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31/10/2022 | FRANCE | N°20MA00053

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 31 octobre 2022, 20MA00053


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 25 juillet 2017, par laquelle le président de l'université de Montpellier lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle ainsi que la décision du 27 juillet 2017 le mutant au service mutualisé de Richter en tant qu'opérateur logistique. Il a également demandé l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis résultant d'agissements de harcèlement moral.

Par un jugement n° 1706019 du 8 nove

mbre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 25 juillet 2017, par laquelle le président de l'université de Montpellier lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle ainsi que la décision du 27 juillet 2017 le mutant au service mutualisé de Richter en tant qu'opérateur logistique. Il a également demandé l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis résultant d'agissements de harcèlement moral.

Par un jugement n° 1706019 du 8 novembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 janvier et 22 juillet 2020, M. B..., représenté par Me Rosé, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1706019 du 8 novembre 2019 ;

2°) de reconnaître la responsabilité fautive de l'université de Montpellier en raison des faits de harcèlement moral dont il a été victime ;

3°) de condamner l'université de Montpellier à lui verser la somme de 100 000 euros au titre de son préjudice moral ainsi que le montant des primes de fin d'année pour les années 2016 et 2017 au titre de son préjudice matériel ;

4°) d'annuler la décision du 25 juillet 2017, par laquelle le président de l'université de Montpellier a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

5°) d'annuler la décision du 27 juillet 2017, par laquelle le président de l'université de Montpellier l'a muté au service mutualisé de Richter en tant qu'opérateur logistique ;

6°) de mettre à la charge de l'université de Montpellier la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier, les premiers juges s'étant abstenus de faire usage de leurs pouvoirs inquisitoires et de demander à l'université la production de son entier dossier administratif ;

- il a été victime de faits constitutifs de harcèlement moral depuis 2008 et, notamment de la part de son supérieur hiérarchique, M. A... ;

- son comportement ne saurait justifier les incidents et la situation de harcèlement moral qu'il a endurés ;

- les dénonciations calomnieuses rapportées par l'université à son sujet ne sont pas mises en perspective avec les attestations des deux anciens directeurs de la direction hygiène et sécurité ;

- il a justifié la baisse des tâches et des responsabilités qui lui sont confiées ;

- alors que le jugement relève que sa mutation implique pour lui une baisse d'échelon et la perte d'affectations nécessitant des compétences techniques dont il était doté, le tribunal n'en a pas tiré la conséquence en ne retenant pas le caractère de sanction déguisée que revêtait cette mutation ;

- le refus de mise sous protection fonctionnelle atteste de la négligence de l'université de Montpellier à son encontre ;

- endurant un harcèlement moral depuis 2008 et en raison de sa vulnérabilité particulière en tant que travailleur handicapé, l'indemnisation de son préjudice moral doit être fixée à hauteur de 100 000 euros ;

- il a également subi un préjudice financier puisqu'il a perdu les primes de fin d'année, ainsi que la réduction d'ancienneté.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 juillet 2020 et 22 septembre 2021, l'université de Montpellier, conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 6 octobre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 20 octobre 2021.

Les parties ont été informées, par courrier du 20 septembre 2022, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre la décision de mutation de M. B... laquelle constitue une mesure d'ordre intérieur et ne lui fait donc pas grief (CE 25 septembre 2015, Mme D..., n° 372624).

