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28/09/2018 | FRANCE | N°16MA03085

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 28 septembre 2018, 16MA03085


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B...a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 13 janvier 2015 par laquelle l'inspecteur du travail de la Corse-du-Sud a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1500239 du 7 juillet 2016, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 29 juillet 2016, 26 octobre 2016, 23 et 24 novembre 2016 et 7 décembre 2016, M. B... représenté par la SCP Casalta-Gaschy, de

mande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 juillet 2016 du tribunal administratif de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B...a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 13 janvier 2015 par laquelle l'inspecteur du travail de la Corse-du-Sud a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1500239 du 7 juillet 2016, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 29 juillet 2016, 26 octobre 2016, 23 et 24 novembre 2016 et 7 décembre 2016, M. B... représenté par la SCP Casalta-Gaschy, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 juillet 2016 du tribunal administratif de Bastia ;

2°) d'annuler la décision précitée du 13 janvier 2015 ;

3°) d'ordonner à la fédération d'aide à domicile en milieu rural (ADMR) de la Corse du Sud de lui reverser la somme de 1 500 euros qu'il a réglée en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat et de la fédération de l'ADMR de la Corse du Sud une somme de 1 500 euros à verser chacun à M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative outre les dépens.

Il soutient que :

- la convocation à l'entretien préalable de licenciement et la mise à pied conservatoire

auraient dû être autorisées par le conseil d'administration de la fédération interdépartementale de l'aide à domicile en milieu rural de la Corse-du-Sud ;

- il a été privé de son droit à être assisté ou représenté lors de l'entretien préalable, l'employeur n'ayant pas sollicité la levée de son contrôle judiciaire ;

- la décision de mise à pied n'a pas été notifiée à l'inspecteur du travail dans le délai de 48 heures à compter de sa prise d'effet en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2421-1 du code du travail ;

- la demande d'autorisation de licenciement a été présentée après l'expiration du délai de 10 jours prévu par l'article R. 2421-6 du code du travail ;

- la demande d'autorisation de licenciement aurait dû être présentée au plus tard dans les 48 heures suivant la délibération du comité d'entreprise ;

- l'enquête contradictoire menée par l'inspecteur du travail est irrégulière faute

d'avoir informé le salarié des éléments matériels recueillis par cet inspecteur ;

- le délai d'instruction de la demande prescrit par l'article R. 2421-11 du code du travail n'a pas été respecté ;

- la décision en litige est insuffisamment motivée ;

- les faits fautifs reprochés sont prescrits ;

- les faits sur lesquels se fondent la décision contestée, sont matériellement inexacts ;

- en l'absence de fautes d'une gravité suffisante, la mesure de licenciement n'est pas justifiée.

Par des mémoires en défense enregistrés le 21 septembre 2016, 16 novembre 2016 et 5 décembre 2016, la fédération de l'ADMR de la Corse-du-Sud conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à la mise à la charge de M. B... d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la ministre du travail qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. A...,

- et les observations de Me C... substituant la SCP Casalta-Gaschy, représentant M. B....

Vu la note en délibérée, enregistrée le 24 septembre 2018, présentée pour M.B....

Vu la note en délibérée, enregistrée le 25 septembre 2018, présentée pour la fédération de l'ADMR de la Corse-du-Sud.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été embauché le 1er avril 1982 par la fédération interdépartementale de l'aide à domicile en milieu rural (ADMR). Par avenant du 18 juillet 2005, il a été nommé directeur général de la fédération ADMR de la Corse-du-Sud. Sur demande de son employeur, l'inspecteur du travail de la Corse-du Sud a, par décision du 13 janvier 2015, autorisé l'association Fédération ADMR de la Corse-du-Sud à le licencier. M. B... relève appel du jugement du 7 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 janvier 2015.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité externe de la décision du 13 janvier 2015 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2421-12 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée. (...) ". Cette motivation doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. A ce titre, il incombe à l'inspecteur du travail, lorsqu'il est saisi d'une demande de licenciement motivée par un comportement fautif, d'exposer les faits reprochés au salarié de manière suffisamment précise et de rechercher si les faits reprochés sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

