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09/03/2020 | FRANCE | N°19MA04408

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 09 mars 2020, 19MA04408


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2019 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer une attestation de demande d'asile et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du pays dont elle a la nationalité.

Par un jugement n°1903467 du 19 août 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure de

vant la Cour :

Par une requête enregistrée le 25 septembre 2019, Mme B... épouse C..., représ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2019 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer une attestation de demande d'asile et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du pays dont elle a la nationalité.

Par un jugement n°1903467 du 19 août 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 25 septembre 2019, Mme B... épouse C..., représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 19 août 2019 et l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 15 juillet 2019 ;

2°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une attestation de demande d'asile ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 600 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- sa demande n'est pas dilatoire, dès lors qu'elle fournit un document qui démontre qu'elle est syrienne et pas arménienne ;

- elle ne peut être éloignée tant que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides n'a pas statué sur sa situation ;

- son état de santé est précaire ;

- l'arrêté préfectoral méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire.

Mme B... épouse C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 29 novembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... épouse C..., ressortissante syrienne née le 21 juin 1950, relève appel du jugement du 19 août 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 juillet 2019 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer une attestation de demande d'asile et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du pays dont elle a la nationalité.

Sur le bien-fondé du jugement contesté :

En ce qui concerne la décision de refus de délivrer une attestation de demande d'asile et la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ". Selon l'article L. 743-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) 4° L'étranger n'a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'office en application du 3° de l'article L. 723-11, qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement ; (...) 5° L'étranger présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen ". Selon l'article L. 743-3 du même code : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI ".

3. En premier lieu, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas fait une inexacte application de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que la demande de premier réexamen formulée par Mme B... épouse C..., qui a fait l'objet le 19 août 2016 d'une mesure d'éloignement, a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 30 novembre 2016, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 3 juin 2019. Si Mme B... épouse C... soutient que tant l'Office que la Cour nationale du droit d'asile se sont mépris sur sa nationalité en estimant qu'elle était arménienne et qu'elle est en possession de nouvelles pièces démontrant qu'elle est bien de nationalité syrienne, il ressort des pièces du dossier, notamment des décisions prises par l'Office et la Cour nationale du droit d'asile, que ces derniers n'ont pas considéré qu'elle était arménienne mais syrienne, et qu'elle était en droit d'obtenir la nationalité arménienne. Dans ces conditions, en se prévalant de ces nouvelles pièces qui justifieraient qu'elle ne serait pas de nationalité arménienne, l'intéressée ne démontre pas que le préfet aurait inexactement appliqué les dispositions précitées de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, Mme B... épouse C... ne saurait soutenir qu'elle est en droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à ce que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ait statué, dans la mesure où le préfet a légalement pu refuser de lui délivrer une attestation de demande d'asile, ainsi qu'il vient d'être exposé.

4. En second lieu, si Mme B... épouse C... soutient que son état de santé est précaire et qu'elle a été victime d'un infarctus, ces éléments sont insuffisants pour considérer que l'arrêté préfectoral est entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

5. Selon l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

6. Il ressort des décisions rendues par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 20 mai 2015 et par la Cour nationale du droit d'asile les 11 avril 2016 et 3 juin 2019, que, bien que le statut de réfugié n'ait pas été accordé à Mme B... épouse C... au motif que cette dernière pouvait obtenir la nationalité arménienne, les risques graves et individuels qu'elle encourt en cas de retour en Syrie ont été reconnus. Dans ces conditions, le préfet ne pouvait désigner la Syrie comme pays de destination de la mesure d'éloignement sans méconnaître les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... épouse C... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

8. Le présent arrêt implique que le préfet des Alpes-Maritimes réexamine la situation de Mme B... épouse C... dans un délai qu'il y a lieu de fixer à deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par le conseil de Mme B... épouse C... au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice du 19 août 2019 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions présentées par Mme B... épouse C... tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination du 15 juillet 2019.

Article 2 : La décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement du 15 juillet 2019 est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de réexaminer la situation de Mme B... épouse C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... épouse C..., à Me E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 17 février 2020, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 9 mars 2020.

2

N° 19MA04408


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA04408
Date de la décision : 09/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Karine DURAN-GOTTSCHALK
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : FREUNDLICH - LE THANH

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-03-09;19ma04408 ?
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