Des observations en réponse au moyen d'ordre public ont été produites pour M. B... et communiquées le 29 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Rosé, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., agent de catégorie C, agent technique de recherche et de formation, a été affecté en 2007 sur le poste d'" opérateur hygiène et sécurité " au sein de la direction hygiène et sécurité de l'université de Montpellier. Par un courrier reçu par l'université de Montpellier le 10 juillet 2017, M. B... a sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle en raison d'agissements constitutifs de harcèlement moral dont il estimait avoir été victime. Par décision du 25 juillet 2017, le président de l'université de Montpellier a rejeté sa demande. Par décision du 27 juillet 2017, cette même autorité l'a muté au sein du service mutualisé de Richter en tant qu'opérateur logistique. Par courrier du 7 septembre 2017, M. B... a formé un recours gracieux contre le refus de protection fonctionnelle et a demandé l'indemnisation de son préjudice moral. Par courrier du 13 octobre 2017, le président de l'université a rejeté son recours. M. B... a alors saisi le tribunal administratif de Montpellier d'une demande tendant à la reconnaissance de la responsabilité fautive de l'université de Montpellier en raison des faits de harcèlement moral dont il allègue être victime, tendant à l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis et tendant à l'annulation de la décision du 25 juillet 2017, par laquelle le président de l'université a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ainsi que de la décision du 27 juillet 2017, par laquelle il a été muté. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté cette demande. M. B... fait régulièrement appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 611-10 du code de justice administrative : " (...) le rapporteur (...) peut demander aux parties, pour être jointes à la procédure contradictoire, toutes pièces ou tous documents utiles à la solution du litige (...) ". Si le tribunal peut demander aux parties toutes pièces ou tous documents utiles à la solution du litige, une telle demande constitue une simple faculté pour le juge. En l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction que le tribunal n'aurait pas été suffisamment éclairé par les éléments et pièces versés au dossier par les parties à l'instance et qu'en conséquence, il aurait dû exercer son pouvoir d'instruction pour compléter le dossier avant de statuer sur le litige, comme le soutient le requérant. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

S'agissant de la responsabilité de l'université de Montpellier :

3. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au litige : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. ".

4. D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. D'autre part, que, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.

6. M. B... alors affecté au sein de la direction hygiène et sécurité, soutient avoir été victime de harcèlement moral de la part essentiellement de son supérieur direct, responsable du pôle environnement M. A... mais aussi d'autres agents de la même direction. Pour faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, l'intéressé produit les attestations émanant de deux précédents directeurs, faisant état pour l'un, en fonction de 2008 à 2011, de ce qu'il avait constaté que M. B... " a[vait] été victime comme d'autres personnes avant lui de ce qui [lui] paraît être assimilable à du harcèlement obsessionnel de la part de son responsable direct, Monsieur A... " et pour le second, en poste de 2011 à 2016, faisant état de " l'acharnement de l'encadrement direct de Monsieur B... " et de sa tentative sans succès de " déplacer M. B... dans un service où il n'aurait pas à subir la vindicte de M. A... ". Par ailleurs, il résulte de l'instruction que M. B... a subi une agression verbale de la part M. A..., le 29 avril 2015, qui l'a injurié en lui disant : " Je vais te niquer, je vais t'enculer, je vais te couper la tête et te mettre dans la benne ". En outre, trois collègues qui ont travaillé aux côtés de l'intéressé attestent également du comportement hostile mis en place par M. A... et de la souffrance au travail endurée par M. B.... Celui-ci fait aussi état de brimades comme en juin 2016, où il a retrouvé le cadenas de son vestiaire rempli de colle et inutilisable.

7. Ensuite, il est établi que l'intéressé a subi une dégradation de son état de santé. En effet, il a été placé en congé maladie depuis septembre 2017 pour un état anxio-dépressif et son arrêt de travail a été prolongé pour une durée de six mois par le médecin agréé en raison de ce syndrome anxio-dépressif lié à des difficultés et conflits professionnels en cours. Par ailleurs, en avril 2015, puis à nouveau en mai 2017, le médecin de prévention a alerté le directeur des ressources humaines de l'université de Montpellier de l'existence d'un risque psycho-social important concernant M. B... au sein de la direction hygiène et sécurité et a préconisé un changement de poste de travail.

8. Les éléments cités aux points 6 à 7, pris dans leur ensemble, et produits par M. B... au soutien de ses allégations sont susceptibles de faire présumer l'existence du harcèlement moral allégué.

