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08/01/2019 | FRANCE | N°17MA00942

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 08 janvier 2019, 17MA00942


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2014 par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud l'a placé à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 19 août 2014 et de condamner l'Etat à lui payer la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice subi.

Par un jugement n° 1407674 du 23 janvier 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :
>Par une requête enregistrée le 8 mars 2017, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2014 par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud l'a placé à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 19 août 2014 et de condamner l'Etat à lui payer la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice subi.

Par un jugement n° 1407674 du 23 janvier 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 mars 2017, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 23 janvier 2017 ;

2°) d'annuler cette décision du 2 septembre 2014, subsidiairement d'ordonner une mesure d'expertise ;

3°) d'enjoindre à l'administration de prendre une nouvelle décision ;

4°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice subi ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- la commission de réforme a minoré le taux d'invalidité résultant des infirmités imputables au service et a estimé à tort que les troubles bipolaires qu'il présente ne sont pas imputables au service ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- l'administration a commis une faute en le maintenant en service en dépit de sa maladie ;

- les souffrances physiques et morales endurées, les troubles dans les conditions d'existence et la perte de chance de se soigner justifient l'allocation d'une somme de 20 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2018, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le décret n° 68-756 du 13 août 1968 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,

- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis du 18 février 2014, le comité médical interdépartemental a estimé que M. C..., brigadier de police, était inapte de manière absolue et définitive à toute fonction active et à tout reclassement. Le 12 mars 2014, l'administration a informé l'intéressé qu'il serait mis à la retraite par voie d'invalidité à compter du 19 août suivant. Ce dernier a alors demandé, le 11 avril suivant, que la commission de réforme interdépartementale soit saisie afin de se prononcer sur la question de l'imputabilité au service de son invalidité. A la suite de l'avis émis par cette commission le 1er juillet 2014 qui a proposé la mise à la retraite de M. C... par voie d'invalidité au titre de l'article 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite, le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud l'a, par un arrêté du 2 septembre 2014, placé à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 19 août 2014. L'intéressé relève appel du jugement du 23 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et ses conclusions indemnitaires.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Il ne résulte pas des dispositions de l'article R. 421-2 du code de justice administrative que M. C... était tenu, avant de saisir le tribunal administratif de conclusions tendant à l'annulation d'une décision au titre de l'article 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite de présenter un recours préalable auprès de l'administration. Le litige n'entrait pas par ailleurs dans le champ d'application de dispositions spéciales prévoyant une telle obligation. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en première instance par le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud ne peut être accueillie.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ". Aux termes de l'article L. 29 du même code : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ... ". Aux termes de l'article L. 31 du même code : " La réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions sont appréciés par une commission de réforme selon des modalités qui sont fixées par un décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article R. 49 du même code : " (...) La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages, rapports et considérations propres à éclairer son avis. Elle peut faire procéder à toutes mesures d'instructions, enquêtes et expertises qu'elle estime nécessaires. (...) L'avis formulé en application du premier alinéa de l'article L. 31 du code des pensions civiles et militaires de retraite doit être accompagné de ses motifs. ".

4. La situation d'un fonctionnaire civil mis à la retraite à raison d'une incapacité évaluée par un taux global d'invalidité résultant, d'une part, de blessures ou maladies contractées ou aggravées en service, et d'autre part, de blessures ou maladies non imputables au service, relève des dispositions précitées de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite à la condition que les blessures ou maladies contractées ou aggravées en service aient été de nature à entraîner, à elles seules ou non, la mise à la retraite de l'intéressé.

5. Le procès-verbal de la séance du 1er juillet 2014 à l'issue de laquelle la commission de réforme interdépartementale s'est prononcée sur la situation de ce dernier rappelle les taux d'invalidité de 12 %, 30 % et 30 % découlant respectivement de l'état antérieur du requérant au niveau de la région lombaire, de sa pathologie lombaire actuelle, aggravation due au service comprise, et de ses troubles bipolaires, regardés comme n'étant pas imputables au service. Si la commission n'a pas précisé, dans ce document pré-imprimé envisageant le cas de la coexistence d'infirmités imputables au service ou considérées comme telles et d'infirmités non imputables, si ces dernières plaçaient à elles seules l'agent dans l'incapacité de continuer ses fonctions, elle a proposé la mise à la retraite de M. C... par voie d'invalidité au titre de l'article 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite.

