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28/11/2022 | FRANCE | N°22MA00771

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 28 novembre 2022, 22MA00771


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Gignac-la-Nerthe a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 28 février 2019 fixant le prélèvement auquel elle est soumise en application de l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation à la somme de 155 229,37 euros, ensemble la décision du sous-préfet d'Istres du 26 mars 2019 rejetant sa demande d'exonération.

Par un jugement n° 1904090 du 6 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejet

sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 mars ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Gignac-la-Nerthe a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 28 février 2019 fixant le prélèvement auquel elle est soumise en application de l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation à la somme de 155 229,37 euros, ensemble la décision du sous-préfet d'Istres du 26 mars 2019 rejetant sa demande d'exonération.

Par un jugement n° 1904090 du 6 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 mars 2022, la commune de Gignac-la-Nerthe, représentée par la SCP d'avocats Borel et Del Prete, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 janvier 2022 ;

2°) à titre principal, d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) à titre subsidiaire, de réévaluer le montant du prélèvement fixé par l'arrêté attaqué ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a écarté, sur le fondement de l'article R. 771-3 du code de justice administrative, comme irrecevable le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen car il n'avait pas été présenté par un mémoire distinct alors que le prélèvement résulte d'une décision administrative ;

- c'est également à tort que le tribunal a écarté, comme inopérant, le moyen tiré du caractère disproportionné du prélèvement prévu par l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation, ce prélèvement constituant une sanction.

Par un mémoire distinct, enregistré le 9 juin 2022, la commune de Gignac-La-Nerthe demande à la Cour, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 28 février 2019, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 302-5 et L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation.

Elle soutient que :

- les dispositions de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, qui sont applicables au litige, méconnaissent l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le principe de libre administration des collectivités territoriales garanti par l'article 72 de la Constitution et l'article 34 de la Constitution, le législateur n'ayant pas exercé la plénitude de sa compétence ;

- les dispositions de l'article L. 302-7 du même code, qui sont applicables au litige, méconnaissent le principe de proportionnalité des sanctions protégé par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- si ces dispositions ont déjà été déclarées conformes à la Constitution par trois décisions 2000-436 DC du 7 décembre 2000, 2012-660 DC du 17 janvier 2013 et 2016-745 DC du 26 janvier 2017, avec la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté et la loi du 24 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (dite loi Elan) des modifications substantielles ont été apportées aux dispositions législatives en cause, qui caractérisent un changement de circonstances de droit.

Par un mémoire, enregistré le 13 juillet 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires fait valoir que les conditions posées par l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment les articles 34 et 72 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 ;

- la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 ;

- la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 ;

- loi n° 2015-991 du 7 août 2015 ;

- la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 ;

- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;

- la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 ;

- la décision du Conseil Constitutionnel n° 2000-436 DC du 7 décembre 2000 ;

- la décision du Conseil Constitutionnel n° 2012-660 DC du 17 janvier 2013 ;

- la décision du Conseil Constitutionnel n° 2016-745 DC du 26 janvier 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Gougot, rapporteure,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Del Prete et de Me Baillargeon, représentant la commune de Gignac-La-Nerthe, de M. B..., maire de la commune de Gignac-La-Nerthe et de M. A..., directeur général des services de la commune de Gignac-La-Nerthe.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 28 février 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône a fixé au titre de l'année 2019 le montant du prélèvement annuel auquel est soumise la commune de Gignac-La-Nerthe sur le fondement de l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation à la somme de 152 229,37 euros. Par un jugement n° 1904090 du 6 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de la commune de Gignac-La-Nerthe tendant à l'annulation de cet arrêté et à la décharge de la somme correspondante. C'est le jugement dont la commune de Gignac-La-Nerthe relève appel.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel, que la Cour, saisie d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil Constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

3. La commune de Gignac-La-Nerthe soutient que les articles L. 302-5 et L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation portent une atteinte manifestement disproportionnée aux articles 34 et 72 de la Constitution ainsi qu'aux articles 6 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.

4. Aux termes de l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 : " ... La loi détermine les principes fondamentaux : [... ;] - de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources... ". Et en vertu de l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales s'administrent librement, dans les conditions prévues par la loi. Par ailleurs, l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose que : " La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. ". Enfin selon l'article 8 de la même Déclaration : " La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. ".