9. Pour démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement, l'université fait valoir que M. B... a manqué à ses obligations professionnelles et qu'il a lui-même contribué à son isolement au sein du service.

10. D'une part, s'agissant des manquements allégués de M. B... à ses obligations professionnelles, il lui est reproché en 2011, un refus à trois reprises d'exécuter une tâche et d'apposer sa signature sur des bordereaux de suivi des déchets, une absence en 2011 et une en 2014, des retards de cinq à dix minutes en 2012, un refus d'assister à une réunion en 2017, ou encore la subtilisation, en 2016, de six batteries au service, sans accord de la hiérarchie, à l'issue d'une demande d'enlèvement de déchet émise par le laboratoire de géosciences. Tout d'abord, alors que ces faits sont rapportés par les collègues que M. B... accuse d'être complices du harcèlement moral dont il est victime, il résulte des mêmes attestations mentionnées au point 6 que le premier directeur atteste de ce qu' " A des multiples reprises, [il a ] dû intervenir pour le soutenir et parfois mettre un terme aux fausses allégations portées à son encontre. " et que le second directeur a fait état de ce que " Monsieur A... a toujours été particulièrement zélé pour dénoncer des comportements soit disant anormaux de Monsieur B... qui s'avéraient la plupart du temps non fondés ou sans preuve. Ces dénonciations étaient le plus souvent orales et rarement écrites ". De surcroit, à les supposer même établis, ces faits ne seraient de nature qu'à justifier une sanction disciplinaire. En outre, l'attitude de M. B..., à la considérer même anormale, ne pouvait justifier le comportement et les agissements de son chef de service à son égard qui, en raison de leur nature, leur intensité, leur durée et leur fréquence, sont à la fois inappropriés et disproportionnés.

11. D'autre part, s'il est fait grief au requérant notamment d'avoir tenu des propos agressifs en 2013, injustes et déplacés en 2015 et en 2016 à l'encontre d'une même collègue, ces seules circonstances datent au plus tôt de 2013 alors que les faits de harcèlement moral dont est victime M. B... remontent à 2008. Ces circonstances, aussi regrettables puissent-elles être, ne sauraient, dès lors, être regardées comme étant à l'origine du comportement imputable essentiellement à son supérieur direct et qualifié de harcèlement obsessionnel et d'acharnement par d'anciens directeurs.

12. Il en résulte que les comportements dont a été victime M. B... doivent être regardés comme des actes constitutifs de harcèlement moral. Il s'ensuit que les préjudices résultant de ces agissements doivent être intégralement réparés.

S'agissant des préjudices indemnisables :

13. Les éléments de faits avancés par M. B... ont été de nature à entraîner une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à sa santé. Il résulte de l'instruction que le requérant a souffert d'un état anxieux sévère, réactionnel à ses conditions de travail, et d'un syndrome dépressif, ayant nécessité plusieurs arrêts de maladie ainsi que la prescription d'anti dépresseur. Il a subi également une souffrance au travail constatée par le médecin de prévention en 2015 et en 2017, alors que par ailleurs, il est considéré comme personne vulnérable et s'est vu reconnaître la qualité de travailleur handicapé. Par conséquent, eu égard aux agissements dont il a été victime, M. B... est fondé à solliciter la réparation de son préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation en la portant à la somme de 10 000 euros. En revanche, il n'y a pas lieu de fixer une quelconque indemnisation pour le préjudice financier tenant à la perte de chance de percevoir les primes de fin d'année pour les années 2016 et 2017, laquelle n'est, en tout état de cause, pas établie.

14. Il résulte de tout ce qui précède, compte tenu de l'ensemble des échanges contradictoires entre les parties, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a considéré que la responsabilité de l'État ne pouvait être engagée en raison du harcèlement moral dont il a été victime dans l'exercice de ses fonctions.

