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30/12/2021 | FRANCE | N°21MA00291

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 30 décembre 2021, 21MA00291


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2020 du préfet des Alpes-Maritimes portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2003135 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du 9 juillet 2020 du préfet des

Alpes-Maritimes portant interdiction de retour sur le territoire français pour une ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2020 du préfet des Alpes-Maritimes portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2003135 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du 9 juillet 2020 du préfet des Alpes-Maritimes portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2021, M. A..., représenté par Me Jaidane, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 décembre 2020 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 9 juillet 2020 en tant qu'il porte refus de séjour et obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et fixe le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans le délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement est entaché d'une omission à statuer sur des moyens soulevés à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français ;

- il est entaché de dénaturation des pièces du dossier et d'erreur de droit ;

Sur la décision de refus de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un examen complet de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et familiale ;

- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet n'a pas statué sur sa demande de titre de séjour sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-tunisien ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien et les dispositions de l'article R. 5221-14 du code du travail en ce qu'il était en possession d'une autorisation provisoire de séjour valant autorisation de travail ;

- elle méconnaît les principes de sécurité juridique et de confiance légitime ;

- elle viole les stipulations de l'article 64, §1 de l'accord euro-méditerranéen du 17 juillet 1995 établissant une association entre la Communauté européenne et les Etats membres d'une part, et la République tunisienne d'autre part ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale à raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- cette décision viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit d'observations en défense.

M. A... n'a pas été admis à l'aide juridictionnelle par une décision du 26 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;

- l'accord euro-méditerranéen du 17 juillet 1995 établissant une association entre la Communauté européenne et les Etats membres d'une part, et la République tunisienne d'autre part ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bernabeu a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 9 juillet 2020, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé d'admettre au séjour M. A..., ressortissant tunisien né le 18 juillet 1990, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un jugement du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Nice a uniquement annulé la décision précitée portant interdiction de retour sur le territoire. L'intéressé relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Si le requérant soutient que le jugement attaqué est entaché de dénaturation des pièces du dossier et d'erreur de droit, ces moyens se rattachent au bien-fondé du jugement et non à sa régularité.

3. En revanche, il ressort du dossier de première instance qu'à l'appui de sa demande d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, M. A... a fait valoir les moyens tirés de la violation des dispositions des articles L. 312-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, L. 313-11 7° et L. 313-14 du même code ainsi que des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ressort des mentions du jugement attaqué que les premiers juges n'ont ni visé ces moyens ni y ont répondu. Par suite, et quand bien même les moyens tirés de la violation des dispositions des articles L. 312-1 et suivants, L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont inopérants à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, le jugement est entaché d'irrégularité dans cette mesure et doit être annulé en tant qu'il statue sur l'obligation de quitter le territoire français.

4. Il résulte de ce qui précède qu'il y a uniquement lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande de M. A... dirigées contre la décision du préfet des Alpes-Maritimes portant obligation de quitter le territoire français. Il y a lieu de statuer dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions du requérant.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a sollicité un titre de séjour par courriers des 15 octobre 2018 et 18 février 2019. Par une requête, enregistrée le 25 avril 2019 au greffe du tribunal administratif de Nice, l'intéressé a demandé l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, ce qu'il a obtenu par un jugement du 31 octobre 2019, lequel a également enjoint au préfet de réexaminer sa demande de titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement, et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail. Après avoir bénéficié d'une telle autorisation provisoire de séjour pendant la durée du réexamen de sa demande, M. A... s'est vu refuser, par un arrêté du 9 juillet 2020, son admission au séjour.

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". Le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur, disposait en outre que : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".

7. Après avoir visé les dispositions textuelles dont il a été fait application, notamment l'accord franco-tunisien, les articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la décision contestée fait état d'éléments relatifs à la situation personnelle et familiale du requérant, notamment la production d'une promesse d'embauche non visée par les autorités compétentes. Ainsi, cette décision a mentionné, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé d'en comprendre les motifs, et dépourvue de caractère stéréotypé, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, nonobstant la circonstance qu'elle n'a pas rappelé les éléments figurant au point 5 du présent arrêt tenant à l'annulation d'une précédente décision de refus de séjour par le jugement précité, ainsi que les circonstances qu'il bénéficiait d'une autorisation provisoire de séjour, qu'il a présenté une demande complémentaire de séjour et qu'il a conclu un contrat à durée indéterminée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision de refus de séjour et du défaut d'examen complet de sa situation doivent être écartés comme manquant en fait.

8. En deuxième lieu, si M. A... fait valoir qu'aucune réponse n'a été apportée à sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-tunisien, il ressort des pièces du dossier et notamment des termes de l'arrêté attaqué que le préfet des Alpes-Maritimes s'est bien prononcé sur cette demande. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de sa demande de titre de séjour en tant qu'elle est fondée sur l'article 3 de l'accord franco-tunisien doit être écarté.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien visé ci-dessus : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié". ". Aux termes de son article 11 : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord ".

10. L'article L. 5221-2 du code du travail dispose que : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". Aux termes de l'article R. 5221-11 du même code dans sa version applicable : " La demande d'autorisation de travail relevant des 4°, 8°, 9°, 13° et 14° de l'article R. 5221-3 est faite par l'employeur (...) ". Le 8° de cet article vise la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ". Aux termes de l'article R. 5221-14 de ce code : " Peut faire l'objet de la demande prévue à l'article R. 5221-11 l'étranger résidant hors du territoire national ou, lorsque la détention d'un titre de séjour est obligatoire, l'étranger résidant en France sous couvert d'une carte de séjour, d'un récépissé de demande ou de renouvellement de carte de séjour ou d'une autorisation provisoire de séjour ". L'article R. 5221-15 précise en outre que : " Lorsque l'étranger est déjà présent sur le territoire national, la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est adressée au préfet de son département de résidence ". Enfin, l'article R. 5221-17 prévoit que : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est prise par le préfet. (...) ".

