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04/02/2021 | FRANCE | N°20MA03151-20MA03742

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 04 février 2021, 20MA03151-20MA03742


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, Mme B... F... veuve C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2019 par lequel le préfet de Vaucluse a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 2000025, 2000399 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 20MA03151 le 20 août 2020,

Mme F... veuve C..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, Mme B... F... veuve C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2019 par lequel le préfet de Vaucluse a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 2000025, 2000399 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 20MA03151 le 20 août 2020, Mme F... veuve C..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 juillet 2020 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 3 décembre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse, à titre principal, de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la décision précitée sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, durant cet examen, un récépissé valant autorisation provisoire de séjour et de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre liminaire, elle entend se référer aux moyens soulevés en première instance ;

Sur la régularité du jugement :

- les premiers juges ont omis de statuer sur " l'illégalité de la décision préfectorale lui refusant la délivrance d'un titre de séjour " salarié " " ;

- le jugement contesté est ainsi entaché d'insuffisance de motivation au sens de l'article L. 9 du code de justice administrative ;

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

- la promesse d'embauche qu'elle a produite, dans le cadre de sa demande de titre de séjour en qualité de salariée, n'est pas imprécise ; un tel motif est entaché d'erreur de fait et établit que le préfet ne s'est pas livré à un examen approfondi de sa situation particulière ;

- la décision de refus de séjour est entachée d'erreur de droit dès lors qu'elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour en se prévalant de son activité salariée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et non au titre de l'article 3 de l'accord franco-marocain ;

- elle remplit les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 précité dès lors qu'elle justifie de motifs exceptionnels lui ouvrant droit au séjour tant en qualité de salarié qu'au titre de la vie privée ;

- la décision contestée méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de Vaucluse qui n'a pas produit d'observations.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 20MA03742 le 1er octobre 2020, Mme F... veuve C..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du 10 juillet 2020 ;

2°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail jusqu'à ce que la Cour ait statué au fond, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- eu égard à sa situation personnelle, l'exécution du jugement attaqué aura des conséquences difficilement réparables pour elle-même ;

- les moyens de la requête au fond figurant dans le mémoire joint en annexe présentent un caractère sérieux.

La requête a été communiquée au préfet de Vaucluse qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les observations de Me A... pour Mme F... veuve C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... veuve C..., ressortissante marocaine, née le 31 décembre 1964, relève appel du jugement du 10 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 décembre 2019 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

2. Les affaires enregistrées sous les n° 20MA03151 et n° 20MA03742 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur la requête n° 20MA03151 :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

3. Mme F... soutient que les premiers juges ont omis de statuer sur " l'illégalité de la décision préfectorale lui refusant la délivrance d'un titre de séjour " salarié " ". Cependant, la requérante ne précise pas le moyen auquel les premiers juges auraient omis de répondre dans le jugement contesté ni dans quelle requête de première instance il aurait été soulevé. Par suite, elle n'est pas fondée à se prévaloir dans cette mesure d'une omission à statuer ni d'une insuffisance de motivation, au sens des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative.

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation :

4. A titre liminaire, si Mme F... " renvoie la Cour aux arguments contenus dans ses requêtes de première instance ", elle a toutefois omis de joindre la copie des requêtes correspondantes, de sorte que la Cour n'est pas régulièrement saisie de tels moyens.

5. En premier lieu, et d'une part, aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". L'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " (...) ". D'autre part, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".

6. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation de la situation d'un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.

7. Si Mme F... fait valoir que le préfet de Vaucluse n'a pas examiné sa situation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il résulte de ce qui vient d'être exposé au point 6 du présent arrêt que ces dispositions ne lui étaient pas applicables en raison de sa nationalité marocaine.

8. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment des mentions figurant sur l'arrêté préfectoral du 3 décembre 2019 concernant l'admission au séjour de Mme F..., que le préfet de Vaucluse ne s'est pas borné à lui refuser un titre de séjour en se fondant sur les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain mais s'est également prononcé sur l'opportunité d'une mesure de régularisation après avoir constaté qu'elle ne remplissait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que le préfet a commis une erreur de droit en instruisant sa demande uniquement au titre des stipulations de l'article 3 de la convention franco-marocaine du 9 octobre 1987, alors qu'elle avait formulé une demande d'admission exceptionnelle au séjour par le travail.