15. Il résulte de l'instruction que les agissements constitutifs de harcèlement moral dont a été victime M. B... du fait des répercussions qu'ils ont eues dans sa vie personnelle et de leur retentissement psychologique, lui ont causé un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation en l'estimant à 10 000 euros, somme que l'université doit être condamnée à verser à M. B... en réparation de ce dommage.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

S'agissant de la décision du 25 juillet 2017 refusant la protection fonctionnelle :

16. Aux termes du I de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. ". Aux termes du IV de ce même article : " La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. ".

17. Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en œuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

18. Il résulte de ce qui a été dit au point 12, compte tenu de l'existence d'agissements constitutifs de harcèlement moral, que M. B... est fondé à soutenir que la protection fonctionnelle qu'il a sollicitée devait lui être accordée et que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 8 novembre 2019, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 juillet 2017 lui en refusant le bénéfice.

S'agissant de la décision du 27 juillet 2017 portant affectation de M. B... au site mutualisé de Richter à Montpellier en tant qu'opérateur logistique :

19. Une mesure revêt le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée lorsque, tout à la fois, il en résulte une dégradation de la situation professionnelle de l'agent concerné et que la nature des faits qui ont justifié la mesure et l'intention poursuivie par l'administration révèlent une volonté de sanctionner cet agent.

20. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre une telle mesure, à moins qu'elle ne traduise une discrimination, est irrecevable, alors même que la mesure de changement d'affectation aurait été prise pour des motifs tenant au comportement de l'agent public concerné.

21. M. B... a été affecté en qualité d'opérateur logistique au service mutualisé de Richter pour la rentrée 2017. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cette nouvelle affectation ne correspondrait pas au grade détenu par le requérant d'agent technique de recherche et de formation relevant de la catégorie C ni qu'elle aurait entrainé une perte de rémunération. Si les fonctions qui lui sont confiées n'emportent pas les mêmes responsabilités qu'avant sa mutation, elles correspondent à son statut. Les fonctions " d'accueil physique et téléphonique, courrier, gardiennage, appariteur " de ce poste ne sauraient caractériser une quelconque déqualification, notamment technique. Dès lors qu'elle n'entraine aucune dégradation de sa situation ni ne révèle la volonté de sanctionner M. B..., cette nouvelle affectation ne saurait revêtir le caractère d'une sanction déguisée, sans que n'ait d'incidence la circonstance que les horaires seraient difficilement compatibles avec ceux des transports en commun que l'intéressé emprunte.

22. Enfin, il ressort des pièces du dossier que la décision de changer d'affectation M. B..., laquelle est intervenue à la suite d'une demande de mutation de l'intéressé, si elle s'inscrit dans un contexte de harcèlement moral, peut être regardée comme ayant été prise dans son intérêt et dans l'intérêt du service, dans le souci de l'éloigner de la direction où il travaillait et dans le respect de la préconisation émanant du médecin de prévention en mai 2017.

23. Par suite, et alors même que cette mesure de changement d'affectation a été prise dans un contexte de harcèlement moral, elle présente le caractère d'une mesure d'ordre intérieur, qui ne fait pas grief et n'est donc pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Dès lors, les conclusions dirigées contre la décision changeant de service M. B... sont irrecevables et doivent être rejetées.

24. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 27 juillet 2017 portant changement d'affectation.

Sur les frais liés au litige :

25. Il y a lieu, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l'université une somme de 2 000 euros qui sera versée à M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 8 novembre 2019 est annulé.

Article 2 : L'université de Montpellier versera une somme de 10 000 euros à M. B... en réparation de son préjudice moral.

Article 3 : La décision du président de l'université de Montpellier en date du 25 juillet 2017 refusant la protection fonctionnelle est annulée.

Article 4 : L'université de Montpellier versera à M. B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus de la requête de M. B... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à l'université de Montpellier.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2022, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président de chambre,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 octobre 2022.

2

N° 20MA00053


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00053
Date de la décision : 31/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.

Procédure - Instruction - Preuve.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Isabelle RUIZ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : ROSÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-10-31;20ma00053 ?
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