11. Il résulte de ces dispositions que la demande d'autorisation de travail présentée pour un étranger qui est déjà présent sur le territoire national doit être adressée au préfet, autorité investie du pouvoir décisionnel, par l'employeur et que, dans l'hypothèse où les services de la préfecture ou les services chargés de l'emploi ont été saisis d'une telle demande, le préfet ne peut refuser l'admission au séjour de l'intéressé au motif que ce dernier ne produit pas d'autorisation de travail ou de contrat de travail visé par l'autorité compétente. En pareille hypothèse, il appartient en effet au préfet de faire instruire la demande d'autorisation de travail par ses services avant de statuer sur la demande d'admission au séjour.

12. Si M. A... verse au dossier une demande d'autorisation de travail datée du 16 janvier 2018 déposée par son employeur antérieurement à sa demande de titre de séjour présentée le 15 octobre 2018, il ressort des pièces du dossier que les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) ont adressé une demande de pièces pour dossier incomplet le 16 février 2018, puis une relance le 11 avril 2018, à laquelle il n'est pas établi, ni même allégué, qu'il aurait été répondu. Par ailleurs, l'intéressé ne justifie pas avoir présenté une autre demande d'autorisation de travail, dûment renseignée par son employeur, à l'appui de sa demande de titre de séjour formulée le 18 février 2019. Enfin, le requérant ne saurait utilement se prévaloir de ce qu'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler lui a été délivrée en exécution du jugement du 31 octobre 2019 précité, pour soutenir que de ce fait, il n'avait pas à justifier d'un contrat de travail visé par l'administration pour être admis au séjour ni se soumettre à la visite médicale prévue par les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 précité et des dispositions de l'article R. 5221-14 du code du travail ne peut qu'être écarté.

13. En quatrième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des principes de sécurité juridique et de confiance légitime doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 8 du jugement attaqué.

14. En cinquième lieu, aux termes du 1 de l'article 64 de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République tunisienne, d'autre part, en date du 17 juillet 1995 : " Chaque Etat membre accorde aux travailleurs de nationalité tunisienne occupés sur son territoire un régime caractérisé par l'absence de toute discrimination fondée sur la nationalité par rapport à ses propres ressortissants, en ce qui concerne les conditions de travail, de rémunération et de licenciement ". Il a été jugé par la Cour de justice des Communautés européennes, devenue Cour de justice de l'Union européenne, dans son arrêt du 14 décembre 2006, rendu dans l'affaire C-97/05, que ces stipulations, qui n'ont pas pour objet de réglementer le droit au séjour des ressortissants tunisiens dans les Etats membres, sont toutefois susceptibles d'exercer des effets sur le droit au séjour d'un ressortissant tunisien sur le territoire d'un Etat membre, dès lors que ce ressortissant a été dûment autorisé par cet Etat membre à exercer sur ledit territoire une activité professionnelle pour une période excédant la durée de son autorisation de séjour.

15. M. A..., qui s'est vu délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant la durée du réexamen de sa demande de titre de séjour et qui bénéficiait corrélativement d'une autorisation de travail de même durée, n'est pas fondé à se prévaloir des stipulations précitées de l'article 64 §1 de l'accord euro-méditerranéen susvisé du 17 juillet 1995 dès lors qu'il n'a, à aucun moment, été dûment autorisé à exercer en France une activité professionnelle pour une période excédant la durée de son autorisation de séjour.

16. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

17. Si M. A... soutient être présent sur le territoire national depuis six ans et y avoir fixé sa vie privée et professionnelle, il est toutefois célibataire et sans charge de famille, et ne justifiait que de six mois de travail à la date de la décision litigieuse. En outre, s'il fait valoir être hébergé par sa sœur de nationalité française et entretenir des liens étroits avec son beau-frère, ses neveux et ses nièces, il n'établit pas qu'il serait dépourvu de famille dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans. Dans ces conditions, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de titre de séjour en litige porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Le préfet n'a ainsi méconnu ni les stipulations de 1'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de 1'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

18. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) ".

19. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Il fixe ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord.

20. Cependant, si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation. Par suite, M. A... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à l'admission au séjour au titre d'une activité salariée. Si le requérant a entendu se prévaloir de ces dispositions au titre de sa vie privée et familiale, en soutenant qu'il est présent depuis 2014 en France où se situe le centre de ses intérêts familiaux et professionnels et qu'il a conclu un contrat à durée indéterminée en janvier 2020, ces circonstances ne constituent pas des motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires au sens de l'article L. 313-14 du code précité. Il en résulte que le préfet des Alpes-Maritimes n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation concernant la situation personnelle de M. A....

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

21. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

22. Les moyens tirés de la violation des dispositions des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 17 à 20.

23. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus au point 17 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de 1'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de 1'homme et des libertés fondamentales doit enfin être écarté.

24. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 9 juillet 2020 portant obligation de quitter le territoire français. Le requérant n'est en outre pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2003135 du 17 décembre 2020 du tribunal administratif de Nice est annulé en tant qu'il statue sur l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours prononcée, par arrêté du 9 juillet 2020 du préfet des Alpes-Maritimes, à l'encontre de M. A....

Article 2 : La demande d'annulation de la décision précitée portant obligation de quitter le territoire français présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nice et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2021 où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- Mme Bernabeu, présidente assesseure,

- Mme Carotenuto, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 décembre 2021.

3

N° 21MA00291

nc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00291
Date de la décision : 30/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Mylène BERNABEU
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : JAIDANE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-12-30;21ma00291 ?
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