions un caractère dissuasif en vue d'assurer l'effectivité de l'interdiction énoncée à l'article L. 8251-1 du code du travail ; que M. B...s'est vu appliquer un montant réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dès lors que celui-ci était en droit d'en bénéficier au titre des dispositions précitées du II.1° de l'article R. 8253-2 du code du travail ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le montant de la sanction qui lui a été infligée au titre de la contribution spéciale présenterait un caractère disproportionné ;

9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale au bénéfice de l'Office français de l'immigration et de l'intégration prévue à l'article L. 341-7 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. (...) " ;

10. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 626-1 que la contribution forfaitaire prévue par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas subordonnée à la justification du réacheminement effectif vers son pays d'origine de l'étranger employé irrégulièrement ; que par suite, le moyen tiré de ce que le préfet n'a pas justifié du réacheminement effectif des deux étrangers en cause est inopérant ; qu'en outre, la circonstance que ces étrangers n'auraient pas été rapatriés n'est pas de nature à constituer pour l'administration un enrichissement sans cause dès lors que la contribution en litige, qui a le caractère d'une sanction administrative, a été régulièrement prise sur la base de dispositions législatives ;

11. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes du II de l'article R. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce issue de l'article 4 du décret n° 2012-812 du 16 juin 2012, le montant de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 " est fixé par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé du budget, en fonction du coût moyen des opérations d'éloignement vers la zone géographique de réacheminement du salarié (...) " ;

12. Considérant, d'une part, que si les dispositions antérieures de cet article prévoyaient que le montant de la contribution était fixé chaque année par un arrêté ministériel, elles ne disposaient pas, même implicitement, que cet arrêté devenait caduc à la fin de chaque année en l'absence d'un nouveau texte ; que, par suite, l'arrêté susvisé du 5 décembre 2006 relatif au montant de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement des étrangers dans leur pays d'origine, toujours en vigueur, constitue l'arrêté d'application prévu au II de l'article R. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que d'autre part, il n'y a pas lieu d'écarter cet arrêté au motif qu'il aurait été pris par le seul ministre de l'intérieur dès lors que, conformément aux prévisions de l'article R. 626-1, il est également signé par le ministre chargé du budget ; qu'enfin, le montant de la contribution forfaitaire est fixé en fonction du coût moyen des opérations d'éloignement vers la zone géographique de réacheminement du salarié par l'arrêté du 5 décembre 2006, conformément aux dispositions de cet article R. 626-1 II ; qu'il suit de là, que le moyen tiré de ce que la contribution forfaitaire serait dépourvue de base réglementaire ne peut être accueilli ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions subsidiaires tendant à la réduction du montant des contributions mis à la charge de M. B...:

14. Considérant que si M. B... demande, à titre subsidiaire, que la sanction soit ramenée au minimum légal, il ne saurait être fait droit à sa demande s'agissant de la sanction prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui est une sanction forfaitaire ; que s'agissant de la sanction prévue par l'article L. 8253-3 du code du travail, d'une part, comme il a été dit au point 8, l'Office français de l'immigration et de l'intégration a fait application à M. B...d'une contribution spéciale minorée au montant de 2000 fois le taux horaire du minimum garanti, d'autre part, l'intéressé, qui ne conteste pas l'affirmation de l'Office français de l'immigration et de l'intégration selon laquelle il n'aurait pas versé aux étrangers qu'il a irrégulièrement employés l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 8252-2 du code du travail, ne pouvait se voir appliquer le taux réduit prévu au III de l'article R. 8253-2 du même code ; que, par suite, ces conclusions doivent être rejetées ;

Sur les frais liés au litige :

15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. B... la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'Office français de l'immigration et de l'intégration et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : M. B...versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 16 mars 2018, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme Féménia, première conseillère.

Lu en audience publique, le 30 mars 2018.

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N° 16MA01640

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA01640
Date de la décision : 30/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-06 Étrangers. Emploi des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jeannette FEMENIA
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : VOITURIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-03-30;16ma01640 ?
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