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13/07/2021 | FRANCE | N°19MA00741

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 13 juillet 2021, 19MA00741


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement foncier agricole (GFA) Terres du Domaine de Grand Chaumont a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 2 février 2017 par lequel le maire d'Aigues-Mortes a refusé de lui délivrer un permis de construire pour l'extension d'un hangar agricole existant et la création d'un nouvel hangar.

Par un jugement n° 1700536 du 5 février 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire,

enregistrés les 15 février 2019, 24 avril et 4 juin 2020, le GFA Terres du Domaine de Grand Cha...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement foncier agricole (GFA) Terres du Domaine de Grand Chaumont a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 2 février 2017 par lequel le maire d'Aigues-Mortes a refusé de lui délivrer un permis de construire pour l'extension d'un hangar agricole existant et la création d'un nouvel hangar.

Par un jugement n° 1700536 du 5 février 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 février 2019, 24 avril et 4 juin 2020, le GFA Terres du Domaine de Grand Chaumont, représenté par Eleom Avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 5 février 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 février 2017 du maire d'Aigues-Mortes ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Aigues-Mortes une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa demande est recevable ;

- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ;

- c'est à tort que le maire lui a opposé les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit en ce que le maire lui a opposé une condition qui n'est prévue par aucune règlementation en vigueur et notamment pas par le plan local d'urbanisme mais qui figurait à l'article 2-1 du règlement de la zone F-NU du plan de prévention des risques d'inondation annulé par la Cour administrative d'appel de Marseille ;

- l'arrêté méconnait les dispositions de la zone A du règlement du plan local d'urbanisme.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 août 2019, 20 mai et 9 juin 2020, la commune d'Aigues-Mortes, représentée par Me C... conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du GFA Terres du Domaine de Grand Chaumont d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la demande est irrecevable dès lors que le GFA attaque une décision confirmative du refus qui lui a été opposé le 28 juillet 2014 ;

- les moyens soulevés par le GFA Terres du Domaine de Grand Chaumont ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant le GFA Terres du Domaine de Grand Chaumont, et de Me D..., représentant la commune d'Aigues-Mortes.

Considérant ce qui suit :

1. Le GFA Terres du Domaine de Grand Chaumont fait appel du jugement du 5 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 février 2017 par lequel le maire de la commune d'Aigues-Mortes a refusé de lui délivrer un permis de construire de régularisation pour l'extension d'un hangar agricole existant de 67 m² et la création d'un nouvel hangar agricole de 765 m² en lieu et place d'un abri de stockage de matériel de 380 m².

Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande :

2. Une décision dont l'objet est le même que celui d'une décision antérieure revêt un caractère confirmatif dès lors que ne s'est produit entretemps aucun changement dans les circonstances de droit ou de fait de nature à emporter des conséquences sur l'appréciation des droits ou prétentions en litige.

3. En l'espèce, il est constant que, par un arrêté du 28 juillet 2014 devenu définitif deux mois après sa notification le jour même, le maire de la commune d'Aigues-Mortes avait opposé au GFA Terres du Domaine de Grand Chaumont un refus portant sur une demande d'autorisation de construire un projet identique à celui objet du refus en litige. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la décision du 28 juillet 2014 a été prise alors qu'était en vigueur le plan de prévention des risques d'inondation de la commune d'Aigues-Mortes et que l'arrêté querellé est intervenu alors que ce plan avait été annulé par un arrêt du 3 novembre 2016 de la Cour de céans, devenu définitif. Ce changement dans les circonstances de droit est de nature à ôter à la décision attaquée du 2 février 2017 tout caractère confirmatif. Il suit de là que la fin de non-recevoir opposée en défense et tirée de la tardiveté de la demande doit être écartée.

Sur la légalité de l'arrêté du 2 février 2017 :

4. Pour refuser d'accorder au GFA Terres du Domaine de Grand Chaumont l'autorisation par lui sollicitée, le maire de la commune d'Aigues-Mortes a retenu que, le projet étant situé en zone non urbanisée d'aléa très fort de submersion marine et résiduelle du Vidourle, d'une part, en " conséquence, la démolition reconstruction est admise sous réserve que l'emprise au sol de la construction projetée soit inférieure ou égale à l'emprise au sol démolie, ce qui n'est pas le cas du bâtiment projeté ", d'autre part, s'agissant de " l'extension du hangar situé au nord de la parcelle, l'extension est limité à 20 % soit 120 m² avec mise en place de mesure compensatoire (pose de batardeaux à chaque ouvrant sous la cote de 2,00 m A...) " et " le projet en l'état actuel se verrait opposer les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ".

5. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que le maire de la commune d'Aigues Mortes a opposé au pétitionnaire les dispositions de l'article 1er relatif aux zones F-NU du règlement du plan de prévention des risques d'inondation de la commune d'Aigues-Mortes relatif aux parcelles non urbanisées soumises à un fort aléa d'inondation et/ou de submersion marine. Toutefois, et ainsi qu'il a été dit au point 3, ce plan avait été annulé par un arrêt de la cour du 3 novembre 2016. Il suit de là que le maire a commis une erreur de droit.

6. En second lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". La disparition rétroactive résultant de l'annulation juridictionnelle d'un plan de prévention des risques d'inondation de la servitude d'utilité publique correspondante, ne dispense pas l'autorité compétente pour délivrer les autorisations d'occupation du sol de tenir compte des risques connus et établis, notamment d'inondation et de submersion, sur le fondement de l'article R. 111-2 précité.

7. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet avait été classé, en raison de son altimétrie se situant dans une fourchette de 1,40 à 1,60 m A..., inférieure à la cote de référence de 2,40 m A... pour les secteurs non urbanisés, en secteur exposé à un risque de submersion marine d'aléa très fort par le plan de prévention des risques d'inondation annulé et la direction départementale des territoires et de la mer du Gard a rendu un avis défavorable au projet pour ce motif. Toutefois, d'une part, la distance de 3,5 kilomètres séparant le terrain d'assiette de la mer et le réseau de digues et voiries se trouvant à une cote supérieure à 2,40 mètres A... et ceinturant quasi entièrement le domaine constituent des protections notables réduisant significativement le risque de submersion, comme l'établit d'ailleurs la notice hydraulique réalisée en mars 2020 produite par le requérant, qui, bien que réalisée postérieurement à la décision attaquée, fait état de la situation de fait dans laquelle se trouvait le terrain d'assiette du projet à cette même date. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que si le terrain d'assiette du projet avait également fait l'objet d'un classement par le plan de prévention des risques d'inondation annulé en zone d'aléa résiduel d'inondation provoquée par le Vidourle, l'étude hydraulique produite, s'appuyant notamment sur le fait que la parcelle litigieuse n'a pas été atteinte par la crue de référence de septembre 2002, exclut tout risque, même mineur, d'inondation du terrain d'assiette. Enfin, alors que le terrain d'assiette du projet n'a connu aucune submersion depuis plus de 40 ans et que le domaine n'est fréquenté que par un effectif total de salariés et saisonniers de douze à quinze personnes présentes et que lesdits hangars auront pour objet le seul stockage de matériel, il résulte de ce qui précède que le maire d'Aigues-Mortes a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

8. Pour l'application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen invoqué par le GFA Terres du Domaine de Grand Chaumont n'est de nature, en l'état de l'instruction, à entraîner également l'annulation de la décision en litige.

9. Il résulte de ce qui précède que le GFA Terres du Domaine de Grand Chaumont est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 février 2017.

Sur les frais liés au litige :

10.Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le GFA Terres du Domaine de Grand Chaumont, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à la commune d'Aigues-Mortes la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune d'Aigues-Mortes une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : L'arrêté du 2 février 2017 du maire de la commune d'Aigues-Mortes et le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 5 février 2019 sont annulés.

Article 2 : La commune d'Aigues-Mortes versera au GFA Terres du Domaine de Grand Chaumont une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune d'Aigues-Mortes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié GFA Terres du Domaine de Grand Chaumont et à la commune d'Aigues-Mortes.

Copie en sera adressée au procureur de la République près du tribunal judiciaire de Nîmes.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2021, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,

- Mme B..., présidente assesseure,

- Mme F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2021.

N° 19MA00741 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA00741
Date de la décision : 13/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Nature de la décision. Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: Mme Frédérique SIMON
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : DL AVOCATS - ME DUCROUX

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-07-13;19ma00741 ?
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