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23/07/2021 | FRANCE | N°19MA05496

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 23 juillet 2021, 19MA05496


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association SOREVE Environnement et Patrimoine en Uzège et l'association Uzège-Pont du Gard Durable ont demandé au tribunal administratif de Nîmes, à titre principal, d'annuler la délibération du 13 octobre 2017 par laquelle le conseil municipal d'Arpaillargues et Aureilhac a approuvé la première révision générale du plan local d'urbanisme ainsi que la décision du 24 janvier 2018 par laquelle le maire de la commune a rejeté leur recours gracieux tendant au retrait de cette délibération et, à titr

e subsidiaire, d'annuler partiellement la délibération du conseil municipal du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association SOREVE Environnement et Patrimoine en Uzège et l'association Uzège-Pont du Gard Durable ont demandé au tribunal administratif de Nîmes, à titre principal, d'annuler la délibération du 13 octobre 2017 par laquelle le conseil municipal d'Arpaillargues et Aureilhac a approuvé la première révision générale du plan local d'urbanisme ainsi que la décision du 24 janvier 2018 par laquelle le maire de la commune a rejeté leur recours gracieux tendant au retrait de cette délibération et, à titre subsidiaire, d'annuler partiellement la délibération du conseil municipal du 13 octobre 2017 en ce qu'elle déclasse 337,19 hectares d'espaces boisés classés.

Par un jugement n° 1801039 du 15 octobre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la délibération du 13 octobre 2017 en tant que le règlement des zones A et AP interdit les bâtiments nouveaux nécessaires aux activités agricoles et rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 décembre 2019 et le 3 septembre 2020, l'association SOREVE Environnement et Patrimoine en Uzège et l'association Uzège-Pont du Gard Durable, représentées par Me C..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 15 octobre 2019 en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à leur demande ;

2°) d'annuler en sa totalité la délibération du 13 octobre 2017 du conseil municipal d'Arpaillargues et Aureilhac ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Arpaillargues et Aureilhac une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la délibération du 11 juillet 2014 n'aurait pas précisé de façon suffisante les objectifs de la révision générale du plan local d'urbanisme ;

- la concertation n'a pas été régulière ;

- la commission agricole communale n'a pas été consultée ;

- aucune nouvelle consultation des personnes publiques associées n'a eu lieu avant l'ouverture de l'enquête publique ;

- l'information du public a été insuffisante pendant l'enquête publique s'agissant du déclassement d'espaces boisés classés ;

- le commissaire enquêteur a manqué d'impartialité à leur égard ;

- il n'a pas pris en compte leurs observations ;

- l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales a été méconnu ;

- l'article L. 110-1 en ses 5° et 9° du code de l'environnement a été méconnu ;

- le rapport de présentation est insuffisamment motivé s'agissant du déclassement de 80 % des espaces boisés classés de la commune ;

- le plan local d'urbanisme est entaché d'erreur manifeste d'appréciation en tant qu'il procède à un tel déclassement ;

- c'est à bon droit que le tribunal a estimé que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 151-23 du code de l'urbanisme était fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2020, la commune d'Arpaillargues-et-Aureilhac, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête, par la voie de l'appel incident à l'annulation du jugement du 15 octobre 2019 en tant qu'il a annulé la délibération du 13 octobre 2017 en tant que le règlement des zones A et AP interdit les bâtiments nouveaux nécessaires aux activités agricoles et à la mise à la charge des appelantes d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les associations n'avaient pas qualité ni intérêt pour agir devant le tribunal ;

- les moyens soulevés par les appelantes ne sont pas fondés ;

- c'est à tort que le tribunal a retenu que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 151-23 du code de l'urbanisme était fondé.

Par une lettre du 21 juin 2021, les parties ont été informées de ce que la Cour était susceptible de mettre en œuvre la procédure prévue par l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme et invitées à présenter leurs observations sur ce point.

Des observations ont été présentées le 24 juin 2021 pour l'association SOREVE Environnement et Patrimoine en Uzège et l'association Uzège-Pont du Gard Durable.

