La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/12/2020 | FRANCE | N°20MA01574

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 21 décembre 2020, 20MA01574


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une demande enregistrée sous le n° 1904352, Mme I... B..., épouse A..., a demandé au tribunal administratif de Nîmes, d'une part, d'annuler l'arrêté en date du 28 novembre 2019 par lequel le préfet de Vaucluse a abrogé son autorisation provisoire de séjour valable du 6 août 2019 au 5 février 2020, a refusé de la renouveler et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de Vaucluse, à titre principal, de lui délivrer une

autorisation provisoire de séjour, puis une carte de séjour temporaire et, à titre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une demande enregistrée sous le n° 1904352, Mme I... B..., épouse A..., a demandé au tribunal administratif de Nîmes, d'une part, d'annuler l'arrêté en date du 28 novembre 2019 par lequel le préfet de Vaucluse a abrogé son autorisation provisoire de séjour valable du 6 août 2019 au 5 février 2020, a refusé de la renouveler et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de Vaucluse, à titre principal, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, puis une carte de séjour temporaire et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours suivant la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par une demande enregistrée sous le n° 1904353, M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes, d'une part, d'annuler l'arrêté en date du 28 novembre 2019 par lequel le préfet de Vaucluse a abrogé son autorisation provisoire de séjour valable du 6 août 2019 au 5 février 2020, a refusé de la renouveler et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de Vaucluse, à titre principal, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, puis une carte de séjour temporaire et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours suivant la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1904352-1904353 du 10 mars 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ces deux demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 7 avril 2020 et le 15 octobre 2020, Mme B... épouse A..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2019 du préfet de Vaucluse ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, puis une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de Vaucluse de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de refus d'autorisation provisoire de séjour est insuffisamment motivée ;

- la commission du titre de séjour n'ayant pas été réunie, cette décision est entachée de vice de procédure ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a fait une inexacte application des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a violé les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en lui refusant le séjour ;

- le préfet a violé les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant en lui refusant le séjour ;

- l'obligation de quitter le territoire français viole les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- cette décision méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 octobre 2020, le préfet de Vaucluse conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... épouse A... ne sont pas fondés.

Mme B... épouse A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 juillet 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. E... Grimaud, rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Entrée pour la première fois en France en août 2017 selon ses déclarations, Mme B... épouse A..., née le 20 mai 1985 et de nationalité albanaise, a obtenu le 21 mai 2019 une autorisation provisoire de séjour en vue d'accompagner sa fille, laquelle devait suivre un traitement en France. Cette autorisation a été renouvelée le 6 août 2019 pour une durée de six mois. Mme B... épouse A... a ensuite demandé le renouvellement de cette autorisation provisoire de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 311-12 du même code. Le 28 novembre 2019, le préfet de Vaucluse a rejeté cette demande, a abrogé l'autorisation provisoire de séjour détenue par la requérante et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus de séjour, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

3. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux, rapports médicaux et compte-rendus d'hospitalisation établis par le Dr Hully, médecin du service de neurologie pédiatrique de l'hôpital universitaire Necker-enfants malades le 21 décembre 2017 et par le Dr Porte, pédiatre du service de médecine physique et de réadaptation du centre hospitalier universitaire de Nîmes le 26 juillet 2019, que l'enfant G... A..., âgée de sept ans, souffre d'une encéphalopathie compliquée d'épilepsie se traduisant par un polyhandicap sévère et d'un retard psychomoteur majeur dû notamment à un trouble du spectre autistique. Il ressort de ces pièces, ainsi que de celles retraçant la prise en charge de l'enfant, que son état de santé appelle une prise en charge pluridisciplinaire, notamment en termes de suivi neurologique, de traitement médicamenteux, d'appareillage et de soutien éducatif. Il ressort enfin des pièces du dossier, et notamment d'observations formulées par le Défenseur des droits dans une autre instance après consultation de l'avocat du peuple de la République d'Albanie, et produites par la requérante, que la prise en charge d'un tel handicap serait impossible en Albanie. Dans ces conditions, Mme B... épouse A... est fondée à soutenir que le préfet de Vaucluse a méconnu les stipulations précitées en refusant de renouveler son autorisation provisoire de séjour et en abrogeant celle dont elle disposait.

4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... épouse A... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 novembre 2019. Elle est dès lors fondée à demander l'annulation de cet arrêté ainsi que du jugement du 10 mars 2020.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Aux termes des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

6. Eu égard à la nature de la demande présentée par la requérante devant le préfet de Vaucluse, qui ne tendait qu'à l'octroi de l'autorisation provisoire de séjour prévue par les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'annulation prononcée implique seulement l'octroi de cette autorisation provisoire de séjour au requérant, et non celui d'une carte de séjour temporaire. Il y a lieu par suite d'enjoindre au préfet de Vaucluse de délivrer cette autorisation provisoire de séjour à M. A..., cela dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat, à verser à Mme B... épouse A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1904352-1904353 du tribunal administratif de Nîmes en date du 10 mars 2020 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de Vaucluse du 28 novembre 2019 relatif à la situation de Mme B... épouse A... est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de Vaucluse d'accorder l'autorisation provisoire de séjour prévue à l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à Mme B... épouse A... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'État versera à Mme B... épouse A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... épouse A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse et au procureur de la République près le tribunal judiciaire d'Avignon.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2020, où siégeaient :

- M. Guy Fédou, président,

- Mme F... H..., présidente assesseure,

- M. E... Grimaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 21 décembre 2020.

2

N° 20MA01574


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA01574
Date de la décision : 21/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: M. Philippe GRIMAUD
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : AARPI ALBISSER FONTANA TRÉDÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 23/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-21;20ma01574 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award