5. L'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée dispose que : " I. - Les dispositions de la présente section s'appliquent aux communes dont la population est au moins égale à 1 500 habitants dans l'unité urbaine de Paris et 3 500 habitants sur le reste du territoire qui sont comprises, au sens du recensement de la population, dans une agglomération ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants, et dans lesquelles le nombre total de logements locatifs sociaux représente, au 1er janvier de l'année précédente, moins de 25 % des résidences principales. / II. - Le taux mentionné au I est fixé à 20 % pour toutes les communes mentionnées au même I appartenant à une agglomération ou à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, pour lesquels le parc de logements existant ne justifie pas un effort de production supplémentaire pour répondre à la demande et aux capacités à se loger des personnes à revenus modestes et des personnes défavorisées. Un décret fixe, au moins au début de chacune des périodes triennales mentionnées au I de l'article L. 302-8, la liste des agglomérations ou des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre concernés, déterminée en fonction du nombre de demandes de logements sociaux par rapport au nombre d'emménagements annuels, hors mutations internes, dans le parc locatif social des agglomérations et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre mentionnés au I du présent article. / Par dérogation, le taux de 25 % mentionné au I s'applique aux communes mentionnées à la première phrase du premier alinéa du présent II, dès lors qu'elles appartiennent également à une agglomération ou à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre parmi ceux mentionnés au même I, qui n'apparaît pas dans la liste annexée au décret mentionné au même premier alinéa du présent II. / Ce taux est également fixé à 20 % pour les communes de plus de 15 000 habitants dont le nombre d'habitants a crû dans des conditions et sur une durée fixées par décret et qui n'appartiennent pas à une agglomération ou à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants comportant une commune de plus de 15 000 habitants, lorsque leur parc de logements existant justifie un effort de production pour répondre à la demande des personnes mentionnées à l'article L. 411. Un décret fixe, au moins au début de chacune des périodes triennales mentionnées au I de l'article L. 302-8, la liste de ces communes en prenant en compte le nombre de demandes de logements sociaux par rapport au nombre d'emménagements annuels, hors mutations internes, dans le parc locatif social de la commune. / III. - Un décret fixe, au moins au début de chacune des périodes triennales mentionnées au I de l'article L. 302-8, la liste des communes appartenant aux agglomérations ou aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre mentionnés au I du présent article, pour lesquelles la présente section n'est pas applicable. / La liste de ces communes est arrêtée sur proposition des établissements publics de coopération intercommunale auxquels elles appartiennent, après avis du représentant de l'Etat dans la région et de la commission nationale mentionnée aux II et III de l'article L. 302-9-1-1. Cette liste ne peut porter que sur des communes situées hors d'une agglomération de plus de 30 000 habitants et insuffisamment reliées aux bassins d'activités et d'emplois par le réseau de transports en commun, dans des conditions définies par le décret mentionné au premier alinéa du II du présent article, ou situées dans une agglomération de plus de 30 000 habitants dans laquelle le nombre de demandes de logements sociaux par rapport au nombre d'emménagements annuels, hors mutations internes dans le parc locatif social, se situe en-deçà d'un seuil fixé par ce même décret, ou sur des communes dont plus de la moitié du territoire urbanisé est soumis à une inconstructibilité résultant d'une zone A, B ou C d'un plan d'exposition au bruit approuvé en application de l'article L. 112-6 du code de l'urbanisme ou d'une servitude de protection instituée en application des articles L. 515-8 à L. 515-11 du code de l'environnement, ou à une inconstructibilité de bâtiment à usage d'habitation résultant de l'application du règlement d'un plan de prévention des risques technologiques ou d'un plan de prévention des risques naturels définis, respectivement, aux articles L. 515-15 et L. 562-1 du même code, ou d'un plan de prévention des risques miniers défini à l'article L. 174-5 du code minier./ IV. - Les logements locatifs sociaux retenus pour l'application du présent article sont :/ 1° Les logements locatifs appartenant aux organismes d'habitation à loyer modéré, à l'exception, en métropole, de ceux construits, ou acquis et améliorés à compter du 5 janvier 1977 et ne faisant pas l'objet d'une convention définie à l'article L. 351-2 ; / 2° Les autres logements conventionnés dans les conditions définies à l'article L. 351-2 et dont l'accès est soumis à des conditions de ressources ; / [...] 