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23/12/2020 | FRANCE | N°19MA00670

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 23 décembre 2020, 19MA00670


Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 1900418 du 12 février 2019, le président de la première chambre du tribunal administratif de Montpellier a transmis à la cour la requête présentée par l'association Les Coeurs battants.

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 janvier et 21 novembre 2019, l'association Les Coeurs battants, représentée par la SCP CGCB et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le permis de construire délivré le 29 novembre 2018 par le maire de Villeneuve-lès-Béziers à la société L'Immobilière Leroy Merlin

France en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale ;

2°) de mettre la som...

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 1900418 du 12 février 2019, le président de la première chambre du tribunal administratif de Montpellier a transmis à la cour la requête présentée par l'association Les Coeurs battants.

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 janvier et 21 novembre 2019, l'association Les Coeurs battants, représentée par la SCP CGCB et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le permis de construire délivré le 29 novembre 2018 par le maire de Villeneuve-lès-Béziers à la société L'Immobilière Leroy Merlin France en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale ;

2°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de la commune de Villeneuve-lès-Béziers en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- l'arrêté de permis de construire est insuffisamment motivé, en méconnaissance de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ;

- le dossier soumis à la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) était incomplet ;

- le projet a été présenté en méconnaissance de l'article L. 752-21 du code de commerce ;

- la CNAC a inexactement apprécié l'impact du projet en matière d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2019, la société L'Immobilière Leroy Merlin France, représentée la SELAS Wilhelm et associés, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête présentée par l'association Les Coeurs battants ;

2°) de mettre à sa charge la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen relatif à l'autorisation de construire est irrecevable en application de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme ;

- en tout état de cause, les moyens soulevés par l'association Les Coeurs battants ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2019, la commune de Villeneuve-lès-Béziers, représentée par le cabinet Maillot avocats et associés, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête présentée par l'association Les Coeurs battants ;

2°) de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'association requérante ne justifie pas de la qualité pour agir de son président ;

- le moyen relatif à l'autorisation de construire est irrecevable en application de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme ;

- en tout état de cause, les moyens soulevés par l'association Les Coeurs battants ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la Commission nationale d'aménagement commercial et au ministre de l'économie, des finances et de la relance, qui n'ont pas produit d'observations.

La clôture de l'instruction a été fixée au 7 janvier 2020 par une ordonnance du même jour.

Un mémoire a été enregistré pour la société L'Immobilière Leroy Merlin France le 8 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant l'association Les Coeurs battants, de Me C..., représentant la commune de Villeneuve-lès-Béziers, et de Me E..., représentant la société L'Immobilière Leroy Merlin France.

Considérant ce qui suit :

1. La société L'Immobilière Leroy Merlin France a demandé, le 29 mars 2018, au maire de Villeneuve-lès-Béziers un permis de construire un magasin d'équipement de la maison de 11 850 mètres carrés de surface de vente, un point permanent de retrait et douze pistes de ravitaillement. La commission départementale d'aménagement commercial de l'Hérault a rendu un avis favorable sur le projet le 21 juin 2018. La Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC), à l'issue de sa séance du 25 octobre 2018, a rejeté les recours présentés notamment par les associations Priorité Centre-Ville, Les Coeurs battants et En toute franchise - département de l'Hérault et émis un avis favorable sur le projet de la société L'Immobilière Leroy Merlin France. Le maire de Villeneuve-lès-Béziers a délivré le permis de construire demandé par un arrêté du 29 novembre 2018. L'association Les Coeurs battants demande l'annulation de cet arrêté en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Sur la motivation des prescriptions d'urbanisme :

2. Le premier alinéa de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme prévoit que " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l'appui de telles conclusions. "

3. Les dispositions du code de commerce et du code de l'urbanisme constituent des législations indépendantes, répondant à des finalités distinctes. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ne peut utilement être invoqué par l'association Les Coeurs battants à l'appui de sa requête dirigée contre un permis relevant de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Sur la méconnaissance de l'article L. 752-21 du code de commerce :

4. L'article L. 752-21 du code de commerce prévoit que : " Un pétitionnaire dont le projet a été rejeté pour un motif de fond par la Commission nationale d'aménagement commercial ne peut déposer une nouvelle demande d'autorisation sur un même terrain, à moins d'avoir pris en compte les motivations de la décision ou de l'avis de la commission nationale. "