Des observations ont été présentées le 25 juin 2021 pour la commune d'Arpaillargues-et-Aureilhac.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant l'association SOREVE Environnement et Patrimoine en Uzège et l'association Uzège-Pont du Gard Durable, et de Me B..., représentant la commune d'Arpaillargues-et-Aureilhac.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 15 octobre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a annulé, à la demande de l'association SOREVE Environnement et Patrimoine en Uzège et l'association Uzège-Pont du Gard Durable, la délibération du 13 octobre 2017 par laquelle le conseil municipal d'Arpaillargues et Aureilhac a approuvé la première révision générale de son plan local d'urbanisme en tant que le règlement des zones A et AP interdit les bâtiments nouveaux nécessaires aux activités agricoles et rejeté le surplus de leur demande. Les associations font appel de ce jugement en tant que les premiers juges n'ont pas entièrement fait droit à leur requête et la commune, par la voie de l'appel incident, en demande l'annulation en tant qu'ils ont partiellement annulé le règlement du nouveau plan local d'urbanisme.

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande :

2. En premier lieu, d'une part, en vertu du premier alinéa de l'article L. 142-1 du code de l'environnement, toute association ayant pour objet la protection de la nature et de l'environnement peut engager des instances devant les juridictions administratives pour tout grief se rapportant à celle-ci et qu'en vertu du second alinéa, toute association de protection de l'environnement agréée au titre de l'article L. 141-1 justifie d'un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec son objet et ses activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l'environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elle bénéficie de l'agrément dès lors que cette décision est intervenue après la date de son agrément. L'association SOREVE Environnement et Patrimoine en Uzège, association agréée pour l'environnement pour le département du Gard, a notamment pour objet de contribuer, par son action, à promouvoir toutes études techniques, scientifiques ou autres, et toutes actions, relatives aux différentes disciplines pouvant concourir à la protection et à la mise en valeur du site naturel et historique de la vallée de l'Eure et de son environnement urbain et rural en Uzège. A cet égard, elle soutient notamment que le plan local d'urbanisme en litige en supprimant près de 80 % des espaces boisés classés du territoire est de nature à porter atteinte à l'environnement naturel de la commune. Elle justifie ainsi d'un intérêt à agir pour demander l'annulation de la délibération du 13 octobre 2017.

3. D'autre part, l'association Uzège-Pont du Gard durable a pour objet le développement durable en Uzège et à cette fin, notamment de : " -promouvoir le développement durable du territoire Uzège-Pont du Gard et des communes avoisinantes, notamment, par la mise en valeur et la protection de l'environnement, des paysages, des sites naturels et du patrimoine historique et architectural, : - maîtriser l'urbanisation des villes et villages en privilégiant la densification de la construction, - maintenir la vocation rurale du territoire en sauvegardant les terres agricoles (...) ". Eu égard au caractère circonscrit sur les plans tant matériel que géographique de son objet, elle justifie ainsi d'un intérêt à agir pour demander l'annulation de la délibération querellée.

4. En second lieu, une association est régulièrement engagée par l'organe tenant de ses statuts le pouvoir de la représenter en justice, sauf stipulation de ses statuts réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif. Il appartient à la juridiction administrative saisie, qui en a toujours la faculté, de s'assurer, le cas échéant et notamment lorsque cette qualité est contestée sérieusement par l'autre partie ou qu'au premier examen, l'absence de qualité du représentant de la personne morale semble ressortir des pièces du dossier, que le représentant de cette personne morale justifie de sa qualité pour agir au nom de cette partie. A ce titre, si le juge doit s'assurer de la réalité de l'habilitation du représentant de l'association qui l'a saisi, lorsque celle-ci est requise par les statuts, il ne lui appartient pas, en revanche, de vérifier la régularité des conditions dans lesquelles une telle habilitation a été adoptée. Dès lors, la commune d'Arpaillargues et Aureilhac ne peut utilement invoquer l'absence de régularité de l'assemblée générale ou du conseil d'administration au cours desquels a été décidé d'habiliter leur président à les représenter en justice

