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19/04/2018 | FRANCE | N°16MA02045

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 19 avril 2018, 16MA02045


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... D...ont demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009, 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1401267 du 24 mars 2016, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 mai 2016, et un mémoire, enregistré le 19 juin 2017, M. et Mme D..., représentés par MeA..., deman

dent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 24 mars 2016 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... D...ont demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009, 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1401267 du 24 mars 2016, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 mai 2016, et un mémoire, enregistré le 19 juin 2017, M. et Mme D..., représentés par MeA..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 24 mars 2016 ;

2°) de leur accorder la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros.

Ils soutiennent que :

- l'administration fiscale a pris une position formelle et motivée les concernant par décision de dégrèvement en date du 13 mars 2010 relative à l'imposition des revenus perçus par M. D... en tant que pilote au Luxembourg au titre de l'année 2008 ; cette position doit s'appliquer aux revenus des années suivantes, leur situation n'ayant pas changé ;

- l'alinéa 3 de l'article 14 de la convention franco-luxembourgeoise concernant l'exonération d'impôt de la rémunération des services rendus sur des aéronefs affectés à des transports internationaux pour une personne ayant son domicile fiscal dans l'un des Etats contractants doit se prendre comme un complément du 1° alinéa qui précise que " les traitements et salaires et autres rémunérations analogues ne sont imposables que dans l'Etat sur le territoire duquel s'exerce l'activité professionnelle source de revenus " ;

- le principe général demeure celui de l'imposition dans le lieu de la source de revenu, en vertu l'alinéa 3 de l'article 14 de la convention précitée ; dans le pays de résidence s'applique la méthode du taux effectif ;

- si les rédacteurs de la convention avaient souhaité que le droit d'imposer revienne effectivement au pays de résidence du pilote, ils l'auraient spécifié à l'alinéa 3 ;

- le principe de la non-imposition en France des salaires luxembourgeois perçus par des résidents de France a été admis par M. B..., alors ministre du budget ;

- le principe d'égalité des contribuables devant l'impôt a été méconnu, certains pilotes de leur entourage, salariés au Luxembourg, bénéficient de la règle du taux effectif, et ont obtenu des dégrèvements.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2016 le ministre chargé du budget conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la partie requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention entre la France et le Grand-duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et a établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune conclue le 1er avril 1958 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Évelyne Paix, président assesseur, pour présider par intérim la 3ème chambre de la cour administrative de Marseille.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Haïli,

- les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant les requérants.

1. Considérant M. et Mme D... ont fait l'objet d'un contrôle fiscal sur pièces de leur dossier personnel ; que les rémunérations perçues par M. D... en sa qualité de pilote de ligne pour la société " Global jet Luxembourg SA " dont le siège social se situe au Luxembourg ont été considérées comme imposables au titre des années 2009, 2010 et 2011 ; que les contribuables relèvent appel du jugement n° 1401267 du 24 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu qui ont été mises à leur charge au titre des années 2009, 2010 et 2011 ;

Sur la domiciliation fiscale de M. D... :

2. Considérant que, si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition ; que, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification ; qu'il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale ; qu'il en est ainsi à l'égard de toute convention ayant cet objet, telle que celle conclue le 1er avril 1958 entre la France et le Luxembourg, alors même qu'elle définit directement les critères de la résidence fiscale à prendre en compte pour les besoins de son application ;

En ce qui concerne l'application de la loi interne :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française. " ; qu'aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérés comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a) Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal (...) " ;

4. Considérant qu'il n'est pas contesté par les contribuables, que le foyer fiscal était composé pour les années en litige de Mme D... et de M. D..., pilote international, domiciliés à Hyères, ainsi que de leurs deux enfants majeurs rattachés ; que les contribuables étaient, par conséquent, fiscalement domiciliés en France au sens des articles 4 A et 4 B du code général des impôts ;

En ce qui concerne l'application de la convention franco-luxembourgeoise :

5. Considérant qu'en vertu des stipulations de l'article 2-4 de la convention conclue le 1er avril 1958 entre la France et le Luxembourg : " Le domicile fiscal des personnes physiques est au lieu de la résidence normale entendue dans le sens de foyer permanent d'habitation ou, à défaut, au lieu du séjour principal " ; que, comme il a été dit au point 4, M. D... a son foyer en France; qu'il doit être, dès lors, être regardé comme ayant eu, de 2009 à 2011, son domicile fiscal en France au sens des stipulations précitées ;