5. La commission nationale avait émis un avis défavorable le 4 février 2016 concernant un précédent projet de la société L'Immobilière Leroy Merlin France sur le même site. Cet avis défavorable était motivé par les effets négatifs du projet sur les flux de transport de la zone d'activité, la forte imperméabilisation des sols, une intégration architecturale très peu qualitative, et l'absence d'accessibilité par les modes de transport doux. En revanche, contrairement à ce que soutient l'association requérante, les deux premiers paragraphes de cet avis, relatifs à la localisation du projet, avaient un simple caractère descriptif. L'avis favorable de la commission du 25 octobre 2018 relève point par point, par des motifs qui ne sont pas contestés par l'association requérante, les modifications apportées au projet par la société pétitionnaire en vue de tenir compte des motifs de l'avis précédent concernant la voirie de la ZAC, la desserte par le réseau de bus, le nombre, la disposition et la perméabilité des places de stationnement, le nombre de places dédiées aux véhicules électriques, les dispositions environnementales et la reprise de l'insertion architecturale et paysagère du projet. Les conditions d'accès par piste cyclable, et le fait que, selon l'association requérante, l'impact du projet resterait négatif sur les flux de circulation et ainsi que le maintien de conséquences négatives sur l'imperméabilisation des sols, ne suffisent pas pour considérer que la nouvelle demande d'autorisation présentée par la société L'Immobilière Leroy Merlin France aurait été présentée en méconnaissance de l'article L. 752-21 du code de commerce.

Sur le caractère complet du dossier de demande :

6. D'une part, le projet de la société L'Immobilière Leroy Merlin France porte sur l'extension d'un ensemble commercial au sein de la zone d'aménagement concerté (ZAC) la Méridienne par la création d'un magasin sous l'enseigne Leroy Merlin attenant à un magasin sous l'enseigne Décathlon ayant précédemment obtenu une autorisation d'exploitation commerciale suite à un avis favorable de la CNAC. Ce projet n'est pas relatif à la création de l'ensemble commercial lui-même. Le dossier de la demande de la société L'Immobilière Leroy Merlin France n'avait donc pas à être présenté comme portant sur l'intégralité de cet ensemble. Ce dossier indiquait que le projet s'intégrerait dans un ensemble commercial existant comprenant un futur magasin sous l'enseigne Décathlon de 6 032 mètres carrés, et comportait ainsi les informations prévues au g) du 1° de l'article R. 752-6 du code de commerce.

7. D'autre part, il ressort des termes mêmes de l'étude de circulation jointe au dossier de demande que celle-ci prend également en compte les flux de circulation futurs générés par le magasin sous l'enseigne Décathlon. Ni la circonstance que l'évaluation des flux journaliers de circulation générés par le projet diffère de celle réalisée pour le précédent, ni l'avis exprimé par un commissaire enquêteur en 2013 dans le cadre d'une enquête publique portant sur un dépôt logistique ne sont de nature à révéler que les informations transmises à la commission auraient été inexactes ou incomplètes.

8. Il suit de là que le moyen tiré du caractère incomplet du dossier de demande doit être écarté.

Sur l'objectif d'aménagement du territoire :

9. Le projet est situé à proximité de l'autoroute A9 et de l'échangeur avec l'autoroute A75, dans une ZAC située en continuité du tissu économique existant au sud-est de l'agglomération de Béziers, qui accueille déjà des entrepôts logistiques. L'importance accordée à l'accès en voiture est justifiée par la nature des achats réalisés dans un magasin de bricolage et de jardinage. Le fonctionnement d'un tel commerce est d'ailleurs peu compatible avec une implantation en centre-ville ou au sein d'un quartier d'habitations, ainsi que le corrobore l'étude d'impact produite par l'association requérante concernant les magasins du même type dans la zone de chalandise du projet. La localisation du projet n'est donc pas défavorable.

10. Pour soutenir que le projet fragiliserait le commerce du centre-ville de Béziers, l'association requérante se borne à faire état d'un magasin d'une chaîne concurrente située à la périphérie de Béziers ainsi que de trois magasins respectivement situés à Villeneuve-lès-Béziers, Colombiers et Agde, tous situés en périphérie urbaine - le premier appartenant, en outre, au même groupe que l'enseigne Leroy Merlin. Il n'est donc pas établi que le projet fragiliserait le commerce du centre-ville de Béziers et porterait ainsi atteinte à l'animation de la vie urbaine.