3. Il ressort des pièces du dossier que la décision par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement pour faute de M. B... comporte la mention des dispositions du code du travail applicables à sa situation et précise de manière détaillée la nature des faits reprochés à l'intéressé, mentionnant notamment qu'il lui est reproché d'avoir conservé des éléments mettant en cause son épouse, de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour protéger la structure des agissements de cette dernière et de ne pas avoir porté ces faits à la connaissance des instances dirigeantes de la fédération ADMR de la Corse-du-Sud. L'inspecteur du travail a par ailleurs relevé que ces faits, pris dans leur ensemble, étaient d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement envisagé. L'inspecteur du travail n'était nullement tenu de préciser dans sa décision la nature de l'ensemble des pièces recueillies au cours de l'enquête dans la mesure où l'intéressé, qui en a était destinataire, en connaissait nécessairement la teneur. Au vu de ces mentions, le moyen tiré de ce que cette décision ne serait pas suffisamment motivée doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 2421-4 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. / L'inspecteur du travail prend sa décision dans un délai de quinze jours, réduit à huit jours en cas de mise à pied. Ce délai court à compter de la réception de la demande d'autorisation de licenciement. Il n'est prolongé que si les nécessités de l'enquête le justifient. L'inspecteur informe les destinataires mentionnés à l'article R. 2421-5 de la prolongation du délai ". Les formalités ci-dessus décrites ne sont pas prescrites à peine de nullité de la procédure de licenciement. Par suite, les circonstances, à les supposer établies, que l'inspecteur du travail n'aurait pas notifié à M. B... les motifs tirés des nécessités de l'enquête justifiant la prolongation du délai prévu par les dispositions précitées et aurait statué hors dudit délai, sont sans influence sur la légalité de la décision d'autorisation de licenciement.

5. En troisième lieu, aux termes des articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat (...) ". Le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions précitées impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, d'informer le salarié concerné des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui en ont témoigné. Il implique également de mettre à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir, y compris des témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation.

6. Il ressort des pièces du dossier que, dans le cadre de l'enquête contradictoire, l'inspecteur du travail a auditionné le 9 décembre 2011 la responsable de la comptabilité et le directeur des ressources humaines. Le 11 décembre suivant M. B... accompagné de son conseil et son employeur ont été auditionnés personnellement et individuellement. A cette occasion, l'inspecteur du travail a communiqué au requérant les griefs de son employeur contenu dans le rapport annexé à la demande d'autorisation de licenciement transmise par la fédération ADMR le 12 novembre 2014 comportant en autre la chronologie détaillée des faits reprochés à l'intéressé entre juin et septembre 2011 ainsi que le contenu des témoignages recueillis et l'a invité à s'exprimer sur les faits. M. B... qui n'établit pas ni même allègue, avoir expressément demandé à l'inspecteur du travail communication de ce rapport, a ainsi été mis à même de prendre connaissance des éléments contenus dans ce document, sur lesquels s'est notamment fondée l'inspecteur du travail pour prendre la décision en litige. Dans ces conditions, le salarié doit être regardé comme ayant été mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande avant que l'inspecteur du travail ne statue sur celle-ci, et ainsi de présenter utilement sa défense. Le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de l'enquête préalable doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne de la décision du 13 janvier 2015 :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1233-2 du code du travail : " L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. / La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. (...) ".

8. Aux termes des dispositions de l'article 1.2 du règlement intérieur de la fédération de l'ADMR de la Corse-du-Sud : " Tous les salariés sont placés sous l'autorité du président de l'association ou de toute personne ayant reçu délégation de ce dernier ". Ainsi, le président de la fédération, en sa qualité de personne exerçant le pouvoir hiérarchique sur le salarié, pouvait engager la procédure de licenciement à l'encontre de M. B... et en outre procéder à sa mise à pied conservatoire sans avoir à recueillir préalablement l'accord du conseil d'administration.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 1232-4 du code du travail : " " Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise. / (...) / La lettre de convocation à l'entretien préalable adressée au salarié mentionne la possibilité de recourir à un conseiller du salarié et précise l'adresse des services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à sa disposition. ". Aux termes de l'article R. 1232-1 du même code : " La lettre de convocation prévue à l'article L. 1232-2 indique l'objet de l'entretien entre le salarié et l'employeur. / Elle précise la date, l'heure et le lieu de cet entretien. / Elle rappelle que le salarié peut se faire assister pour cet entretien par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise ou, en l'absence d'institutions représentatives dans l'entreprise, par un conseiller du salarié. ". Aux termes de l'article 140 du code de procédure pénale : " La mainlevée du contrôle judiciaire peut être ordonnée à tout moment par le juge d'instruction, soit d'office, soit sur les réquisitions du procureur de la République, soit sur la demande de la personne après avis du procureur de la République. Le juge d'instruction statue sur la demande de la personne dans un délai de cinq jours, par ordonnance motivée. Faute par le juge d'instruction d'avoir statué dans ce délai, la personne peut saisir directement de sa demande la chambre de l'instruction qui, sur les réquisitions écrites et motivées du procureur général, se prononce dans les vingt jours de sa saisine. A défaut, la mainlevée du contrôle judiciaire est acquise de plein droit, sauf si des vérifications concernant la demande de la personne ont été ordonnées. ". Il résulte de ces dispositions que la lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement doit mentionner les modalités d'assistance du salarié applicables en fonction de la situation de l'entreprise. Lorsque l'employeur relève d'une unité économique et sociale dotée d'institutions représentatives de son personnel, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel d'une entité de l'unité économique et sociale, la lettre de convocation devant dès lors, à peine d'irrégularité, mentionner une telle faculté.

