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31/12/2021 | FRANCE | N°21MA00063

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 31 décembre 2021, 21MA00063


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 11 février 2020 par lequel le préfet du Gard a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par un jugement n° 2001643 du 22 septembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 janvier 2021, sous le n° 21MA00063, M. A..

. représenté par Me Debureau, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 septembre 2020 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 11 février 2020 par lequel le préfet du Gard a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par un jugement n° 2001643 du 22 septembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 janvier 2021, sous le n° 21MA00063, M. A... représenté par Me Debureau, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 septembre 2020 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 février 2020 en tant qu'il porte refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

3°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, son conseil s'engageant alors à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- l'arrêté en litige viole les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2021, la préfète du Gard conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés sont infondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord de coopération en matière de justice entre la République française et la République B... ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Virginie Ciréfice, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Prieto.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant malien, est entré en France selon ses déclarations le 2 août 2016. Il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du Tarn par ordonnance du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Carcassonne du 16 septembre 2016, puis aux services de l'aide sociale à l'enfance du Gard par jugement en assistance éducative du juge des enfants du tribunal de grande instance de Nîmes du 25 novembre 2016. M. A... a sollicité le 12 janvier 2018 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

2. M. A... relève appel du jugement du 22 septembre 2020 du tribunal administratif de Nîmes qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 février 2020 par lequel le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ", lequel dispose que " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française (...) ".

5. L'article 47 du code civil précité pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. Il ne résulte en revanche pas de ces dispositions que l'administration française doive nécessairement et systématiquement solliciter les autorités d'un autre Etat afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont dispose l'administration française sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié.

6. Il en découle que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

7. En outre, selon l'article 24 de l'accord franco-malien de coopération en matière de justice du 1er mars 1962, seront notamment admises, sans légalisation, sur les territoires respectifs de la République française et de la République B..., " les expéditions des actes de l'état civil " établies par " les autorités administratives " de chacun des deux Etats, revêtues de " la signature et du sceau officiel de l'autorité ayant qualité pour les délivrer " et certifiées "conformes à l'original par ladite autorité ".

8. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.

9. Pour refuser le titre de séjour sollicité par M. A..., le préfet du Gard s'est fondé sur le caractère frauduleux de l'acte de naissance présenté par celui-ci à l'appui de sa demande, ce caractère apocryphe ne permettant pas de justifier qu'il était mineur lors de sa prise en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance, et qu'il ne justifiait pas être dépourvu de liens familiaux dans son pays d'origine.

10. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a fourni à l'appui de sa demande de titre de séjour une carte d'identité consulaire délivrée par l'ambassade B... à Paris le 19 janvier 2018, un extrait d'acte de naissance dressé par l'officier de l'état civil de Kayes au Mali, ainsi qu'un passeport établi par les autorités maliennes le 14 septembre 2018. Le préfet du Gard a estimé, après vérifications par les services de police, que l'acte de naissance présenté par M. A... présentait un caractère apocryphe, au motif que le centre de naissance, qui est un centre de naissance principal, est écrit " princ ", que les caractères du document ne sont pas alignés et que le chiffre " 1 " était écrit " I ". Le préfet du Gard fait également valoir que cet acte de naissance n'a pas été établi dans les formes usitées au Mali, dès lors qu'il est signé par le quatrième adjoint au maire de la commune de Kayes, alors qu'il aurait dû être signé, en vertu de l'article 93 du code des personnes et de la famille B..., par le maire, que la date de naissance aurait dû être inscrite en toutes lettres et que toutes les informations relatives à l'acte de naissance initial ne sont pas renseignées, notamment la rubrique portant sur la date d'établissement de l'acte.

