La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/06/2019 | FRANCE | N°19MA00439

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 20 juin 2019, 19MA00439


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 17 mai 2018, par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours mentionnant le pays de destination et a édicté à son encontre une interdiction de retour en France d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 1803550 du 19 octobre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejet

é sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 janvier...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 17 mai 2018, par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours mentionnant le pays de destination et a édicté à son encontre une interdiction de retour en France d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 1803550 du 19 octobre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 janvier 2019, M.A..., représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 19 octobre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté précité ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, et à titre subsidiaire de procéder à une nouvelle instruction de sa demande dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil qui renonce dans ce cas à percevoir la part contributive de l'Etat due au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- le refus de séjour est entaché d'incompétence de son auteur ;

- il est insuffisamment motivé en application de la loi du 11 juillet 1979 ;

- il méconnait l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision attaquée porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la mesure d'éloignement est illégale, par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant interdiction de retour en France pour une durée d'un an est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est également entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2019, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'il s'en remet à ses écritures de première instance.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, selon lequel la Cour envisage de procéder à une substitution de base légale (CE Ministre de l'intérieur c/ Nassiri n°367306) car le préfet de l'Hérault ne pouvait se fonder sur les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour examiner la possibilité de régulariser l'intéressé au titre de l'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié, mais devait se fonder sur son pouvoir général de régularisation.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

-la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Gougot a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 17 mai 2018, le préfet de l'Hérault a rejeté la demande de titre de séjour que lui avait présentée le 2 mai 2017 sur le fondement de l'article L.313-11 7° et de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M.A..., ressortissant marocain et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ainsi que d'une interdiction de retour en France d'une durée d'un an. M. A...interjette appel du jugement du 19 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le refus de séjour :

2. En premier lieu, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et de l'insuffisante motivation du refus de séjour doivent être écartés par adoption des motifs des premiers juges qui n'appellent pas de précision en appel.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". En l'espèce, s'il est constant que l'intéressé est présent en France depuis de nombreuses années, la production de bulletins de salaire pour des emplois à domicile depuis 2016 pour environ quatre-vingt heures par mois, et d'une promesse d'embauche du 25 avril 2018 pour un contrat de travail à durée déterminée, de licences d'athlétisme, d'attestations selon lesquelles il exerce une activité d'accompagnant individuel bénévole auprès de personnes handicapées, d'inscriptions en salle de sports et comme donneur de sang et d'attestations amicales ou de voisins, qui sont peu circonstanciées, ne sont pas suffisantes pour démontrer qu'il a fixé en France le centre de ses intérêts privés et professionnels. S'il soutient être titulaire d'un bail d'habitation depuis le 15 juillet 2014 pour la location d'un studio, il ne le produit pas. Enfin, le préfet fait valoir que sa mère et plusieurs membres de sa fratrie demeurent.dans son pays d'origine où il a passé la majeure partie de sa vie et si le requérant a produit plusieurs pièces d'identité françaises ou titre de séjours de personnes ayant le même nom que lui, il n'a pas précisé le lien de parenté les unissant Ainsi, malgré la durée de sa présence en France, l'intéressé, qui est célibataire et sans enfant, ne démontre donc pas que le refus de séjour attaqué a porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale en France au regard des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ". L'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation de la situation d'un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié. Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 313-14 sont applicables aux ressortissants marocains en tant qu'elles prévoient l'admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale du demandeur.

5. D'une part, pour les motifs exposés au point 4, le préfet de l'Hérault ne pouvait légalement rejeter la demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié présentée par l'intéressé, qui se prévalait au soutien de sa demande de titre de séjour d'une promesse d'embauche, en se fondant sur la circonstance que ce dernier ne remplissait pas les conditions mentionnées par les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées. Toutefois lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. En l'espèce, la décision attaquée trouve son fondement légal sur le pouvoir général de régularisation du préfet pour examiner la demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié de M.A.dans son pays d'origine où il a passé la majeure partie de sa vie et si le requérant a produit plusieurs pièces d'identité françaises ou titre de séjours de personnes ayant le même nom que lui, il n'a pas précisé le lien de parenté les unissant Cette substitution de base légale n'a pas pour effet de priver l'intéressé d'une garantie et l'administration disposait du même pouvoir d'appréciation. Par suite, ce fondement légal peut être substitué au fondement erroné retenu par le préfet. Mais ni la production d'une simple promesse d'embauche du 25 avril 2018 pour un emploi en contrat à durée déterminée, ni les activités sportives ou associatives de l'intéressé, et son activité en qualité d'employé à domicile, qui demeure résiduelle, ne sont suffisantes pour justifier de motifs d'admission exceptionnelle au séjour de M. A...en qualité de salarié, malgré la durée de présence en France de l'intéressé.

6. D'autre part, le requérant ne justifie pas non plus de motifs d'admission exceptionnelle au séjour au titre de sa vie privée et familiale en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3. Le moyen tiré de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation doit par suite également être écarté.

7. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande en annulation du refus de séjour.

En ce qui concerne la mesure d'éloignement :

8. Ainsi qu'il a été dit au point 7, les conclusions en annulation du refus de séjour doivent être rejetées. Par suite, les conclusions en annulation de la mesure d'éloignement, par voie de conséquence du refus de séjour doivent également être rejetées.

9. Le moyen tiré de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 3, 5 et 6.

10. Il résulte de ce qui précède que les conclusions en annulation de la mesure d'éloignement doivent être rejetées.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

11. Les moyens tirés de l'insuffisante motivation et de l'erreur manifeste d'appréciation de l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an doivent être écartés, par adoption des motifs exposés aux points 10 à 13 du jugement, qui n'appellent pas de précision en appel.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., à Me C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2019, où siégeaient :

- M. Poujade, président de chambre,

- M. Portail, président assesseur,

- Mme Gougot, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 juin 2019.

N° 19MA00439 2

hw


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 19MA00439
Date de la décision : 20/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: Mme Isabelle GOUGOT
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : COUPARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-06-20;19ma00439 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award