10. Il ressort des pièces du dossier que la fédération de l'ADMR de la Corse-du-Sud fait partie d'une unité économique et sociale dotée d'institutions représentatives du personnel. La convocation à l'entretien préalable du 22 octobre 2014 adressée à M. B... comporte conformément aux dispositions précitées du code du travail la mention de la faculté dont l'intéressé disposait de se faire assister par un personnel de l'unité économique et sociale. M. B... qui ne s'est pas rendu à cet entretien préalable ne peut valablement soutenir que son absence résulterait des restrictions ordonnées par son placement sous contrôle judiciaire l'empêchant d'entrer en contact avec des salariés de la fédération de l'ADMR de la Corse-du-Sud, dès lors qu'il n'a pas tenté d'obtenir la mainlevée de ce contrôle judiciaire en vue d'assister à cet entretien comme le lui permettaient les dispositions précitées du code de procédure pénale. La circonstance que son employeur aurait défendu, dans le cadre de la procédure pénale, le maintien et le renforcement des mesures ordonnées par le contrôle judiciaire ne peut davantage permettre à M. B... de soutenir que son absence à l'entretien préalable serait imputable à la fédération. Il ressort également des pièces du dossier qu'à aucun moment il n'a fait valoir à son employeur qu'il ne pouvait se rendre à l'entretien en raison de difficultés sérieuses ou qu'il souhaitait se faire représenter. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé du droit d'être assisté ou représenté lors de l'entretien préalable.

11. En troisième lieu, si M. B... fait valoir que la décision de mise à pied prise à son encontre par son employeur n'a pas été notifiée à l'inspecteur du travail dans le délai de 48 heures prévu par les dispositions de l'article L. 2421-1 du code du travail, ce moyen doit être écarté comme inopérant, dès lors que la violation de cette procédure n'est susceptible d'entraîner que la nullité de la décision de mise à pied et non l'irrégularité de la demande d'autorisation de licenciement.

12. En quatrième lieu, en vertu des dispositions des articles L. 2421-1, et L. 2421-3 du code du travail, tout licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué syndical, d'un délégué du personnel, d'un membre élu du comité d'entreprise, d'un représentant syndical au comité d'entreprise ou d'un membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. S'agissant d'un salarié titulaire des quatre derniers mandats précités, un tel licenciement est obligatoirement soumis au comité d'entreprise qui donne un avis sur le projet de licenciement ainsi que le prévoit l'article L. 2421-3 du code du travail dans sa version applicable au litige. Aux termes de l'article R. 2421-6 du même code : " En cas de faute grave, l'employeur peut prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé jusqu'à la décision de l'inspecteur du travail. / Lorsque le délégué syndical bénéficie de la protection prévue à l'article L. 2421-3, la consultation du comité d'entreprise a lieu dans un délai de dix jours à compter de la date de la mise à pied. La demande d'autorisation de licenciement est présentée au plus tard dans les quarante-huit heures suivant la délibération du comité d'entreprise (...) ". En revanche, la demande d'autorisation de licenciement d'un délégué syndical, qui n'est pas titulaire de l'un des mandats mentionnés à l'article L. 2421-3 du code du travail, n'a pas à être présentée au comité d'entreprise et n'est, par suite, pas soumise au respect des délais prévus par les dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article R. 2421-6 du même code.