9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme F..., qui a déclaré résider en France depuis juillet 2012 dans les conditions exposées ci-après au point 10, a produit, à l'appui de sa demande de titre de séjour, une demande d'autorisation de travail fondée sur une promesse d'embauche à durée déterminée pour la période d'avril 2019 à janvier 2020 en qualité d'ouvrière agricole, émanant d'une exploitante agricole pour le compte de laquelle elle avait déjà exercé. Elle soutient également qu'elle a adressé au préfet, le 19 décembre 2019, postérieurement à l'arrêté attaqué une nouvelle promesse d'embauche d'une durée de huit mois, émanant de la même exploitante. Si Mme F... fait valoir que, depuis qu'elle séjourne en France, elle a travaillé pendant une durée de quarante-huit mois, elle ne justifie, au demeurant, pas d'une telle circonstance, qui ne saurait, en toute hypothèse, constituer à elle seule un motif d'admission exceptionnelle au séjour. A cet égard, les pièces versées au dossier établissent tout au plus qu'elle a exercé en tant qu'agent de service du 25 septembre au 23 novembre 2013, puis, comme agent de nettoyage les 10 et 11 mars 2017 dès lors que le contrat intitulé " vendanges à durée indéterminée à terme certain " qu'elle produit n'est pas signé par ses soins, l'attestation incomplète de Pôle-Emploi ne peut justifier d'une activité salariée du 1er mars 2016 au 1er février 2017 et le témoignage de Mme C. affirmant qu'elle emploie l'intéressée deux heures par jour en qualité de femme de ménage depuis le 1er janvier 2018 n'est pas suffisamment probant. Enfin, si Mme F... produit des bulletins de salaire pour la période d'avril à août 2020, ces derniers concernent une activité salariée exercée postérieurement à l'arrêté litigieux. Ainsi, de telles circonstances, qui ont fait l'objet d'un examen complet par les services préfectoraux, ne permettent pas d'établir qu'en refusant de régulariser sa situation en qualité de salarié, le préfet, qui a correctement apprécié l'insertion professionnelle de la requérante, aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

10. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme F... est entrée en France en juillet 2012 à l'âge de quarante-sept ans sous couvert d'un visa Schengen délivré par les autorités espagnoles, pour rendre visite à son époux, M. C.... A l'expiration de la durée de validité de ce visa, elle est demeurée sur le territoire français pour prendre soin de son époux malade et s'est vu délivrer à ce titre deux autorisations provisoires de séjour valables du 8 août 2012 au 19 septembre 2013 puis des cartes de séjour temporaires valables jusqu'au 21 octobre 2016, date du décès de ce dernier. Après un premier refus de titre de séjour pris le 7 octobre 2016 et dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Nîmes par un jugement du 16 juin 2017, puis par un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 6 décembre 2018, Mme F... s'est maintenue sur le territoire national en dépit de l'obligation de quitter le territoire français qui lui avait été notifiée. Par ailleurs, ainsi qu'il a été exposé précédemment au point 9, elle ne peut justifier d'une intégration professionnelle particulière. Si la requérante se prévaut de sa volonté d'insertion sociale, notamment grâce à ses activités bénévoles et à son apprentissage de la langue française, elle n'établit pas avoir noué en France des liens personnels d'une particulière intensité et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait dépourvue d'attaches dans son pays d'origine, où elle a vécu la majeure partie de son existence. Dès lors, Mme F... n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de séjour attaquée aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et que le préfet de Vaucluse aurait ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En se prévalant des circonstances précitées, Mme F... ne justifie pas davantage de motifs exceptionnels ni de considérations humanitaires de nature à permettre son admission exceptionnelle au séjour au titre de sa vie privée et familiale.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la requête n° 20MA03742 :

12. Le présent arrêt statuant au fond, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement contesté présentées par Mme F..., dans sa requête enregistrée sous le n° 20MA03742, sont devenues sans objet. Il n'y a, par suite, pas lieu de statuer sur ces conclusions, ainsi que sur celles tendant à ce qu'il soit fait injonction à l'autorité préfectorale de délivrer à la requérante une autorisation provisoire de séjour.

13. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées, également dans cette requête, par Mme F... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution du jugement contesté, ainsi que sur celles aux fins d'injonction, présentées par Mme F... dans sa requête n° 20MA03742.

Article 2 : La requête n° 20MA03151 de Mme F... et ses conclusions présentées dans la requête n° 20MA03742 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... F... veuve C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2021, où siégeaient :

- Mme G..., présidente de la Cour,

- Mme E..., présidente assesseure,

- Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 février 2021.

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N° 20MA03151, 20MA03742

mtr


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA03151-20MA03742
Date de la décision : 04/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: Mme Mylène BERNABEU
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : AHMED

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-02-04;20ma03151.20ma03742 ?
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