4° Les logements ou les lits des logements-foyers de personnes âgées, de personnes handicapées, de jeunes travailleurs, de travailleurs migrants et des logements-foyers dénommés résidences sociales, conventionnés dans les conditions définies au 5° de l'article L. 351-2 ainsi que les places des centres d'hébergement et de réinsertion sociale et des centres d'accueil pour demandeurs d'asile mentionnés, respectivement, aux articles L. 345-1 et L. 348-1 du code de l'action sociale et des familles. Les lits des logements-foyers et les places des centres d'hébergement et de réinsertion sociale et des centres d'accueil pour demandeurs d'asile sont pris en compte dans des conditions fixées par décret. Dans les foyers d'hébergement et les foyers de vie destinés aux personnes handicapées mentales, les chambres occupées par ces personnes sont comptabilisées comme autant de logements locatifs sociaux dès lors qu'elles disposent d'un élément de vie indépendante défini par décret ; / 5° Les terrains locatifs familiaux en état de service, dans des conditions fixées par décret, destinés à l'installation prolongée de résidences mobiles dont la réalisation est prévue au schéma départemental d'accueil des gens du voyage et qui sont aménagés et implantés dans les conditions prévues à l'article L. 444-1 du code de l'urbanisme ;/ 6° Les logements du parc privé faisant l'objet d'un dispositif d'intermédiation locative qui sont loués à un organisme agréé en application de l'article L. 365-4 du présent code pour exercer des activités d'intermédiation locative et de gestion locative sociale en vue de leur sous-location, meublée ou non, à des personnes mentionnées au II de l'article L. 301-1, sous réserve que le loyer pratiqué au mètre carré par l'association soit inférieur ou égal à un montant défini par arrêté du ministre chargé du logement. / Sont décomptés, pendant une période de cinq ans à l'expiration de la convention visée à l'article L. 351-2, les logements dont la convention est venue à échéance. / Sont décomptés, pendant une période de dix ans à compter de leur vente, les logements qui sont vendus à leurs locataires en application de l'article L. 443-7. / Sont considérés comme logements locatifs sociaux au sens du présent IV ceux financés par l'Etat ou les collectivités locales occupés à titre gratuit, à l'exception des logements de fonction, ou donnés à leur occupant ou acquis par d'anciens supplétifs de l'armée française en Algérie ou assimilés, grâce à une subvention accordée par l'Etat au titre des lois d'indemnisation les concernant. / Les résidences principales retenues pour l'application du présent article sont celles qui figurent au rôle établi pour la perception de la taxe d'habitation. / Sont assimilés aux logements sociaux mentionnés au présent article, à compter de la signature du contrat de location-accession intervenue après la publication de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique et pendant les cinq années suivant la levée d'option, les logements occupés par des titulaires de contrats de location-accession conclus dans les conditions prévues par la loi n° 84-595 du 12 juillet 1984 définissant la location-accession à la propriété immobilière qui font l'objet, dans des conditions fixées par décret, d'une convention et d'une décision d'agrément prise par le représentant de l'Etat dans le département. / A compter du 1er janvier 2019, sont assimilés aux logements sociaux mentionnés au présent article les logements faisant l'objet d'un bail réel solidaire défini à l'article L. 255-1. / V. - Une commune nouvelle issue d'une fusion de communes et intégrant au moins une commune préexistante qui aurait été soumise à la présente section en l'absence de fusion est soumise à la présente section et reprend à ce titre les obligations qui auraient été imputées à ladite commune préexistante en application des I et III de l'article L. 302-8, sur le périmètre de cette dernière, dans l'attente de la réalisation de l'inventaire mentionné au premier alinéa de l'article L. 302-6 sur l'ensemble du périmètre de la commune nouvelle. Dans ce cas, il est fait application de la dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 302-7. ".