13. Il résulte de ce qui précède que la demande d'autorisation de licenciement de M. B..., personnalité qualifiée au conseil d'administration de l'URSSAF qui n'était pas titulaire de l'un des mandats mentionnés à l'article L. 2421-3 du code du travail, n'avait pas à être soumise au comité d'entreprise. Par suite, s'il a été mis à pied à titre conservatoire le 8 octobre 2014, l'intéressé ne peut se prévaloir utilement du non-respect des délais mentionnés à l'article R. 2421-6 précité.

14. En cinquième lieu, en vertu des dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail : " aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement des poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ". Aux termes de l'article L. 2422-1 de ce code : " L'annulation sur recours hiérarchique par le ministre compétent d'une décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement d'un salarié mentionné aux articles L. 425-1 et L. 425-2 emporte, pour le salarié concerné et s'il le demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, droit à réintégration dans son emploi ou dans un emploi équivalent. / Il en est de même dans le cas où, sauf sursis à exécution ordonné par le Conseil d'Etat, le juge administratif a annulé une décision de l'inspecteur du travail ou du ministre compétent autorisant un tel licenciement (...) ".

15. Il résulte de ces dispositions que lorsque le délai de deux mois ouvert par l'article L. 122-44 du code du travail à l'employeur pour engager des poursuites disciplinaires à compter du jour où il a pleinement connaissance des faits reprochés au salarié a été régulièrement interrompu préalablement à une annulation d'une décision l'autorisant à licencier un salarié protégé, l'employeur dispose, après cette annulation, d'un délai de deux mois à compter de la réintégration du salarié, si celui-ci la demande, pour poursuivre la procédure disciplinaire pour les mêmes faits. Lorsque le salarié dont le licenciement est envisagé est un salarié protégé et que l'administration refuse d'accorder à l'employeur l'autorisation de le licencier pour une irrégularité de procédure, l'employeur peut faire une nouvelle demande de licenciement auprès de l'inspecteur du travail quand bien même aucun événement nouveau ne serait intervenu depuis la première demande.

16. Il ressort des pièces du dossier que les faits reprochés, dont la nature et l'ampleur n'ont été appréhendés avec suffisamment de certitude par l'employeur qu'à partir du 9 décembre 2011, date à laquelle les anomalies ont été révélées au bureau de la Fédération et à la commission du personnel, ne sont pas prescrits par application du délai de deux mois après la commission des faits prévus des dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail dès lors que l'employeur a convoqué l'intéressé par courrier du 6 janvier 2012 à un entretien préalable au licenciement. Par ailleurs, à la suite de l'annulation par un jugement du 17 avril 2014 du tribunal administratif de Bastia de la première autorisation de licenciement délivrée par l'inspecteur du travail le 29 mars 2012, M. B... a sollicité sa réintégration au sein de l'ADMR Corse-du-Sud le 13 juin 2014. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 juin 2014, la fédération de l'ADMR de la Corse-du-Sud l'a convoqué à un nouvel entretien préalable le 1er juillet 2014, interrompant ainsi régulièrement le délai de prescription de deux mois prévu par les dispositions précitées. Enfin, si le requérant soutient que l'inspecteur du travail ayant d'abord notifié le 9 septembre 2014 un refus à l'autorisation sollicitée, refus qui n'a pas été contesté, la prescription n'a pas été interrompue, lorsque le salarié dont le licenciement est envisagé est un salarié protégé et que l'administration refuse, comme en l'espèce, d'accorder à l'employeur l'autorisation de le licencier pour un motif de forme, la notification de cette décision de refus interrompt la prescription de l'article L. 1332-4 du code du travail, de sorte que la fédération de l'ADMR pouvait valablement reprendre la procédure dans un délai de deux mois à compter de la notification de cette décision de refus. Par suite, les faits en cause ne pouvaient être regardés comme prescrits lors de l'ultime convocation à l'entretien préalable en date du 7 octobre 2014. En tout état de cause, l'action publique a été engagée dans le délai imparti par une information judiciaire contre X ouverte le 30 janvier 2012 à la suite de la dénonciation de faits délictueux par le commissaire aux comptes au procureur de la République par courrier du 12 décembre 2011. Les poursuites pénales ayant été ainsi exercées avant l'expiration du délai de deux mois susmentionné, la prescription édictée par l'article L. 122-44 précité ne pouvait trouver à s'appliquer.

