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09/05/2018 | FRANCE | N°17MA01481

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 09 mai 2018, 17MA01481


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2012 par lequel le maire de la commune du Cannet ne s'est pas opposé à la réalisation des travaux afférents à la déclaration préalable n° DP 06 030 12 P0163 déposée par la SCI Gryphon Property.

Par un jugement n° 1301756 du 9 février 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 6 avril, 9 a

oût et 4 octobre 2017, M. E..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugeme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2012 par lequel le maire de la commune du Cannet ne s'est pas opposé à la réalisation des travaux afférents à la déclaration préalable n° DP 06 030 12 P0163 déposée par la SCI Gryphon Property.

Par un jugement n° 1301756 du 9 février 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 6 avril, 9 août et 4 octobre 2017, M. E..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice ;

2°) d'annuler cet arrêté du 20 décembre 2012 du maire de la commune du Cannet ;

3°) de mettre à la charge de la commune du Cannet et de la SCI Gryphon Property respectivement une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa demande de première instance est recevable, les formalités prévues à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ayant été respectées ;

- il a intérêt à agir ;

- le projet méconnaît les dispositions des articles Nd1, Nd2 et Nd3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune ; le projet autorisé ne vise en effet pas la seule réfection d'un portail existant ; ce projet concerne bien la création d'un nouvel accès carrossable desservant la SCI Gryphon Property par le chemin des collines ;

- les travaux litigieux méconnaissent l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- les travaux litigieux méconnaissent le plan de prévention des risques incendies de forêts (PPRIF).

Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 juin et 16 octobre 2017, la commune du Cannet conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. E... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 juillet et 26 octobre 2017, la SCI Gryphon Property conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. E... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance et la requête d'appel sont irrecevables faute d'avoir satisfait aux obligations prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- le requérant n'a pas intérêt à agir ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Josset,

- les conclusions de M. Gonneau, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant M. E... et de Me D..., représentant la SCI Gryphon Property.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 20 décembre 2012, le maire de la commune du Cannet ne s'est pas opposé à la réalisation de travaux relatifs à la création d'un portail en fer forgé avec piliers et clôture déclarés par la SCI Gryphon Property. M. E... interjette appel du jugement du 9 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la recevabilité de la demande de première instance et d'appel :

2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'État, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. ". D'une part, les dispositions précitées ne sont pas applicables aux recours relatifs aux déclarations préalables de travaux. D'autre part, le projet de la société pétitionnaire porte notamment sur la voie commune à la propriété de M. E..., son voisin immédiat. Ainsi M. E... a intérêt à agir contre la décision en litige.

3. Aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire, (...) court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 ". Aux termes de l'article R. 424-15 du même code : " Mention du permis explicite ou tacite ou de la déclaration préalable doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite ou la décision de non-opposition à la déclaration préalable est acquis et pendant toute la durée du chantier. (...) Un arrêté du ministre chargé de l'urbanisme règle le contenu et les formes de l'affichage ". Enfin aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, auquel renvoie l'article R. 411-7 du code de justice administrative : " En cas de ... recours contentieux à l'encontre d'un document d'urbanisme ou d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, ... l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation. (...) L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif.// La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours.// La notification du recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux.".

4. Le courrier du 9 janvier 2013, réceptionné le 18 par la commune, qui précise qu'un accès piéton ne peut être considéré à l'identique d'un passage carrossable et que l'autorisation octroyée est contestée, constitue un recours gracieux contre la décision municipale de non- opposition à déclaration préalable du 20 décembre 2012 dont bénéficie la SCI Gryphon Proprety, qui a d'ailleurs été analysé comme tel par celle-ci, de nature à interrompre le délai de recours à l'encontre de cet acte. La société pétitionnaire n'apporte aucun élément de nature à établir le début de l'affichage sur le terrain de la décision en litige, laquelle selon le courrier de notification du recours gracieux adressé le 19 février 2013 à la société Gryphon Proprty aurait eu lieu le 4 février 2013, soit postérieurement à l'envoi à la commune, le 9 janvier 2013, du recours gracieux. Par suite, les règles de notification de ce recours gracieux à la société pétitionnaire, prévues par les dispositions précitées, ne peuvent pas être utilement invoquées. Ce recours gracieux a donc valablement interrompu le délai de recours contentieux, lequel n'était pas expiré le 18 mai 2013, date d'enregistrement de la demande d'annulation de la décision en litige au greffe du tribunal. Par suite, la demande de M. E... n'est pas tardive.

5. Il ressort des pièces du dossier que tant la demande de première instance que la requête d'appel ont été notifiées dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article R. 411-7 du code de justice administrative.

