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31/12/2020 | FRANCE | N°20MA01141

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 31 décembre 2020, 20MA01141


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 13 mai 2019 par lequel le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a refusé de renouveler son titre de séjour délivré en qualité d'étranger malade et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et d'enjoindre à cette autorité, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de 15 jours à compter du jugement à

intervenir ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 13 mai 2019 par lequel le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a refusé de renouveler son titre de séjour délivré en qualité d'étranger malade et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et d'enjoindre à cette autorité, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de 15 jours à compter du jugement à intervenir ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail et de procéder au réexamen de sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1908780 du 17 février 2020, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du préfet des Alpes-de-Haute-Provence du 13 mai 2019, a enjoint à cette autorité, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, de délivrer à Mme C... un titre de séjour d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser au conseil de Mme C... en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 mars 2020, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 17 février 2020 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme C... devant le tribunal.

Il soutient que :

- Mme C... peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, dans lequel elle peut s'établir dans un autre endroit que celui où elle a vécu des évènements traumatisants ;

- le droit au séjour qui lui a été accordé précédemment l'a été dans un contexte d'urgence pour la mise en place d'un traitement médical.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 octobre 2020, Mme C..., représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet des Alpes-de-Haute-Provence de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par le préfet des Alpes-de-Haute-Provence ne sont pas fondés ;

- elle reprend l'ensemble des moyens soulevés devant le tribunal.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet des Alpes-de-Haute-Provence relève appel du jugement du 17 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a, à la demande de Mme C..., de nationalité ghanéenne, annulé son arrêté du 13 mai 2019 portant refus de renouvellement de son titre de séjour délivré en qualité d'étranger malade et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, lui a enjoint, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, de délivrer à Mme C... un titre de séjour d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement et a mis à la charge de l'Etat des frais de procédure. Mme C... conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit enjoint au préfet des Alpes-de-Haute-Provence de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".

3. Il résulte des dispositions énoncées au point précédent qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

4. Il ressort des pièces du dossier qu'après avoir bénéficié d'une admission provisoire au séjour au titre de son état de santé du 26 septembre 2016 au 7 octobre 2018, Mme C... a formé une demande de renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un avis du 9 avril 2019, le collège des médecins de l'OFII a estimé que si l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, son maintien sur le territoire français n'était pas nécessaire dès lors qu'elle pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, le Ghana, vers lequel elle pouvait voyager sans risque.

5. Si le préfet des Alpes-de-Haute-Provence apporte des éléments de nature à établir que le traitement médical nécessité par l'état de Mme C... est disponible au Ghana, il ressort des pièces du dossier, en particulier du certificat médical établi le 30 septembre 2019 par le docteur Chevry, praticien hospitalier, psychiatre au centre médico-psychologique (CMP) de Manosque, qui la suit, qu'elle souffre d'une pathologie psychiatrique lourde, caractérisée par un état de stress post-traumatique diagnostiqué en 2015 et aggravé en 2017 d'une psychose dysthymique, que cet état de santé nécessite un suivi psychiatrique régulier à la suite de la décompensation paranoïde ayant justifié une hospitalisation de deux semaines en mai 2017, avec une rechute en janvier 2019, qu'une augmentation de son traitement anxiolytique majeur neuroleptique et anti-hallucinatoire de 50 % de la dose prescrite a été nécessaire afin d'éviter une nouvelle hospitalisation, et, enfin et surtout, que " La dissociation psychique est toujours importante et même un changement de lieu de référence (le CMP de Manosque), et qui plus est un retour dans son pays d'origine, pourrait la conduire à une aggravation brutale avec risques de décompensation nouvelle avec état délirant et suicidaire, et ensuite ré-hospitalisation. Les traumatismes psychiques sont tels que l'évocation de son passé dans son pays d'origine, ou le fait d'envisager un retour dans son pays d'origine provoquent ou re-provoqueraient une réactivation des symptômes immédiatement, comme en fin 2018 ". Ainsi, quelle que soit la nature des évènements survenus au Ghana, ces circonstances s'opposent, dans le cas particulier de Mme C..., à ce qu'elle puisse suivre effectivement un traitement approprié dans ce pays. C'est dès lors à juste titre que les premiers juges ont retenu que, dans les circonstances particulières de l'espèce, alors même que sa demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA, puis par la CNDA, l'intéressée était fondée à soutenir que le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Alpes-de-Haute-Provence n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé son arrêté du 13 mai 2019, lui a enjoint, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, de délivrer à Mme C... un titre de séjour d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement et a mis à la charge de l'Etat des frais de procédure.

7. Les premiers juges ayant d'ores et déjà prononcé une injonction de délivrance d'un titre de séjour dans les conditions rappelées au point précédent, les conclusions à fin d'injonction présentées Mme C... devant la cour doivent être rejetées. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de l'Etat au profit de Me A..., sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, une somme de 1 500 euros.

D É C I D E :

Article 1er : La requête du préfet des Alpes-de-Haute-Provence est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me A... la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Mme C... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au préfet des Alpes-de-Haute-Provence, à Mme B... C..., à Me A... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2020, où siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- Mme D..., présidente assesseure,

- M. Sanson, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 décembre 2020.

Minute signée par le président de la formation de jugement en application des dispositions de l'article 5 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

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N° 20MA01141

kp


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA01141
Date de la décision : 31/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Karine JORDA-LECROQ
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : COLAS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-31;20ma01141 ?
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