6. Il ressort des pièces du dossier que l'expert psychiatre qui a examiné M. C... le 21 janvier 2014 a estimé que ce dernier présentait une personnalité bipolaire le rendant inapte aux fonctions actives de police et à un reclassement dans un corps administratif et a évalué à 30 % le taux d'invalidité résultant de cette infirmité. M. C... soutient que les troubles bipolaires dont il est atteint sont imputables au service et produit à cette fin un certificat médical daté du 18 septembre 2013 selon lequel le fait pour l'administration de l'avoir maintenu dans ses fonctions l'aurait maintenu dans la négation de sa maladie et aurait aggravé son état constaté depuis 2006. Il ressort cependant des pièces produites en défense devant le tribunal que, placé en congé de maladie pour la durée de neuf mois à compter du 3 mars 2010, le requérant a demandé à reprendre son service en se prévalant d'un certificat établi par le médecin auteur de ce certificat du 18 septembre 2013. Au vu des expertises concluant à la réintégration de l'intéressé, le comité médical a émis un avis favorable à la reprise de ses fonctions à compter du 3 octobre 2010. Aucun élément ne corrobore le contenu du certificat du 18 septembre 2013, et notamment pas celui de l'expertise réalisée le 21 janvier 2014. Dans ces conditions, cette infirmité ne peut être regardée comme résultant d'une maladie aggravée en service.

7. Le requérant a également été vu par un expert médecin généraliste qui a constaté le 29 janvier 2015 la persistance d'une pathologie lombaire justifiant un taux d'invalidité global de 30 % dont 12 % correspondant à une discopathie préexistante aggravée par un accident du travail survenu le 11 juillet 2005. Selon le rapport qui a été établi par cet expert, l'état de l'intéressé, qui porte un corset et est sujet à un enraidissement total, équivaut à une arthrodèse lombaire totale avec radiculgies variables sur trois étages. Ce rapport mentionne en outre que cette infirmité rend à elle seule M. C... inapte à tout poste et à reclassement de façon absolue et définitive. En conséquence, dès lors que cette même infirmité résulte de blessures aggravées en service et est de nature à entraîner la mise à la retraite de l'intéressé, c'est à tort que le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud l'a placé à la retraite sur le fondement de l'article 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite et non sur celui de l'article L. 27 du même code.

Sur les conclusions indemnitaires :

8. Il ne résulte pas de l'instruction, compte tenu de ce qui a été dit au point 6, que l'administration aurait commis une faute en maintenant M. C... en service en dépit de sa maladie. Ce dernier n'est donc pas fondé à rechercher la responsabilité pour faute de l'Etat pour obtenir réparation des préjudices qu'il aurait subis. Ses conclusions indemnitaires doivent être rejetées sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir qui leur a été opposée en première instance par l'administration.

9. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. C... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la zone de défense et de sécurité Sud du 2 septembre 2014.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. M. C... se borne à demander à la Cour d'enjoindre au préfet de prendre une nouvelle décision en exécution de l'annulation, par le présent arrêt, de l'arrêté du préfet de la zone de défense et de sécurité Sud du 2 septembre 2014. Il y a lieu d'adresser une injonction en ce sens au préfet, qui se prononcera en fonction des motifs du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, le préfet disposera d'un délai d'un mois pour s'exécuter.

Sur les frais liés au litige :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : L'arrêté du préfet de la zone de défense et de sécurité Sud du 2 septembre 2014 est annulé.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 23 janvier 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la zone de défense et de sécurité Sud de prendre une nouvelle décision sur la situation de M. C... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. C... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 18 décembre 2018, où siégeaient :

- M. Gonzales, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Jorda, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 janvier 2019.

N° 17MA00942 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA00942
Date de la décision : 08/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-10-09-01 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Radiation des cadres. Inaptitude physique.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : PEPIN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-01-08;17ma00942 ?
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