6. Il ressort des pièces du dossier que la demande de M. E..., enregistrée au greffe du tribunal le 21 août 2013, comporte les timbres mobiles justifiant de l'acquittement de la contribution pour l'aide juridique d'un montant de 35 euros alors prévue par les dispositions de l'article 1635 bis Q du code général des impôts. Par suite, la fin de non-recevoir soulevée en défense et tirée du défaut de paiement de cette contribution, en méconnaissance de l'article R. 411-2 du code de justice administrative alors en vigueur, manque en fait et doit être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

7. En premier lieu, aux termes de l'article ND 1 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune du Cannet : " Occupations et utilisations du sol admises : 1. (...) - les équipements d'infrastructures, les serres et les locaux techniques liés au fonctionnement pour les exploitations agricoles existantes. 2. Toutefois, les occupations et utilisations du sol suivantes ne sont admises que si elles respectent les conditions ci-après (...) - les affouillements et les exhaussements du sol doivent être liés à l'autoroute A8 ou bien être nécessaires aux occupations et utilisations du sol admises dans la zone (...). Aux termes de l'article ND 2 du même règlement : " Occupations et utilisations du sol interdites : Toutes les occupations et utilisations du sol non mentionnées à l'article ND 1 sont interdites. ". Aux termes de l'article ND 3 du même règlement : " Accès et voirie : Pour les restaurations et extensions des constructions autorisées à l'article ND1 aucun accès nouveau n'est autorisé. (...) ". Par création d'un accès à une voie publique, il faut entendre tout changement dans la configuration matérielle des lieux ou dans l'usage qui en est fait permettant à un riverain d'utiliser cette voie avec un véhicule.

8. Il ressort des pièces du dossier et notamment des constats d'huissiers que la voie commune débouchant sur le chemin des collines est un passage envahi par la végétation et fermé à ses extrémités par deux portillons de 0,70 m environ. Le projet consiste en la surpression du portillon situé au sud et en son remplacement, plusieurs mètres plus au nord, par un portail de 3,50 m avec piliers en pierre et au remplacement d'un sentier piétonnier par une voie délimitée par un mur bahut de 0,70m à l'ouest et supportée par un mur de soutènement en béton armé d'1,50 m de hauteur. Ainsi ces travaux, compte tenu du changement dans la configuration matérielle des lieux et à l'ouverture à la circulation automobile d'un sentier réservé antérieurement à la circulation piétonne ont pour effet de créer un nouvel accès au sens des dispositions précités. En conséquence, les travaux en litige ne sont pas au nombre de ceux autorisés par les dispositions précitées de l'article ND3 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune. Par suite, les affouillements et les exhaussements, indissociables de la création de ce nouvel accès, ne sont pas davantage au nombre des travaux admis dans en zone ND.

9. En deuxième lieu, selon l'article 6 du plan de prévention des risques incendies de forêts (PPRIF) " Sont interdits tous travaux, ouvrages, aménagements ou constructions de quelque nature qu'ils soient, à l'exception de ceux mentionnés à l'article 5.. ". Selon cet article 5, sont notamment autorisés en zone rouge, " les travaux d'entretien et de gestion courante.. ". Il est constant que le projet se situe en zone rouge du PPRIF. Les travaux en litige, qui consistent en la création d'un nouvel accès, ne constituent pas des travaux d'entretien et de gestion courant et ne ressortissent manifestement pas davantage d'une autre catégorie de travaux autorisés par le règlement de ce plan. Par suite, ces travaux méconnaissent les dispositions précitées du PPRIF.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". Le maire en autorisant des travaux portant création d'un nouvel accès, qui ne sont pas au nombre de ceux autorisés par le PPRIF en zone rouge, a entaché la décision en litige d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées du code de l'urbanisme, eu égard aux risques importants d'incendie existant dans cette zone boisée.

11. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est de nature à justifier l'annulation de l'arrêté attaqué.

12. Par suite, M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté en litige. En conséquence, il y a lieu d'annuler ce jugement et la décision en litige du 20 décembre 2012.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

14. Ces dispositions font obstacle à ce que M. E..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse quelque somme que ce soit à la SCI Gryphon Property et à la commune du Cannet au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.

15. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la SCI Gryphon Property et de la commune du Cannet une somme de 1 000 euros chacune à verser à M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 9 février 2017 et la décision du 20 décembre 2012 du maire de la commune du Cannet sont annulés.

Article 2 : La SCI Gryphon Property et la commune du Cannet verseront chacune à M. E... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la commune du Cannet et de la SCI Gryphon Property tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E..., à la commune du Cannet et à la SCI Gryphon Property.

Délibéré après l'audience du 18 avril 2018, où siégeaient :

- M. Poujade, président de chambre,

- Mme Josset, présidente assesseure,

- Mme B..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 9 mai 2018.

2

N° 17MA01481


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA01481
Date de la décision : 09/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-045-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Autorisations d`utilisation des sols diverses. Régimes de déclaration préalable. Déclaration de travaux exemptés de permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: Mme Muriel JOSSET
Rapporteur public ?: M. GONNEAU
Avocat(s) : SELARL LAUGA et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-05-09;17ma01481 ?
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