6. Et selon l'article L. 302-7 du même code alors en vigueur : " Il est effectué chaque année un prélèvement sur les ressources fiscales des communes visées à l'article L. 302-5, à l'exception de celles qui bénéficient de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale prévue par l'article L. 2334-15 du code général des collectivités territoriales lorsque le nombre des logements sociaux y excède 20 % des résidences principales pour les communes mentionnées au I du même article L. 302-5, ou 15 % pour les communes mentionnées aux premier et dernier alinéas du II dudit article L. 302-5. A compter du 1er janvier 2015, toute commune soumise pour la première fois à l'application des I ou II de l'article L. 302-5 est exonérée de ce prélèvement pendant les trois premières années./ Ce prélèvement est fixé à 25 % du potentiel fiscal par habitant défini à l'article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales multipliés par la différence entre 25 % ou 20 % des résidences principales, selon que les communes relèvent des I ou II de l'article L. 302-5, et le nombre de logements sociaux existant dans la commune l'année précédente, comme il est dit à l'article L. 302-5, sans pouvoir excéder 5 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune constatées dans le compte administratif afférent au pénultième exercice. / Le prélèvement n'est pas effectué s'il est inférieur à la somme de 4 000 €. / Le prélèvement est diminué du montant des dépenses exposées par la commune, et le cas échéant, uniquement pour l'année 2012, de celles exposées sur le territoire de cette commune par l'établissement public de coopération intercommunale auquel elle appartient, pendant le pénultième exercice, au titre des subventions foncières mentionnées à l'article L. 2254-1 du code général des collectivités territoriales, des travaux de viabilisation, de dépollution, de démolition, de désamiantage ou de fouilles archéologiques des terrains ou des biens immobiliers mis ensuite à disposition pour la réalisation de logements sociaux ou de terrains familiaux décomptés en application du 5° du IV de l'article L. 302-5 du présent code, des dépenses engagées pour financer des dispositifs d'intermédiation locative dans le parc privé permettant de loger des personnes mentionnées au II de l'article L. 301-1 soit dans des logements loués à des organismes bénéficiant de l'agrément mentionné à l'article L. 365-4 en vue de leur sous-location à ces personnes, dans les conditions prévues au 6° du IV de l'article L. 302-5 ou à l'article L. 321-10, soit dans des logements conventionnés en application des articles L. 321-4 ou L. 321-8 dont la gestion a été confiée par mandat par le propriétaire à un de ces organismes ou pour favoriser la signature de conventions mentionnées aux mêmes articles L. 321-4 ou L. 321-8 si elles sont destinées au logement de personnes mentionnées au II de l'article L. 301-1 dans la limite d'un plafond fixé, selon la localisation de la commune et sans pouvoir être supérieur à 10 000 € par logement et par an, par décret en Conseil d'Etat, des moins-values correspondant à la différence entre le prix de cession de terrains ou de biens immobiliers donnant lieu à la réalisation effective de logements sociaux et leur valeur vénale estimée par le service des domaines et de la création d'emplacements d'aire permanente d'accueil des gens du voyage, aménagée en application de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage. Dans le cas de mise à disposition par bail emphytéotique, bail à construction ou bail à réhabilitation de terrains ou d'immeubles à un maître d'ouvrage pour la réalisation de logements locatifs sociaux, le montant éventuellement pris en compte est égal à la différence entre les montants capitalisés du loyer pratiqué pour le terrain ou l'immeuble donné à bail et ceux du loyer estimé par le service des domaines. / Si le montant de ces dépenses et moins-values de cession est supérieur au prélèvement d'une année, le surplus peut être déduit du prélèvement des deux années suivantes. Dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, ces dépenses sont déductibles les années suivantes au prorata du nombre de logements locatifs sociaux qu'elles permettent de réaliser au regard des obligations triennales définies à l'article L. 302-8. Un décret en Conseil d'Etat précise la nature des dépenses déductibles et les modalités de déclarations de ces dépenses par les communes. / Le produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties, de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, de la taxe d'habitation et de la cotisation foncière des entreprises inscrit à la section de fonctionnement du budget des communes soumises au prélèvement institué au présent article est diminué du montant de ce prélèvement. Celui-ci est imputé sur les attributions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 2332-2 du code général des collectivités territoriales. / Lorsque la commune appartient à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ayant conclu une convention mentionnée au II de l'article L. 301-5-1 du présent code, au VI de l'article L. 5219-1, au II de l'article L. 5218-2 ou au II de l'article L. 5217-2 du code général des collectivités territoriales, [...] la somme correspondante est versée respectivement à l'établissement public de coopération intercommunale ou à la métropole de Lyon ; en sont déduites les dépenses définies au quatrième alinéa et effectivement exposées par la commune pour la réalisation de logements sociaux. Elle est utilisée pour financer des acquisitions foncières et immobilières en vue de la réalisation de logements locatifs sociaux. / A défaut, et hors Ile-de-France, elle est versée à l'établissement public foncier créé en application de l'article L. 324-1 du code de l'urbanisme [...] / A défaut, en métropole, elle est versée au fonds national mentionné à l'article L. 435-1. [...] / Les établissements publics fonciers, [...] les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre mentionnés aux alinéas précédents transmettent chaque année à l'autorité administrative compétente de l'Etat un rapport sur l'utilisation des sommes qui leur ont été reversées ainsi que sur les perspectives d'utilisation des sommes non utilisées. ".