11. L'étude de circulation produite par la société pétitionnaire conclut, sans prendre en compte à ce stade l'impact qu'aurait la réalisation de l'ouvrage dit " demi-échangeur de la Devèze ", que les giratoires desservant la ZAC sont à même d'absorber les flux de véhicules générés par le projet aux heures de pointe, à l'exception, en période estivale, d'une plage du samedi soir en sortie du réseau autoroutier et de la RD 612 pour l'un des ronds-points et d'une plage du vendredi soir pour la branche sud de l'avenue du Viguier pour l'autre rond-point. Les critiques de l'association requérante ne comportent pas d'éléments factuels permettant d'infirmer cette conclusion.

12. La desserte du projet par les transports collectifs est étayée par un courrier du 11 octobre 2018 du président de la communauté d'agglomération Béziers Méditerranée annonçant la desserte de l'arrêt de bus aménagé à l'entrée du parc d'activités économiques de la Méridienne à compter du 1er janvier 2019 par deux lignes de bus, l'une à destination de Béziers, l'autre à destination de Cers, Villeneuve-lès-Béziers, Sérignan et Valras-Plage. En outre, les défauts affectant l'intégration des pistes cyclables desservant le site au reste du réseau viaire de l'agglomération ne sauraient justifier à eux seuls le refus d'accorder l'autorisation sollicitée, au surplus, eu égard à la nature du commerce en cause.

13. Les éléments examinés au point 11, concernant les difficultés de circulation à certaines périodes, et au point 12, concernant l'accessibilité des pistes cyclables, ne suffisent pas pour considérer que le projet compromettrait l'objectif d'aménagement du territoire. La CNAC n'a donc pas inexactement qualifié les faits en estimant que le projet ne méconnaissait pas cet objectif.

Sur l'objectif de développement durable :

14. Au titre de l'insertion environnementale et architecturale du projet, la commission nationale a retenu que le projet avait été retravaillé avec davantage d'espaces verts, la plantation de deux cents arbres, le reboisement du talus autoroutier et la dissimulation du parking en silo. En se bornant à critiquer l'esthétique des partis architecturaux du projet, alors que celui s'insère, au sein de la ZAC la Méridienne, entre l'autoroute A9, le dépôt logistique d'une chaîne de supermarchés, une concession automobile et le site d'un magasin sous l'enseigne Décathlon, l'association requérante ne remet pas utilement en cause l'appréciation portée par la commission.

15. La CNAC n'a donc pas non plus inexactement qualifié les faits en considérant que le projet ne portait pas atteinte à l'objectif de développement durable.

Sur l'objectif de protection des consommateurs :

16. L'argumentation de la société requérante quant à la revitalisation du tissu commercial et à la préservation des centres urbains est identique à celle relative à l'animation de la vie urbaine. Il convient de l'écarter par les mêmes motifs que ceux figurant au point 10.

17. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'association Les Coeurs battants n'est pas fondée à demander l'annulation du permis de construire délivré le 29 novembre 2018 par le maire de Villeneuve-lès-Béziers à la société L'Immobilière Leroy Merlin France en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale. Il n'est dès lors pas nécessaire de se prononcer sur la fin de non-recevoir invoquée par la commune en défense.

Sur les frais liés au litige :

18. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'association Les Coeurs battants le versement de la somme de 1 500 euros chacune à la commune de Villeneuve-lès-Béziers et à la société L'Immobilière Leroy Merlin France au titre des frais qu'elles ont exposés et non compris dans les dépens.

19. En revanche, les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par l'association requérante sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de l'association Les Coeurs battants est rejetée.

Article 2 : L'association Les Coeurs battants versera à la commune de Villeneuve-lès-Béziers et à la société L'Immobilière Leroy Merlin France la somme de 1 500 euros chacune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Les Coeurs battants, à la commune de Villeneuve-lès-Béziers, à la Commission nationale d'aménagement commercial, à la société L'Immobilière Leroy Merlin France et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2020, où siégeaient :

- Mme D..., présidente de la cour,

- M. Marcovici, président assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 décembre 2020.

6

No 19MA00670


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA00670
Date de la décision : 23/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Réglementation des activités économiques. Activités soumises à réglementation. Aménagement commercial.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SELAS WILHELM et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-23;19ma00670 ?
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