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03/05/2022 | FRANCE | N°21MA00849

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 03 mai 2022, 21MA00849


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 août 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale " ou

, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande.

Par un jugement n°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 août 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande.

Par un jugement n° 2003866 du 28 janvier 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 1er mars 2021, Mme C..., représentée par Me Zoleko, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 28 janvier 2021 du tribunal administratif de Nice ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 août 2020 du préfet des Alpes-Maritimes ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de procéder au réexamen de sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous les mêmes conditions d'astreinte en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour dès la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas examiné sa demande au regard de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et a commis une erreur de droit en examinant sa situation au regard de l'article 11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet se fonde sur un avis du collège des médecins de l'OFFII du 3 août 2020 alors que l'avis communiqué en défense est du 19 août 2020 ; en outre, l'avis communiqué par le préfet indique que Mme C... n'a pas fait l'objet d'une convocation pour examen alors que l'arrêté attaqué indique que la convocation pour examen a été réalisée ; l'avis produit par le préfet ne précise pas la durée prévisible du traitement de la requérante. Ces incohérences montrent que la situation de Mme C... n'a pas fait l'objet d'un examen sérieux ;

- l'avis émis par les médecins de l'OFFII est irrégulier car il n'indique pas la durée prévisible du traitement de la requérante ;

- l'arrêté attaqué méconnaît l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- en application de l'article R. 612-6 6 du code de justice administrative, le préfet doit être regardé comme ayant acquiescé au fait qu'elle ne peut pas bénéficier d'un traitement adapté dans son pays d'origine ;

- l'arrêté attaqué méconnaît l'article 6-7 5) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté attaqué méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes, qui n'a pas produit de

mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné par décision du 24 août 2021 M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...

- et les observations de Me Zoleko, représentant la requérante.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., de nationalité algérienne, a sollicité son admission au séjour en qualité d'étranger malade. Elle relève appel du jugement du 28 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 août 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, la circonstance que l'arrêté attaqué mentionne que le collège des médecins de l'OFFII a convoqué Mme C... pour examen, alors que l'avis rendu le 19 août 2020 par ce collège mentionne que tel n'a pas été le cas, et celle que l'arrêté en litige mentionne que cet avis a été rendu le 3 août 2020, ne sont pas de nature à établir que le préfet des Alpes-Maritimes n'aurait pas procédé à un examen circonstancié de la situation de Mme C... quant à son droit à délivrance d'un certificat de résident algérien en qualité d'étranger malade.

3. En deuxième lieu, l'arrêté en litige vise les dispositions de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Il ne ressort pas de cet arrêté que le préfet des Alpes-Maritimes n'aurait pas procédé à l'examen de la demande de titre de séjour de Mme C... au regard des stipulations de cet accord. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit, dès lors, être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ". En vertu de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable à la procédure de délivrance aux ressortissants algériens des certificats de résidence en qualité d'étranger malade, le titre prévu par les stipulations précitées est délivré au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'OFII.

5. Par ailleurs, aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant :a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure ".

6. D'une part, dans la mesure où la mention de la durée prévisible du traitement, prévue au b) de l'article 6, ne se justifie que lorsque l'étranger ne peut pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, et où l'avis du 19 août 2020 considère que l'appelante peut disposer en Algérie d'un traitement approprié à ses pathologies, cet avis n'avait pas à préciser sa durée prévisible. Le moyen tiré de l'irrégularité de cet avis doit donc être écarté.

7. D'autre part, il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge médicale risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

8. Ainsi qu'il a été dit au point 6, le collège des médecins de l'OFII consulté sur la demande de titre de séjour de Mme C..., qui est affectée à la date de l'arrêté en litige d'hypertension artérielle et d' une maladie d'Alzheimer, et qui a deux prothèses de genoux, a considéré, dans son avis du 19 août 2020, que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins existant en Algérie, elle pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié.

9. D'une part, aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant. ". Aucune mise en demeure n'ayant été adressée au préfet des Alpes-Maritimes dans la présente procédure, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet doit être regardé comme ayant acquiescé aux faits exposés dans ses mémoires.

10. D'autre part, la requérante se borne à indiquer, sans aucune précision, qu'il n'existe pas en Algérie de prise en charge des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. Si elle soutient ne pas disposer de couverture maladie en Algérie, et être sans ressources, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ne pourrait pas accéder effectivement aux soins appropriés en Algérie, qui bénéficie d'un système de protection sociale pour les personnes dépourvues de ressources. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que ses deux enfants qui résident en Algérie ne pourraient pas lui fournir l'aide financière éventuellement requise pour bénéficier des traitements nécessaires dans son pays d'origine. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 7) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doit être dès lors écarté.

11. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus... ".

12. Si Mme C... fait valoir qu'elle est venue rejoindre ses enfants résidant en France au décès de son mari, il ressort des pièces du dossier que deux de ses enfants résident encore en Algérie. La requérante se borne sans aucune précision à indiquer qu'elle n'aurait plus de contacts avec eux. Elle ne peut être dès lors regardée comme dépourvue d'attaches dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de soixante-quinze ans. Le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas méconnu les stipulations précitées en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et en lui faisant obligation de quitter le territoire français.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions accessoires aux fins d'injonctions et d'astreinte et fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être écartées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 19 avril 2022, où siégeaient :

- M. Philippe Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Carassic, première conseillère.

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mai 2022.

2

N° 21MA00849


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00849
Date de la décision : 03/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Philippe PORTAIL
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : ZOLEKO TSANE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-05-03;21ma00849 ?
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