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10/07/2018 | FRANCE | N°16MA02897

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 10 juillet 2018, 16MA02897


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 3 mars 2016 par lequel le préfet de Vaucluse lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai.

Par un jugement n° 1600697 du 16 juin 2016, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2016, M. D..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d

e Nîmes du 16 juin 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 mars 2016 par lequel le préfet de Vaucluse a ref...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 3 mars 2016 par lequel le préfet de Vaucluse lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai.

Par un jugement n° 1600697 du 16 juin 2016, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2016, M. D..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 16 juin 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 mars 2016 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire ;

3°) pour le cas où le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile serait écarté, d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer une carte de séjour temporaire, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour valant autorisation de travail, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles 37 et 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ou, dans l'éventualité où le bénéfice de cette aide ne lui serait pas accordé, de mettre à la charge de l'Etat le versement à son bénéfice d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il est de nationalité guinéenne et âgé de 17 ans, pour être né le 10 décembre 1998 ;

- l'arrêté attaqué est fondé sur une erreur de fait au regard de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de Vaucluse ayant estimé à tort qu'il était majeur ;

- le seul test osseux sans autre examen ni entretien avec l'intéressé n'est pas de nature à remettre en cause la présomption de validité attachée à l'acte d'état civil produit eu égard à la marge d'erreur qui affecte ce test ;

- la décision attaquée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision attaquée méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle a été prise par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- il n'entre dans aucun des cas pour lesquels l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permet au préfet de ne pas accorder de délai de départ volontaire ;

- la décision de ne pas lui accorder un délai de départ n'est pas motivée ;

- les premiers juges n'ont pas répondu à ses arguments sur l'absence de valeur probante des test osseux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2017, le préfet de Vaucluse conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. D... de la somme de 1 500 euros en application de des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 décembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Portail a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que, par arrêté du 3 mars 2016, le préfet de Vaucluse a fait obligation de quitter le territoire français sans délai à M. D..., ressortissant de la république de Guinée ; que, par un jugement du 16 juin 2016, dont le requérant relève appel, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la légalité de l'arrêté du 3 mars 2016 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / 1° L'étranger mineur de dix huit ans ; (...) " ; que l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ; que l'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact ; qu'en cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties ; que pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis ; que ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier de l'enquête des experts en fraude documentaire de la police de l'air et des frontières, que l'extrait du registre d'état civil produit par M. D... le 16 février 2016 comporte des signes de falsification, tels qu'une erreur sur son entête, ministère de la " décentration " au lieu de " décentralisation " et des caractères typographiques irréguliers ; que l'extrait du registre d'état civil du 30 octobre 2014 comporte des signes de falsification de même nature ; que M. D... doit être ainsi regardé comme ayant falsifié ces documents d'état civil ; que le préfet de Vaucluse est donc fondé à soutenir que ces documents d'état civil ne font pas foi au sens de l'article 47 du code civil ;

5. Considérant, en outre, que le passeport dont était en possession M. D... à la date de l'arrêté attaqué comporte des surpiqûres au niveau du fil de couture sur les feuillets centraux, prouvant le démontage et le remontage du passeport ; que les services de police ont pris l'attache des autorités guinéennes pour vérifier l'authenticité des documents d'identité produits, lesquelles autorités ont répondu que le numéro du passeport détenu par M. D... est inconnu de leurs registres et que la signature de l'autorité apposée sur la page d'état civil a été contrefaite ; que ce passeport est donc dépourvu de force probante ;

6. Considérant, toutefois, que M. D... produit en appel le nouveau passeport biométrique qui lui a été délivré le 16 août 2016 par les autorités Guinéennes, qui n'apparaît ni irrégulier ni falsifié, et dont le préfet de Vaucluse ne conteste pas l'authenticité ; que s'il est postérieur à la décision attaquée, les faits qui y sont déclarés, en l'occurrence la date de naissance de M. D..., sont antérieurs à cette décision ; qu'il résulte dudit document que M. D... est né le 10 décembre 1998 et était donc mineur à la date de la décision attaquée ; que M. D... est, dés lors, fondé à soutenir que l'arrêté attaqué méconnaît l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'illégalité ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. D..., est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande, et à demander l'annulation de ce jugement ainsi que de l'arrêté attaqué ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ; que l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. " ;

9. Considérant que le présent jugement implique seulement que le préfet de Vaucluse statue à nouveau sur le cas de M. D... dans un délai d'un mois et lui délivre jusqu'à la décision à intervenir une autorisation provisoire de séjour, laquelle ne comportera pas nécessairement une autorisation de travail, les dispositions de l'article L. 512-14 n'imposant pas la délivrance d'une telle autorisation ; qu'il convient de lui adresser une injonction en ce sens, sans qu'il y ait lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction du prononcé d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :

10. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du requérant tendant à ce qu'une somme soit versée à son conseil sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; que, par ailleurs, le requérant n'étant ni partie perdante, ni tenu aux dépens, les conclusions présentées par l'Etat, qui en tout état de cause n'a pas eu recours à un ministère d'avocat et qui ne fait pas état précisément des frais exposés pour défendre à l'instance, ne peuvent qu'être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 16 juin 2016 du tribunal administratif de Nîmes et l'arrêté du 3 mars 2016 du préfet de Vaucluse sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Vaucluse de statuer à nouveau sur le cas de M. D... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans l'attente de la décision à intervenir une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de M. D... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique sont rejetées.

Article 5 : Les conclusions du préfet de Vaucluse présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D..., au ministre de l'intérieur, au préfet de Vaucluse, et à Me A...C....

Délibéré après l'audience du 26 juin 2018, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,

- M. Portail, président-assesseur,

- Mme B..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 10 juillet 2018.

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N° 16MA02897


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA02897
Date de la décision : 10/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-02-01 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité interne. Étrangers ne pouvant faire l`objet d`une OQTF ou d`une mesure de reconduite.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: M. Philippe PORTAIL
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : BOURCHET

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-07-10;16ma02897 ?
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