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12/12/2022 | FRANCE | N°21MA03675

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 12 décembre 2022, 21MA03675


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 11 juin 2020, par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2008495 du 11 février 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistr

ée le 26 août 2021, M. D..., représenté par Me Mboto Yekoko Ngoy, demande à la Cour :

1°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 11 juin 2020, par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2008495 du 11 février 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 août 2021, M. D..., représenté par Me Mboto Yekoko Ngoy, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2008495 du 11 février 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 juin 2020 ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler et portant la mention vie privée et familiale, dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter de la notification de la décision à intervenir, et de lui délivrer dans l'attente, un récépissé l'autorisant à travailler ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et, de lui délivrer pendant ce délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous la même astreinte ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'en méconnaissance des droits de la défense, les premiers juges se sont abstenus de lui adresser une convocation à l'audience, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 5 du code de justice administrative, de l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des stipulations de l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 14 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, de l'article 14 du code de procédure civile, des articles 41 et 48.2° de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la décision a été prise par une autorité incompétente pour ce faire, faute de justification d'une délégation de signature régulièrement publiée ;

- la décision est insuffisamment motivée ;

- en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade et en ne tenant pas compte de sa pathologie, une apnée du sommeil sévère, le préfet des Bouches-du-Rhône a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celles de l'article D. 322-1 du code de la sécurité sociale ;

- le préfet a également méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il est inséré dans la société française et que l'ensemble de sa famille réside en France, un de ses frères disposant de la nationalité française.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 juillet 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de procédure civile ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant congolais né le 25 mars 1980 à Kinshasa, a sollicité un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 11 juin 2020 dont M. D... demande l'annulation, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. M. D... a alors saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 juin 2020. Par le jugement du 11 février 2021, le tribunal administratif a rejeté cette demande. M. D... fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 614-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 3°, 5° ou 6° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le tribunal administratif est saisi dans le délai de trente jours suivant la notification de la décision. / L'étranger peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle au plus tard lors de l'introduction de sa requête en annulation. / Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine. ". Aux termes de l'article R. 776-10 du code de justice administrative : " Les dispositions de la présente sous-section sont applicables aux recours formés, en application des articles L. 614-4 ou L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, contre les décisions d'obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement de l'article L. 251-1 ou des 3°, 5° ou 6° de l'article L. 611-1 du même code et les autres décisions mentionnées à l'article R. 776-1 du présent code, lorsque l'étranger n'est pas placé en rétention, ni assigné à résidence. ".

3. Aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. [...]. L'avertissement est donné sept jours au moins avant l'audience. Toutefois, en cas d'urgence, ce délai peut être réduit à deux jours par une décision expresse du président de la formation de jugement qui est mentionnée sur l'avis d'audience. [...] ". Aux termes de l'article R. 431-1 du même code, applicable devant la cour administrative d'appel en vertu de l'article R. 811-13 : " Lorsqu'une partie est représentée devant le tribunal administratif par un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2, les actes de procédure, à l'exception de la notification de la décision prévue aux articles R. 751-3 et suivants, ne sont accomplis qu'à l'égard de ce mandataire ". L'article R. 776-7 du code de justice administrative dispose que : " Les mesures prises pour l'instruction des affaires, l'avis d'audience et le jugement sont notifiés aux parties par tous moyens. ".

4. Le jugement attaqué mentionne que les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Alors que le requérant conteste en avoir été averti, il ressort des pièces du dossier de première instance que le conseil de M. D... a accusé réception du courrier du 16 novembre 2020 adressé par le greffe du tribunal administratif de Marseille l'informant, d'une part, de ce que la clôture d'instruction devait intervenir le 6 janvier 2021 et d'autre part, de ce que l'affaire était inscrite à l'audience publique du 28 janvier 2021. Ainsi, M. D... doit être regardé, par application des dispositions précitées au point 3, comme ayant été régulièrement averti du jour de l'audience du 28 janvier 2021. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué aurait été rendu à la suite d'une procédure irrégulière en méconnaissance des droits de la défense ni à en demander l'annulation.

Sur le bien-fondé du jugement de M. D... :

5. En premier lieu, M. C... B..., attaché principal, chef du bureau de l'éloignement, du contentieux et de l'asile, signataire de l'arrêté en litige, a reçu du préfet des Bouches-du-Rhône, par arrêté n° 13-2020-065 du 28 février 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, délégation à l'effet de signer, notamment, les décisions de refus de séjour et les décisions d'obligation de quitter le territoire français. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.

6. En deuxième lieu, l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en litige vise les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il fait application et comporte les considérations de fait qui en constituent le fondement. Il est donc suffisamment motivé.

7. En troisième lieu, aux termes du 11 ° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre. ". Aux termes de l'article D. 322-1 du code de la sécurité sociale : " La liste des affections comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse susceptibles d'ouvrir droit à la suppression de la participation des assurés sociaux aux tarifs servant de base au calcul des prestations en nature de l'assurance maladie, en application du 3° de l'article L. 322-3, est établie ainsi qu'il suit : [...] /- insuffisance respiratoire chronique grave ; / [...]. ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. D... souffre d'une apnée du sommeil très sévère. Le préfet des Bouches-du-Rhône a estimé, notamment au vu de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 13 février 2020, que si l'état de santé de M. D... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celui-ci pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié en République démocratique du Congo. Pour contredire cet avis, M. D... produit des ordonnances médicales récentes, des convocations à des consultations médicales et hospitalisations, les comptes-rendus de ces consultations et plusieurs certificats médicaux qui font état de sa pathologie. Si ces certificats mentionnent la nécessité d'un suivi médical et d'un traitement approprié, aucun d'entre eux ne conclut à l'impossibilité pour l'intéressé de bénéficier effectivement de soins en République démocratique du Congo alors que ce dernier s'est vu mettre à disposition un matériel adapté à sa pathologie. Aucun élément produit ne permet de conclure que M. D... ne pourrait bénéficier d'une prise en charge, notamment à Kinshasa, où il n'établit pas être dans l'impossibilité de se rendre. Dans ces conditions, M. D... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet des Bouches-du-Rhône aurait méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : [...] 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; ". Pour l'application des stipulations et dispositions précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

10. Le moyen tiré de la méconnaissance par le préfet des Bouches-du-Rhône de ces stipulations et dispositions doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

11. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 11 janvier 2020 n'appelle aucune mesure d'exécution au sens des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Dès lors, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. La demande présentée par M. D..., partie perdante à l'instance, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peut qu'être rejetée.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Mboto Yekoko Ngoy.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2022, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président de chambre,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 décembre 2022.

2

No 21MA03675


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA03675
Date de la décision : 12/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02-01 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Autorisation de séjour. - Demande de titre de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Isabelle RUIZ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : MBOTO Y'EKOKO NGOY JEAN-PIERRE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-12-12;21ma03675 ?
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