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement en tant qu'il n'a pas prononcé l'annulation totale de la délibération du 13 octobre 2017 :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable : " Le plan local d'urbanisme est élaboré à l'initiative et sous la responsabilité de la commune. La délibération qui prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme et précise les modalités de concertation, conformément à l'article L. 300-2, est notifiée au préfet (...) ". L'article L. 300-2 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de la délibération, dispose que : " I - Le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale délibère sur les objectifs poursuivis et sur les modalités d'une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées dont les représentants de la profession agricole, avant : / a) Toute élaboration ou révision du schéma de cohérence territoriale ou du plan local d'urbanisme / (...) ". Il est enfin précisé au cinquième alinéa du I du même article, applicable au présent litige, que : " Les documents d'urbanisme et les opérations mentionnées aux a, b et c ne sont pas illégaux du seul fait des vices susceptibles d'entacher la concertation, dès lors que les modalités définies par la délibération prévue au premier alinéa ont été respectées. Les autorisations d'occuper ou d'utiliser le sol ne sont pas illégales du seul fait des vices susceptibles d'entacher cette délibération ou les modalités de son exécution. ". Il résulte de ces dispositions que l'adoption ou la révision du plan local d'urbanisme doit être précédée d'une concertation associant les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées. Pour ce faire, le conseil municipal doit, avant que ne soit engagée cette concertation, délibérer, d'une part, et au moins dans leurs grandes lignes, sur les objectifs poursuivis par la commune en projetant d'élaborer ou de réviser ce document d'urbanisme, et, d'autre part, sur les modalités de la concertation. Ainsi que le prévoit l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme précité, les irrégularités ayant affecté le déroulement de la concertation au regard des modalités définies par la délibération prescrivant la révision du document d'urbanisme demeurent invocables à l'occasion d'un recours contre le plan local d'urbanisme approuvé. Lorsque, comme en l'espèce, les objectifs poursuivis par la révision d'un PLU ont été ultérieurement complétés postérieurement à l'engagement de la concertation, la régularité de la procédure suivie doit s'apprécier au regard du caractère substantiel ou non des modifications apportées et, le cas échéant, de l'effet utile, au regard des nouveaux objectifs définis, de l'intégralité de la concertation qui a été organisée.

6. D'une part, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la délibération du 11 juillet 2014 n'aurait pas indiqué de façon suffisamment précise les objectifs de la révision générale du plan local d'urbanisme est inopérant.

7. D'autre part, cette délibération, qui a défini les objectifs de la révision en précisant qu'elle était nécessaire au regard des évolutions du plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) en cours de finalisation et des besoins d'évolution de son plan local d'urbanisme, a prévu en outre la forme de la concertation qui prévoyait des articles dans le bulletin municipal, des annonces dans la presse locale et le site internet de la commune, une exposition publique en mairie durant un mois, une réunion publique avec la population et un registre d'observations en mairie avec possibilité d'écrire directement au maire. Si certaines opérations de concertation se sont déroulées antérieurement à la délibération du 11 mai 2016 qui a, postérieurement au débat sur le projet d'aménagement et de développement durable, précisé les objectifs ainsi définis en 2014, il ressort des pièces du dossier et notamment de la délibération du 24 février 2017 ayant tiré le bilan de la concertation qui fait foi jusqu'à preuve du contraire que le dossier de révision et ses évolutions ont été mis à disposition du public en mairie jusqu'à la fin de la procédure, tout comme un registre d'observations, qu'un article a été publié dans le journal municipal en janvier 2017 intitulé " le PLU...où en sommes-nous... ", et qu'une exposition publique est intervenue en mairie suite à une réunion publique du 4 février 2016, maintenue jusqu'au terme de la procédure. Ainsi, la commune d'Arpaillargues et Aureilhac a, conformément aux prescriptions de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme, associé le public à l'élaboration du projet pendant toute sa durée et cela alors même que le site Internet de la commune n'aurait pas été actualisé au fur et à mesure de la procédure comme le soutiennent les requérantes. Le moyen tiré de l'insuffisance et de l'illégalité de la concertation qui, organisée sur les objectifs poursuivis par l'élaboration du plan local d'urbanisme, présente un caractère préalable et a pour objet, non de soumettre au public intéressé un projet élaboré de plan local d'urbanisme, mais cette élaboration elle-même doit, par suite, être écarté.

8. En deuxième lieu, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait que soit consultée la commission agricole communale. Au demeurant, les représentants de la profession agricole ont été consultés par l'intermédiaire de la chambre d'agriculture.