7. Par ses décisions n° 2000-436 DC du 7 décembre 2000, 2012-660 DC du 17 janvier 2013 et 2016-745 DC du 26 janvier 2017, le Conseil Constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution et notamment aux articles 34 et 72 de la Constitution ainsi qu'à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, les articles L. 302-5 et L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation, issus de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain dite " loi SRU " et modifiés par la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production du logement social ainsi que par la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté.

8. La commune requérante soutient toutefois que depuis ces décisions du Conseil Constitutionnel, ces dispositions auraient été substantiellement modifiées par la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté et la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique dite " loi Elan ". Et elle estime que ce changement des circonstances de droit justifierait de nouveau un examen des articles L. 302-5 et L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation par le juge constitutionnel.

9. La condition prévue au 2° de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel en réservant le cas du " changement des circonstances ", conduit à ce qu'une disposition législative déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil Constitutionnel soit de nouveau soumise à son examen lorsqu'un tel réexamen est justifié par les changements intervenus, depuis la précédente décision, dans les normes de constitutionnalité applicables ou dans les circonstances, de droit ou de fait, qui affectent la portée de la disposition législative critiquée.

En ce qui concerne les changements des circonstances de droit :

10. En premier lieu, ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat par un arrêt n° 418637 du 20 décembre 2018 Commune de Chessy, la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République dite " loi Notre ", qui n'a eu ni pour objet ni pour effet de modifier le champ d'application des dispositions litigieuses, ni de modifier les compétences des communes concernant la réalisation de logements sociaux, ne constitue pas, eu égard à sa portée, une circonstance nouvelle de nature à justifier que la conformité de ces dispositions à la Constitution soit à nouveau examinée par le Conseil Constitutionnel. Et contrairement à ce que soutient la commune, la compétence des intercommunalités en matière de politique de l'habitat, du logement et du cadre de vie ne résulte pas d'une modification apportée par la loi dite " loi Notre " mais procède de dispositions législatives antérieures. Et si la commune de Gignac-La-Nerthe soutient que la loi dite " loi Notre " a prévu la mise en place de schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI) à compter du 1er janvier 2017, ce qui aurait selon elle considérablement modifié l'organisation territoriale en diminuant fortement le nombre d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), ce qui aurait eu pour effet de soumettre un plus grand nombre de petites communes au prélèvement L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, il ressort au contraire du rapport de la Cour des Comptes qu'elle produit (page 27) que le nombre de communes " soumises SRU " entre 2011 et 2019 n'a pas sensiblement évolué.

11. Depuis l'arrêt du Conseil d'Etat, les lois des 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté et du 23 novembre 2018 portant évolution du logement et de l'aménagement du territoire dite " loi Elan " ont en effet modifié le champ d'application des dispositions en litige, au II de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation dans sa version applicable à l'arrêté litigieux pour les communes appartenant à une agglomération ou un EPCI à fiscalité propre, par une extension de la notion de logements locatifs sociaux aux points IV 5° et 6°. Mais de telles modifications, eu égard à leur portée, ne caractérisent pas une circonstance de droit nouvelle de nature à justifier que la conformité de ces dispositions à la Constitution soit à nouveau examinée par le Conseil Constitutionnel.

12. Et l'ajout par les mêmes lois au V de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation des communes nouvelles issues de la fusion d'une commune intégrant une commune déjà soumise au dispositif de la loi SRU, qui est suffisamment clair et précis contrairement à ce que soutient la commune, et qui comporte une portée limitée, ne constitue pas davantage une circonstance de droit nouvelle de nature à justifier un nouvel examen du juge constitutionnel.

13. En second lieu, l'arrêt du Conseil d'Etat n° 418568 du 1er juillet 2019, Commune de Leucate et autres qui se borne à appliquer les dispositions relatives aux communes susceptibles d'être exemptées au regard du III de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, dans sa version issue de la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté, ne constitue pas non plus une circonstance de droit nouvelle de nature à justifier que la conformité de ces dispositions à la Constitution soit à nouveau examinée par le Conseil Constitutionnel.