6. Considérant que le paragraphe 1 de l'article 14 de cette convention stipule que : " (...) les traitements, salaires et autres rémunérations analogues ne sont imposables que dans l'Etat sur le territoire duquel s'exerce l'activité personnelle source de ces revenus. " ; que selon le paragraphe 3 du même article 14 : " Une personne ayant son domicile fiscal dans l'un des États contractants est exonérée de l'impôt dans l'autre Etat contractant en ce qui concerne la rémunération des services rendus sur des aéronefs affectés à des transports internationaux (...) " ;

7. Considérant que la convention fiscale du 1er avril 1958, qui a notamment pour objet d'éviter les doubles impositions entre les deux Etats contractants, ne saurait en aucun cas avoir pour effet d'exonérer de toute imposition des revenus résultant d'activités exercées par les personnes dont le domicile fiscal se situe dans l'un ou l'autre de ces Etats, quelle qu'en soit leur source ; que le paragraphe 3 de l'article 14 de cette convention, qui concerne le cas particulier des activités exercées sur des aéronefs affectés à des transports internationaux, et qui, par leur nature, ne peuvent être regardées comme déployées dans le périmètre d'un territoire donné, doit être interprété comme dérogeant au principe posé au paragraphe 1 de ce même article, lequel réserve au seul Etat sur le territoire duquel s'exerce l'activité personnelle source des revenus en cause la faculté de les imposer ;

8. Considérant que le domicile fiscal de M. D... est situé en France au sens de la convention du 1er avril 1958 ; que, dès lors, en vertu de la dérogation prévue au paragraphe 3 de l'article 14 précité, les revenus que l'intéressé a tirés, au cours des années en litige, de son activité au sein de la société " Global Jet Luxembourg SA ", laquelle assure des vols intercontinentaux, ne pouvaient donner lieu qu'à imposition en France et étaient nécessairement exonérés d'imposition au Luxembourg ; que, par suite, les stipulations de la convention fiscale franco-luxembourgeoise ne font pas obstacle à l'application de la loi fiscale française ;

9. Considérant que si M. et Mme D... invoquent la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi fiscale, les documents qu'ils produisent ne constituent en tout état de cause pas des décisions de dégrèvements prises par l'administration fiscale, au profit de contribuables placés dans la même situation ; que le moyen doit être rejeté ;

10. Considérant que si M. et Mme D... indiquent avoir été imposés au Luxembourg sur des indemnités maladie, pour les années postérieures aux années en litige, cette circonstance est sans incidence sur le présent litige ;

Sur l'application de la doctrine administrative :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. /Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...) " et qu'aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) " ;

12. Considérant que la décision de dégrèvement du 13 mars 2010 contenue dans l'avis de restitution " impôt sur le revenu 2008 " dont se prévalent les requérants à la suite de leur réclamation préalable du 23 février 2010 et relative aux revenus de l'année 2008 ne comporte aucune motivation explicite ; que cette décision ne peut être ainsi regardée comme comportant une prise de position formelle de l'administration fiscale sur l'appréciation de la situation de fait de M. D... au regard d'un texte fiscal au sens des dispositions précitées du livre des procédures fiscales ; que la fiche de visite du 23 février 2010 dont se prévalent les contribuables, et qui a été suivie par le dégrèvement ci-dessus mentionné, avait pour seul objet de retracer le contenu de l'entretien et formaliser la réclamation verbale du contribuable ; que ce document mentionne d'ailleurs que M. D... doit fournir divers justificatifs ; que, par suite, cette fiche de visite ne peut constituer une prise de position explicite de l'administration sur la situation fiscale de M. et Mme D... au titre des années en litige ; que les paragraphes n° 280 et 300 de la doctrine référencée BOI-CTX-PREA-10-70-20130603, d'ailleurs postérieure aux impositions en litige, ne donnent pas une autre interprétation de ces dispositions ;

13. Considérant que M. et Mme D... en appel, sans apporter d'élément nouveau, invoquent le moyen tiré de ce que la non imposition en France des salaires perçus au Luxembourg par des résidents français a été admise par le ministre chargé du budget dans un courrier daté du 5 juin 2012 et adressé à un député ; que, pour écarter ce moyen, les premiers juges ont jugé que le ministre expose dans ladite réponse la règle posée au 1 de l'article 14 de la convention sans rien y ajouter ; que, par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs par lesquels les premiers juges l'ont, à bon droit, écarté ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de demander la communication du dossier fiscal des contribuables, que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande ; que, par suite, les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être que rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...D...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-Mer.

Délibéré après l'audience du 5 avril 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Paix, président assesseur, président de la formation de jugement par intérim,

- M. Haili, premier conseiller,

- M. Sauveplane, premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 avril 2018.

6

N° 16MA02045


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA02045
Date de la décision : 19/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-02-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus fonciers.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Xavier HAILI
Rapporteur public ?: M. OUILLON
Avocat(s) : JAULIN

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-04-19;16ma02045 ?
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