9. En troisième lieu, si les associations soutiennent que l'information du public a été insuffisante pendant l'enquête publique s'agissant de la suppression de 338,94 hectares d'espaces boisées classés (EBC), il ressort des pièces du dossier que de nombreuses observations ont été formulées sur ce point et notamment de la part des associations requérantes. Par ailleurs, la seule tonalité des réponses apportées par le commissaire enquêteur aux associations ne suffit pas à établir qu'il aurait fait preuve d'impartialité. Enfin, celui-ci, qui n'était pas tenu de répondre à chaque observation du public, a répondu à celles formulées par les associations requérantes.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 110-1 du code de l'environnement : " Les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la qualité de l'air, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent font partie du patrimoine commun de la nation./ II.- Leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état et leur gestion sont d'intérêt général et concourent à l'objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement et la santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Elles s'inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants : (...) 5° Le principe de participation en vertu duquel toute personne est informée des projets de décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement dans des conditions lui permettant de formuler ses observations, qui sont prises en considération par l'autorité compétente (...) 9° Le principe de non-régression, selon lequel la protection de l'environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l'environnement, ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment (...) ". Cette disposition législative se borne à énoncer des principes dont la portée a vocation à être définie dans le cadre d'autres lois. Il suit de là, d'une part, que dès lors que la délibération attaquée a été adoptée au terme de la mise en œuvre de la procédure d'élaboration des documents d'urbanisme pour laquelle le législateur a prévu l'organisation d'une enquête publique, ce qui constitue une modalité d'information et de participation du public assurant la mise en œuvre du principe de participation, les requérantes ne peuvent utilement se prévaloir de la méconnaissance du 5° de l'article L. 110-1 du code de l'environnement. D'autre part, l'édiction du contenu du document d'urbanisme, et notamment la délimitation des zones naturelles et des espaces boisés classés, est entièrement régie par les dispositions législatives prévues au titre V du livre premier de la partie législative du code de l'urbanisme, dont, en particulier, l'article L. 153-31 prévoit la possibilité d'une réduction des espaces boisés classés en l'assortissant de garanties procédurales. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du 9° de cet article est également inopérant.

11. En cinquième lieu, le moyen tiré de ce que les modifications du projet intervenues après l'enquête publique devaient conduire la commune à consulter à nouveau les personnes publiques associées n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé dès lors qu'il n'est pas démontré en quoi ces modifications auraient bouleversé l'économie générale du projet ni soutenu qu'elles ne procèderaient pas de l'enquête publique.

12. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération. ".

13. Il ressort des pièces du dossier qu'avec leur convocation au conseil municipal du 13 octobre 2017, les élus municipaux ont reçu une note de synthèse comportant un rappel de la procédure d'élaboration du plan local d'urbanisme, un résumé de l'état des lieux, un autre relatif aux choix du plan et un dernier relatif au zonage accompagné de tableaux comparatifs. En outre, une réunion de présentation de la révision générale du plan local d'urbanisme avait été organisée pour les membres du conseil municipal le 2 octobre 2017 afin de présenter notamment les modifications apportées au plan local d'urbanisme à la suite des avis des personnes publiques associées. Au demeurant, il ne ressort pas des pièces du dossier que des élus se soient plaints lors de la séance du 13 octobre 2017 d'une insuffisance d'information. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales doit être écarté.

14. En dernier lieu, aux termes de l'article L 151-4 du code de l'urbanisme : " Le rapport de présentation explique les choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durables, les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement. Il s'appuie sur un diagnostic établi au regard des prévisions économiques et démographiques et des besoins répertoriés en matière de développement économique, de surfaces et de développement agricoles, de développement forestier, d'aménagement de l'espace, d'environnement, notamment en matière de biodiversité, d'équilibre social de l'habitat, de transports, de commerce, d'équipements et de services. (...) Il analyse la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers au cours des dix années précédant l'arrêt du projet de plan ou depuis la dernière révision du document d'urbanisme et la capacité de densification et de mutation de l'ensemble des espaces bâtis, en tenant compte des formes urbaines et architecturales. Il expose les dispositions qui favorisent la densification de ces espaces ainsi que la limitation de la consommation des espaces naturels, agricoles ou forestiers. Il justifie les objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain compris dans le projet d'aménagement et de développement durables au regard des objectifs de consommation de l'espace fixés, le cas échéant, par le schéma de cohérence territoriale et au regard des dynamiques économiques et démographiques. ". Selon l'article R. 151-2 du même code : " Le rapport de présentation comporte les justifications de : 1° La cohérence des orientations d'aménagement et de programmation avec les orientations et objectifs du projet d'aménagement et de développement durables ; 2° La nécessité des dispositions édictées par le règlement pour la mise en œuvre du projet d'aménagement et de développement durables et des différences qu'elles comportent, notamment selon qu'elles s'appliquent à des constructions existantes ou nouvelles ou selon la dimension des constructions ou selon les destinations et les sous-destinations de constructions dans une même zone ; 3° La complémentarité de ces dispositions avec les orientations d'aménagement et de programmation mentionnées à l'article L. 151-6 ; 4° La délimitation des zones prévues par l'article L. 151-9 ; 5° L'institution des zones urbaines prévues par l'article R. 151-19, des zones urbaines ou zones à urbaniser prévues par le deuxième alinéa de l'article R. 151-20 lorsque leurs conditions d'aménagement ne font pas l'objet de dispositions réglementaires ainsi que celle des servitudes prévues par le 5° de l'article L. 151-41 ; 6° Toute autre disposition du plan local d'urbanisme pour laquelle une obligation de justification particulière est prévue par le présent titre. Ces justifications sont regroupées dans le rapport. ". Enfin, le 1° de l'article R. 151-5 prévoit que le rapport de présentation est complété par l'exposé des motifs des changements apportés lorsque le plan local d'urbanisme est révisé notamment en cas de réduction d'espaces boisés classés.