14. Par ailleurs, en vertu de l'article L. 302-1 du code de la construction et de l'habitation dans sa version initiale, issue de la loi du 13 juillet 1991 d'orientation pour la ville, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sont compétents pour l'établissement du programme local de l'habitat. Et le transfert de compétences en matière de documents d'urbanisme est issu de la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové dite " loi Alur ". La commune de Gignac-La-Nerthe n'est, dans ces conditions, pas fondée à invoquer un changement de circonstances de droit en se prévalant du fait qu'elle ne serait plus compétente en matière de programme local de l'habitat et pour l'élaboration de son plan local d'urbanisme.

15. Enfin, la commune de Gignac-la-Nerthe ne peut utilement se prévaloir des changements de circonstances résultant de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation et la déconcentration et portant diverses mesures de simplification locales dite " loi 3Ds ", qui n'est pas applicable au litige soumis à la Cour.

En ce qui concerne les changements des circonstances de fait :

16. En se bornant à invoquer des considérations générales tirées du rapport de la Cour des Comptes de février 2021, du rapport d'information n° 439 du Sénat, de la présentation faite le 4 février 2020 des résultats de recherche de l'Institut des hautes études pour l'action dans le logement et du rapport de la commission nationale SRU, selon lesquelles le paysage institutionnel et le rôle des collectivités territoriales dans la politique du logement ont sensiblement évolué, l'objectif de mixité sociale ne serait plus défini précisément, le dispositif en cause s'applique de manière uniforme dans toutes les zones urbaines sans prise en compte suffisante des spécificités locales, les petites communes sont désormais soumises au prélèvement de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, et le mécanisme d'exemption des communes, tout en maintenant une marge de manœuvre en fonction de la situation locale, devrait s'appuyer sur des critères objectifs, transparents et incontestables, la commune de Gignac-La-Nerthe n'apporte pas d'élément qui puisse être regardé comme un changement de circonstances de fait de nature à justifier qu'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur ces dispositions soit transmise au Conseil Constitutionnel.

17. Aucun changement de circonstances de droit ou de fait qui, affectant la portée des dispositions législatives critiquées applicables au litige, en justifierait le réexamen par le Conseil Constitutionnel, n'est intervenu depuis que ces dispositions ont été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif des décisions rappelées au point 7. Par suite, les conditions auxquelles les dispositions de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel subordonnent le renvoi au Conseil Constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité ne sont pas satisfaites.

18. Au surplus, la commune requérante ne peut utilement soutenir que les dispositions de l'article L. 302-5 et L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation, qui n'instituent pas une sanction mais une charge obligatoire, comme l'a jugé le Conseil Constitutionnel dans sa décision 2000-436 du 7 décembre 2000, méconnaitraient l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 en vertu duquel la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée.

19. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

20. D'une part, l'arrêté attaqué découle nécessairement de l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation dont il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier la constitutionnalité en dehors de la procédure particulière de question prioritaire de constitutionnalité évoquée aux points précédents. Il y a lieu, par suite, d'écarter, comme étant en tout état de cause inopérant, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

21. D'autre part, la commune ne peut utilement se prévaloir du rapport de la Cour des Comptes et d'un rapport d'information n° 439 au Sénat du 10 mars 2021 qui évoquent l'existence d'une " sanction " en se référant au prélèvement de l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation alors qu'ainsi qu'il a été dit au point 18, les dispositions des articles L. 302-5 et L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation n'instituent pas une sanction mais une charge obligatoire pour la commune. Par suite, le moyen tiré du caractère disproportionné du prélèvement opéré pourra être écarté, comme inopérant. De même, ainsi qu'il a été dit au point 15, la commune de Gignac-la-Nerthe ne peut utilement se prévaloir des changements de circonstances résultant de la loi du 21 février 2022 dite " loi 3Ds ", qui n'est pas applicable à l'arrêté attaqué édicté le 28 février 2019.

22. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Gignac-La-Nerthe n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 28 février 2019 ainsi que de la décision du sous-préfet d'Istres du 26 mars 2019 rejetant sa demande d'exonération et à la décharge du montant du prélèvement fixé par cet arrêté.

Sur les frais liés au litige :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la commune de Gignac-La-Nerthe dirigées contre l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la commune de Gignac-La-Nerthe.

Article 2 : La requête de la commune de Gignac-La-Nerthe est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Gignac-La-Nerthe et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président de chambre,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 novembre 2022.

N° 22MA0077102


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA00771
Date de la décision : 28/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-10-05-02-03 Procédure.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Isabelle GOUGOT
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : SCP BOREL et DEL PRETE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-11-28;22ma00771 ?
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