17. En sixième lieu, en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables à son contrat de travail et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

18. Il est reproché à M. B..., directeur général de l'association, d'avoir conservé des éléments mettant en cause son épouse, également salariée de l'association, à l'origine d'irrégularités financières découvertes par la responsable du service comptabilité, de n'avoir pas pris les mesures nécessaires pour protéger la structure des agissements de celle-ci et de ne pas avoir porté ces agissements à la connaissance des instances dirigeantes de l'ADMR. Il ressort des pièces du dossier que les investigations réalisées au sein de l'ADMR ont été menées à l'initiative non de M. B..., mais de la responsable du pôle comptable, qui a découvert les détournements opérés par l'épouse du directeur général à l'occasion de relances effectuées auprès de l'association " La fée Clochette ". C'est ainsi, qu'à la demande de cette responsable du pôle comptable, M. B... lui a remis copie d'un chèque émis par cette association qu'il avait conservé quelques jours et dont le bénéficiaire avait été falsifié au profit de son épouse. L'intéressé a procédé en août 2011 au versement d'une somme de 4 000 euros sur demande du pôle comptable, ce qui démontre qu'il reconnaissait les faits reprochés à Mme B.... Il n'a pour autant jamais pris de mesure disciplinaire contre son épouse, malgré la découverte progressive des irrégularités qui lui étaient imputables. La circonstance, à la supposer établie, que l'ampleur des détournements aurait été découverte postérieurement à son placement en arrêt maladie est sans influence sur la réalité des faits retenus par l'inspecteur du travail. Il ressort également des pièces du dossier que pendant plusieurs mois, alors qu'il s'est rendu à des rendez-vous prévus avec le commissaire au compte pour s'expliquer sur les irrégularités comptables révélées par les investigations, M. B... n'a aucunement informé les instances dirigeantes de la fédération de l'ADMR, avant la réunion du bureau fixée le 9 décembre 2011, puis, lors de la réunion extraordinaire du conseil d'administration dont il a sollicité la tenue. Par ailleurs, si par jugement du 15 juillet 2016, le tribunal de grande instance de Bastia a relaxé M. B... des poursuites pénales engagées à son encontre pour faux et usage de faux et recel de biens obtenus à l'aide d'une escroquerie, cette circonstance est sans incidence sur l'exactitude matérielle des faits reprochés à M. B... dans le cadre des poursuites disciplinaires en litige dès lors qu'elles portent sur des constatations de faits de nature différente. Enfin, s'il ne ressort pas des pièces du dossier que la fédération de l'ADMR soit dotée d'un pôle ressources humaines de sorte que le motif retenu par l'inspecteur du travail de ce que M. B... n'a pas transmis la lettre de démission datée du 22 septembre 2011 à ce pôle est entaché d'inexactitude matérielle, il appartenait à M. B... dont les attributions ne lui confèraient pas le pouvoir de prendre acte seul de la démission d'un membre du personnel, d'en informer à tout le moins les instances de l'ADMR. Dans ces conditions, la matérialité des agissements fautifs reprochés à M. B... est établie. Par suite, le moyen tiré de l'inexactitude matérielle des griefs formulés à l'encontre de l'intéressé doit être écarté.

19. Les faits retenus par l'inspecteur du travail sont d'une gravité suffisante pour justifier l'autorisation de licencier M. B.... Un tel motif suffit à lui seul à justifier légalement la décision contestée. Il ne ressort pas, par ailleurs, des pièces du dossier que le licenciement en litige aurait présenté un lien avec le mandat détenu par le requérant.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

21. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

22. Ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat et la fédération de l'ADMR de la Corse-du-Sud, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, versent quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par M. B... en première instance et en appel. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme 2 000 euros au titre des frais engagés par la fédération de l'ADMR de la Corse-du-Sud en application de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera une somme de 2 000 euros à la fédération d'aide à domicile en milieu rural de la Corse du Sud en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., à la fédération d'aide à domicile en milieu rural de la Corse du Sud et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2018, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 28 septembre 2018.

2

N° 16MA03085

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA03085
Date de la décision : 28/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-08-05 Procédure. Voies de recours. Recours en rectification d'erreur matérielle.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jeannette FEMENIA
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : SCP CASALTA - GASCHY

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-09-28;16ma03085 ?
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