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26/04/2021 | FRANCE | N°21MA00067

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 26 avril 2021, 21MA00067


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 9 octobre 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à l'expiration de ce délai et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre

de séjour dès la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 9 octobre 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à l'expiration de ce délai et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour dès la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation sous les mêmes contraintes.

Par un jugement n° 2004073 du 4 décembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 7 janvier 2021, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2020 du préfet des Alpes-Maritimes ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour dès la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer sa situation dès la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valable le temps de ce réexamen ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- le préfet a commis une erreur de fait en estimant qu'il était célibataire et sans famille à charge alors que sa compagne était enceinte à la date de l'arrêté attaqué ;

- cette décision est entachée d'erreur de droit car le préfet n'a pas examiné sa situation personnelle ;

- cette décision viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;

- cette décision est entachée d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation car il présente des garanties de représentation et dispose d'un domicile ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'erreur de fait faute de mention de sa situation familiale ;

- cette décision est entachée d'erreur de droit car le préfet n'a pas examiné sa situation personnelle ;

- en lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, le préfet des Alpes-Maritimes a commis une erreur d'appréciation ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

La requête de M. B... a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Un mémoire présenté pour M. B... et présenté le 8 avril 2021 n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... Grimaud, rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Entré pour la première fois en France en 2019 selon ses déclarations, M. B..., né le 14 août 1995 et de nationalité tunisienne, a été interpellé le 9 octobre 2020 à Nice et n'a pas été en mesure de présenter un document l'autorisant au séjour en France. Le même jour, le préfet des Alpes-Maritimes l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application

des II et III.".

3. En l'espèce, l'obligation de quitter le territoire français édictée à l'encontre de M. B... vise le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que l'intéressé n'est pas en possession des documents et visa exigés par l'article L. 211-1 de ce code, de telle sorte que cette motivation indique que le préfet des Alpes-Maritimes s'est fondé sur les dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 de ce code. L'obligation de quitter le territoire français est par suite suffisamment motivée.

4. En deuxième lieu, si M. B... a déclaré lors de son audition par les services de police qu'il était marié et que son épouse attendait un enfant, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant, qui se dit marié religieusement, aurait effectivement épousé la ressortissante française avec laquelle il réside, et il n'en apporte pas la preuve en se bornant à produire des attestations de témoins et photographies faisant état de ses fiançailles. Par ailleurs, si sa compagne était enceinte à la date de la décision attaquée, elle n'avait pas encore donné naissance à leur enfant. Enfin, il ressort des pièces du dossier que leur relation datait d'au plus un an à la date de la décision attaquée. Il s'ensuit que le préfet n'a commis aucune erreur de fait en mentionnant dans son arrêté que M. B... était célibataire, n'avait pas de charge de famille et que ses liens en France étaient récents. Ces mentions, en outre, ne révèlent pas que cette autorité se serait dispensée d'examiner la situation personnelle de M. B..., de telle sorte que le moyen d'erreur de droit soulevé sur ce point doit également être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que si M. B... réside en compagnie d'une ressortissante française qui était enceinte à la date de la décision attaquée, la vie commune du couple était, à cette date, très récente. Par ailleurs, il ressort également des pièces du dossier que M. B..., qui ne travaille pas et ne fait état d'aucune insertion socioprofessionnelle particulière, avait fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 26 juin 2019, qu'il n'avait pas exécutée. Enfin, M. B... n'apparaît pas dépourvu de toute attache privée ou familiale en Tunisie, où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans. Il n'est dès lors pas fondé à soutenir que le préfet a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels la décision attaquée a été prise, et le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit dès lors être écarté, de même que, pour les mêmes motifs, celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision sur sa situation personnelle.

7. En dernier lieu, M. B... n'était, à la date de la décision attaquée, père d'aucun enfant. Il ne peut par suite utilement invoquer les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire :

8. En vertu du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. _ L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...).".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui au demeurant a tenté d'échapper aux services de police lors de son interpellation, ne dispose d'aucune pièce d'identité, se déclare hébergé par sa compagne et, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement. Dans ces conditions, la décision par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé un délai de départ volontaire, qui mentionne ces différentes circonstances après avoir visé le 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est suffisamment motivée et n'est entachée d'aucune erreur de droit ou erreur d'appréciation.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

10. Aux termes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...).".

11. En premier lieu, l'interdiction de retour sur le territoire français édictée à l'encontre de M. B... mentionne, outre les dispositions sur lesquelles son auteur l'a fondée, sa durée de présence sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France et l'existence d'une précédente mesure d'éloignement. Cette décision est donc suffisamment motivée.

12. En deuxième lieu, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français serait entachée d'erreur de fait ou d'erreur de droit pour les motifs exposés au point 4 ci-dessus.

13. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... était, à la date de l'arrêté attaqué, le compagnon d'une ressortissante française depuis une durée d'environ un an et que celle-ci était en état de grossesse. Toutefois, outre que ces attaches étaient très récentes, il ressort des pièces du dossier que le requérant avait fait l'objet d'une première décision d'éloignement avant l'arrêté attaqué et avait été condamné, en 2019 pour des faits de rébellion, d'évasion et de violence sur personne dépositaire de l'autorité publique. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Alpes-Maritimes aurait commis une erreur d'appréciation ou méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

14. Pour les motifs indiqués au point 7 ci-dessus, M. B... ne peut utilement invoquer les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant à l'encontre de l'interdiction de retour sur le territoire français édictée à son encontre.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

16. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être également rejetées.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la somme réclamée par M. B... sur leur fondement soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 12 avril 2021, où siégeaient :

- M. Guy Fédou, président,

- Mme Christine Massé-Degois, présidente assesseure,

- M. D... Grimaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 avril 2021.

2

N° 21MA00067

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00067
Date de la décision : 26/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: M. Philippe GRIMAUD
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : LESTRADE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-04-26;21ma00067 ?
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