11. Si M. A... produit une copie de son acte de naissance délivrée le 4 mars 2000 ainsi qu'un nouvel extrait du jugement supplétif de son acte de naissance, dressé le 26 février 2020 par le tribunal civil de Kayes (Mali) et attestant qu'il est né le 13 janvier 2000 à Kayes, toutefois, cet extrait d'acte de naissance comporte également plusieurs anomalies, comme ne mentionnant pas, dans la case prévue à cet effet, l'âge de l'intéressé, mais uniquement " 2000 ", la date d'établissement de cet acte n'étant pas rédigée en lettres mais en chiffres, et l'indication du lieu de domicile de M. A... étant erronée. Si le requérant produit également une copie du passeport biométrique qui lui a été délivré par les autorités maliennes le 17 janvier 2020, un tel document ne constitue pas un acte d'état civil mais un document de voyage qui ne permet pas d'établir son identité et pour lequel la présomption de validité résultant des dispositions de l'article 47 du code civil ne s'applique pas. Enfin, si, dans son jugement en assistance éducative du 25 novembre 2016, le juge des enfants du tribunal de grande instance de Nîmes a indiqué que M. A... disposait d'un extrait d'acte de naissance en original dont l'authenticité n'est pas remise en cause, cette mention ne saurait être regardée comme valant authentification dudit extrait d'acte de naissance.

12. Si, en appel, M. A... se prévaut d'un extrait de jugement supplétif en date du 3 mars 2020 ainsi que d'un nouvel acte de naissance du 4 mars 2020, ces documents, qui ont été établis postérieurement à l'arrêté préfectoral attaqué, ne présentent pas, en leur forme, de force probante, en application des dispositions du code des personnes et de la famille en vigueur au Mali en matière de transcription des actes. En outre, lesdits documents ont été établis sur la base de documents dont l'authenticité elle-même est contestée.

13. L'autorité de la chose jugée appartenant aux décisions des juges répressifs devenues définitives qui s'impose aux juridictions administratives s'attache à la constatation matérielle des faits mentionnés dans le jugement et qui sont le support nécessaire du dispositif. La même autorité ne saurait, en revanche, s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité. Il ressort de la lecture du jugement correctionnel du 3 décembre 2020 que le juge pénal n'a pas remis en cause la matérialité des éléments de preuve réunis par l'administration mais s'est borné à relever que l'infraction de faux et usage de faux document administratif était insuffisamment caractérisée et cette appréciation ne saurait s'imposer au juge administratif.

14. Dans ces conditions, M. A... ne peut être regardé comme justifiant qu'il était mineur lors de sa prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

15. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

16. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France en août selon l'administration ou en septembre 2016, selon ses déclarations. S'il justifie du sérieux de son parcours scolaire, de sa volonté d'insertion et de sa formation en cours en vue de l'obtention du certificat d'aptitude professionnelle de cuisine, il est célibataire et sans enfant, et n'est pas isolé dans son pays d'origine où vivent sa mère, de laquelle il n'établit pas ne plus avoir de nouvelles, et son oncle. Eu égard, au surplus, aux déclarations contradictoires de M. A..., le préfet du Gard n'a pas porté au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris l'arrêté attaqué. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

17. En dernier lieu, pour les motifs énoncés précédemment, le moyen tiré de ce que le préfet du Gard a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de M. A..., au regard de son parcours et de sa volonté d'insertion, doit être écarté.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué qui a refusé d'annuler l'arrêté du 11 février 2020 du préfet du Gard.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

19. Les conclusions à fin d'annulation de M. A... étant rejetées, ses conclusions susvisées à fin d'injonction doivent l'être également, dès lors que le présent jugement ne nécessite aucune mesure d'exécution au regard des dispositions des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative.

Sur les frais liés au litige :

20. Les conclusions de M. A... tendant au remboursement de frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées, l'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me Debureau et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Gard et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nîmes

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2021, où siégeaient :

- Mme Ciréfice, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Prieto, premier conseiller,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 décembre 2021.

N° 21MA00063 6

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00063
Date de la décision : 31/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme CIREFICE
Rapporteur ?: M. Gilles PRIETO
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : DEBUREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-12-31;21ma00063 ?
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