15. Le plan local d'urbanisme révisé procède au déclassement de 337 hectares d'EBC sur les 1 376 hectares que compte le territoire communal, seuls 74,34 hectares demeurant classés en EBC. Pour justifier de ce parti pris d'urbanisme, les auteurs du plan se bornent à indiquer dans le rapport de présentation qu'à la demande du conseil départemental les EBC implantés en bordure de routes départementales ont été supprimés, aucune protection supplémentaire n'étant utile eu égard au règlement départemental existant, que toutefois certains EBC ont été requalifiés en secteur paysager au titre de l'article L. 151-23 du code de l'urbanisme, notamment au niveau des alignements d'arbres ou de haies en secteurs U et que sur les limites communales des continuités de zonage ont été recherchées afin d'être cohérent avec les PLU des communes limitrophes en effectuant un travail à l'échelle d'un plus grand territoire, des zones EBC ayant ainsi été requalifiées en zone N ou repérées comme secteurs paysagers à valoriser au travers de l'article L. 151-23 du code de l'urbanisme. Toutefois, ces éléments ne permettent pas de justifier les motifs du déclassement qui atteint 82 % des espaces classés par l'ancien document d'urbanisme. Dans ces conditions, si le rapport de présentation est un document réglementaire d'ordre général et qu'aucune disposition n'impose à l'autorité chargée d'élaborer le plan local d'urbanisme de fournir, parcelle par parcelle, les motifs des classements qu'elle opère, eu égard à l'importance du parti pris d'urbanisme ainsi retenu, le rapport de présentation du plan local d'urbanisme d'Arpaillargues et Aureilhac ne satisfait pas, en ce qui concerne le déclassement d'EBC, aux exigences des articles précités du code de l'urbanisme.

16. Aux termes de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme : " Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre (...) un plan local d'urbanisme (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'une illégalité entachant l'élaboration ou la révision de cet acte est susceptible d'être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation et pendant lequel le document d'urbanisme reste applicable, sous les réserves suivantes : (...) 2° En cas d'illégalité pour vice de forme ou de procédure, le sursis à statuer ne peut être prononcé que si l'illégalité a eu lieu, pour les schémas de cohérence territoriale et les plans locaux d'urbanisme, après le débat sur les orientations du projet d'aménagement et de développement durables. Si la régularisation intervient dans le délai fixé, elle est notifiée au juge, qui statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. (...). ".

17. L'illégalité relevée aux points 14 et 15 du présent arrêt, relative à l'insuffisance du rapport de présentation, constitue un vice de forme ayant eu lieu après le débat sur les orientations du projet d'aménagement et de développement durable et est susceptible de faire l'objet d'une mesure de régularisation. Dans ces conditions, il y a lieu de surseoir à statuer jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt afin que, dans ce délai, la commune d'Arpaillargues et Aureilhac procède à la régularisation de l'illégalité relevée précédemment. Cette régularisation consistera à compléter le rapport de présentation du PLU approuvé le 13 décembre 2011 en explicitant les motifs présidant au choix du déclassement de 337 hectares d'EBC, à assurer l'information du public sur les modifications apportées au rapport de présentation et à entériner ces dernières par une nouvelle délibération d'approbation du plan local d'urbanisme.

