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07/02/2020 | FRANCE | N°18MA03487

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 07 février 2020, 18MA03487


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 14 avril 2016 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social qui a rejeté le recours hiérarchique formé à l'encontre de la décision du 28 août 2015 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle ouest n° 1 de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) Provence-Alpes-Côte d'Azur a autorisé son

licenciement ensemble cette décision.

Par un jugement n° 1602732 du 19 juin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 14 avril 2016 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social qui a rejeté le recours hiérarchique formé à l'encontre de la décision du 28 août 2015 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle ouest n° 1 de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) Provence-Alpes-Côte d'Azur a autorisé son licenciement ensemble cette décision.

Par un jugement n° 1602732 du 19 juin 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2018, sous le n° 18MA03487, M. B... représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 19 juin 2018 ;

2°) d'annuler les décisions des 14 avril 2016 et 28 août 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la décision de l'inspecteur du travail :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît le principe du contradictoire ;

- les faits reprochés sont prescrits en application de l'article L. 1332-4 du code du travail ;

- il n'a commis aucune faute dès lors qu'il n'a pas refusé le nouveau secteur proposé ;

- cette proposition constitue une modification de son contrat de travail dont le refus ne pouvait justifier le licenciement en litige ;

- cette décision est entachée d'une erreur d'appréciation s'agissant de l'absence de lien entre ses mandats et son licenciement ;

- l'inspecteur du travail devait refuser d'autoriser son licenciement en raison de l'intérêt général ;

S'agissant de la décision du ministre du travail :

- elle méconnaît le principe du contradictoire ;

- elle est illégale compte tenu de l'illégalité de la décision de l'inspecteur du travail.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2018, la société Luxottica France, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête de M. B... et demande à la Cour de mettre à sa charge la somme de 6 000 euros au titre de L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la ministre du travail qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant M. B... et de Me A..., représentant la société Luxottica France.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., délégué du personnel titulaire au comité d'entreprise et délégué syndical occupait, depuis le 18 janvier 2010, les fonctions d'attaché commercial auprès de la société Luxottica France. Saisi, le 25 juin 2015, d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif disciplinaire, l'inspecteur du travail a, par décision du 28 août 2015, autorisé le licenciement sollicité. Saisi d'un recours hiérarchique notifié le 27 octobre 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté ce recours par décision du 14 avril 2016. M. B... relève appel du jugement du 19 juin 2018 du tribunal administratif de Nice qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions des 28 août 2015 et 14 avril 2016.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 2421-4 du code du travail dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. L'inspecteur du travail prend sa décision dans un délai de quinze jours, réduit à huit jours en cas de mise à pied. Ce délai court à compter de la réception de la demande d'autorisation de licenciement. Il n'est prolongé que si les nécessités de l'enquête le justifient (...) ".

3. Le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions mentionnées ci-dessus impose que le salarié protégé soit mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, dans des conditions et des délais lui permettant de présenter utilement des observations, sans que la circonstance que le salarié est susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer l'inspecteur du travail de cette obligation qui constitue une garantie pour le salarié. A ce titre, le salarié doit, à peine d'irrégularité de l'autorisation de licenciement, être informé non seulement de l'existence des pièces de la procédure, mais aussi de son droit à en demander la communication. Il appartient à l'administration, saisie d'une demande présentée par le salarié concerné par la procédure de licenciement et tendant à ce que, faute d'y avoir eu accès, copie lui soit donnée des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement, d'assurer à ce salarié la possibilité soit de consulter librement ces pièces et d'en prendre copie, soit de lui en adresser une copie, le cas échéant sous forme dématérialisée.

4. Il ressort des pièces du dossier que par un courriel adressé à M. B... le lundi 20 juillet 2015 à 9 h 52, l'inspecteur du travail l'a convoqué le mardi 21 juillet 2015 à 9 h dans l'entreprise en vue de procéder à l'enquête contradictoire, en lui transmettant en pièce jointe la copie de la demande d'autorisation de licenciement présentée, le 25 juin 2015, par la société Luxottica. Ainsi, M. B... qui soutient sans être contesté qu'il était en tournée auprès de ses clients le 20 juillet et n'a pris connaissance du courriel de l'administration qu'en fin de journée, a bénéficié d'un délai insuffisant pour préparer sa défense. Il n'a, notamment, pas eu le temps de s'assurer de l'aide d'un conseil pour l'assister lors de l'entrevue avec l'inspecteur du travail. Par ailleurs, le courrier du 21 janvier 2016 de la directrice adjointe du travail en charge de l'unité de contrôle n° 1 produit au dossier par le ministre du travail mentionne que M. B... a eu une copie de la demande d'autorisation de licenciement le concernant par courriel. Le requérant affirme sans être contesté que la copie de la demande d'autorisation de licenciement transmise par ce courriel du 20 juillet 2015 n'était pas accompagnée des pièces jointes et ce courriel ne mentionne pas ces pièces. Le ministre chargé du travail a d'ailleurs reconnu en première instance que seule la liste des pièces était jointe, mais il a soutenu qu'il avait été offert au salarié la possibilité de les consulter lors de son audition et qu'il appartenait dès lors à ce dernier de demander à pouvoir consulter ces pièces le jour de son audition par l'inspecteur du travail. Toutefois, le requérant conteste expressément qu'il lui aurait été proposé de consulter ces pièces lors de l'enquête contradictoire et ses allégations ne sont pas contredites par le moindre document produit au dossier. Dans ces conditions, dès lors que M. B... n'a pas bénéficié d'un délai suffisant pour préparer sa défense et qu'il n'a pas été mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, et en particulier de son droit à en demander la communication, il a été privé de garanties, ce qui entache l'enquête contradictoire d'irrégularités entraînant l'illégalité de la décision du 28 août 2015 de l'inspecteur du travail, ainsi que, par voie de conséquence, de la décision ministérielle du 14 avril 2016 rejetant son recours hiérarchique.

5. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation des deux décisions des 28 août 2015 et 14 avril 2016.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la société Luxottica France au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 19 juin 2018 du tribunal administratif de Nice, ensemble les décisions des 28 août 2015 et 14 avril 2016, sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la société Luxottica France tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à la société Luxottica France et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2020, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme F..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 7 février 2020.

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N° 18MA03487

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA03487
Date de la décision : 07/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-03-02-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Modalités de délivrance ou de refus de l'autorisation. Modalités d'instruction de la demande. Enquête contradictoire.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : GUERRE-DELGRANGE MANUELLA

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-02-07;18ma03487 ?
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