18. Enfin, compte tenu des lacunes du rapport de présentation, la Cour n'est pas en mesure d'apprécier le bien-fondé du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation tenant au déclassement de 337 hectares d'EBC. Il y a dès lors lieu pour la Cour de réserver la réponse à ce moyen, lequel demeure susceptible d'être écarté après la régularisation du rapport de présentation.

Sur l'appel incident :

19. Aux termes de l'article R. 123-7 du code de l'urbanisme : " Les zones agricoles sont dites "zones A". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. Les constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif et à l'exploitation agricole sont seules autorisées en zone A. Est également autorisé, en application du 2° de l'article R. 123-12, le changement de destination des bâtiments agricoles identifiés dans les documents graphiques du règlement. ". Il s'ensuit que si, hormis les constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif, la possibilité de construire en zone A est réservée aux seules installations agricoles, les dispositions susmentionnées ne font pas obstacle à la faculté ouverte aux auteurs du document d'urbanisme de délimiter à l'intérieur de la zone A des sous-secteurs où les constructions liées à l'agriculture sont soit soumises à des conditions restrictives, soit interdites. Les interdictions doivent être justifiées par les auteurs du plan local d'urbanisme, par exemple, dans le rapport de présentation ou dans le projet de développement durable.

20. Il ressort des pièces du dossier que la zone A, qui concerne près de 60 % du territoire communal, comprend trois secteurs, le secteur Ap couvrant un peu plus de 674 hectares et identifié comme présentant une grande qualité paysagère et une forte valeur agronomique de ses terres, le secteur Abp couvrant environ 13 hectares et correspondant aux périmètres de protection rapprochée d'un forage où toutes les constructions sont interdites, hormis celles nécessaires au fonctionnement ou à la maintenance du captage d'eau potable et enfin le secteur A couvrant 109 hectares et correspondant aux sièges des exploitations agricoles existantes. L'article A1 du règlement contesté précise que toutes les occupations et utilisations du sol sont interdites, à l'exception des locaux techniques destinés à abriter les forages nécessaires aux exploitations agricoles et n'excédant pas 6 m² de surface de plancher et de 2,50 m de hauteur. Par ailleurs, peuvent également être autorisés dans le seul secteur A le changement de destination des bâtiments, l'extension mesurée des bâtiments existants à usage d'habitation, ainsi que les piscines, sous réserve du respect de certaines conditions. Il ressort de la lecture combinée des articles A1 et A2 du règlement que ce zonage n'autorise pas les constructions agricoles nouvelles contrairement à ce que soutient la commune de d'Arpaillargues et Aureilhac qui ne peut utilement ni invoquer une maladresse rédactionnelle ni se prévaloir de l'interprétation donnée à ces dispositions par les personnes publiques associées. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas soutenu par la commune qui affirme au contraire que les auteurs du plan local d'urbanisme ont voulu autoriser les constructions agricoles nouvelles, que les zones dont s'agit présentent un intérêt paysager ou à préserver en raison de sa faune tel qu'il exigerait une telle interdiction. Dans ces conditions, et ainsi que l'a jugé le tribunal, en créant un secteur Ap interdisant de façon générale d'édifier les bâtiments nouveaux nécessaires aux activités agricoles, et a fortiori un secteur A qui prescrit la même interdiction, les auteurs du plan ont entaché leur délibération d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de leurs objectifs de préservation des terres agricoles.

21. Il résulte de ce qui précède que la commune d'Arpaillargues et Aureilhac n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé partiellement la délibération du 13 octobre 2017.

D É C I D E :

Article 1er : L'appel incident de la commune d'Arpaillargues et Aureilhac est rejeté.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête présentée par l'association SOREVE Environnement et Patrimoine en Uzège et à l'association Uzège-Pont du Gard.

Article 3 : La commune d'Arpaillargues et Aureilhac devra justifier de la régularisation de l'illégalité relevée aux points 14 et 15 selon les modalités précisées au point 17 du présent arrêt dans un délai de six mois à compter de sa notification.

Article 4 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'association SOREVE Environnement et Patrimoine en Uzège, à l'association Uzège-Pont du Gard et à la commune d'Arpaillargues et Aureilhac.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2021, où siégeaient :

- M. Chazan, président,

- Mme A..., présidente assesseure,

- Mme F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 juillet 2021.

N° 19MA05496 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA05496
Date de la décision : 23/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Plans d'aménagement et d'urbanisme. - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d’urbanisme (PLU).


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: Mme Frédérique SIMON
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SELARL ASEA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-07-23;19ma05496 ?
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