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30/01/2023 | FRANCE | N°20MA03858

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 30 janvier 2023, 20MA03858


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Palasca a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner solidairement les sociétés Petras BTP et Cabinet Medori et associés à lui verser la somme de 172 028,65 euros et de condamner la société Allianz Iard à relever et garantir la société Petras BTP de la condamnation qui serait prononcée à son encontre.

Par un jugement n° 1701268 du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Bastia a condamné solidairement les sociétés Petras BTP et Cabinet Medori et associés à ve

rser à la commune de Palasca la somme de 149 982,82 euros, a condamné la société Cabin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Palasca a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner solidairement les sociétés Petras BTP et Cabinet Medori et associés à lui verser la somme de 172 028,65 euros et de condamner la société Allianz Iard à relever et garantir la société Petras BTP de la condamnation qui serait prononcée à son encontre.

Par un jugement n° 1701268 du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Bastia a condamné solidairement les sociétés Petras BTP et Cabinet Medori et associés à verser à la commune de Palasca la somme de 149 982,82 euros, a condamné la société Cabinet Medori et associés à verser à la commune de Palasca la somme de 21 369,34 euros et a rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 14 octobre 2020, le 5 juillet 2021 et le 27 octobre 2021, la société Petras BTP, représentée par Me Juhan, demande à la Cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du 25 juin 2020 ;

2°) à titre principal, de rejeter la demande de la commune de Palasca ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner la société Cabinet Medori et associés ainsi que son assureur Allianz Iard à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Palasca et de la société Cabinet Medori et associés la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement, qui omet de répondre au moyen en défense soulevé quant à l'irrégularité de l'expertise et quant à l'incompétence de l'expert pour se prononcer sur les questions de droit, qui vaut reconnaissance implicite de responsabilité, est irrégulier ;

- il est irrégulier dès lors que les premiers juges ont également omis de se prononcer d'office sur la responsabilité de la commune et sa contribution à la réalisation du dommage ;

- en estimant que l'article L. 243-1-1 du code des assurances qui exclut expressément la construction d'ouvrages du champ d'application de la garantie décennale ne fait pas obstacle à l'application de cette garantie fondée sur les principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil, les premiers juges ont commis une erreur de droit ;

- l'ouvrage routier réalisé en béton au lieu de l'enrobé à la demande de la commune de surcroît ne peut relever de la garantie décennale ;

- le désordre allégué qui était apparent a été constaté postérieurement à l'expiration de la garantie contractuelle ;

- alors que la commune a décidé du choix du béton au lieu de l'enrobé et qu'elle n'a pas entretenu normalement l'ouvrage pendant plusieurs années entre 2011 et 2017, date de l'expertise, le juge du plein contentieux aurait dû laisser à la charge de la commune 90 % du préjudice allégué ;

- en outre, le désordre étant apparent, il relevait de la garantie de parfait achèvement, laquelle avait expiré en 2014, soit deux ans après la réception des travaux ;

- s'agissant de composition du béton, elle ne pouvait que suivre la formulation fournie et inscrite dans le cahier des clauses techniques particulières, dont le choix incombe au maître d'ouvrage et au maître d'œuvre ;

- en ce qui concerne les fissurations, il s'agit d'un désordre apparent qui ne rend pas la voie impropre à sa destination ;

- concernant le défaut de réalisation des caniveaux et de pose des grilles, la responsabilité de l'absence de caniveaux incombe exclusivement au maître d'ouvrage et éventuellement au maître d'œuvre pour défaut de conseil, cette prestation n'étant d'ailleurs pas prévue au marché ;

- enfin, pour ce qui est de l'absence des grilles et de garde-corps, ce désordre en tout état de cause était apparent alors qu'au demeurant, les photographies fournies par l'expert montrent un défaut d'entretien de la part de la commune et que leur absence relève d'un choix de la commune.

Par un mémoire, enregistré le 6 août 2021, la société Allianz Iard, représentée par la SCP de Angelis - Semidei - Vuillquez - Habart - Melki - Bardon - de Angelis, conclut :

1°) à titre principal, à la confirmation du jugement du tribunal administratif de Bastia en tant qu'il s'est déclaré incompétent pour connaître des demandes dirigées à son encontre et a condamné la commune de Palasca à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) à titre subsidiaire, à l'annulation du jugement en tant qu'il a condamné la société Petras BTP à indemniser la commune de Palasca et à ce que la société Cabinet Medori et associés soit condamnée à les garantir des condamnations prononcées à leur encontre ;

3°) à ce que la commune ou tout succombant supporte les entiers dépens et, en conséquence, qu'il lui soit remboursée la somme de 866,22 euros ;

4°) à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Palasca la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la juridiction administrative est effectivement incompétente pour connaître des demandes formées contre elle, s'agissant de relations de droit privé relevant de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire. ;

- à titre principal, s'agissant d'ouvrages non soumis à assurance obligatoire, la garantie décennale ne peut être retenue du chef des dommages qui les affecteraient ;

- pour ce qui est de la rénovation de la chaussée, en l'absence d'essais sur la totalité de la voie, aucun élément technique et objectif ne permet de dire que toute la chaussée doit être rénovée ;

- pour ce qui est des caniveaux à grilles, leur défaut d'entretien imputable à la commune a contribué à la réalisation du dommage, l'expert ne pouvait retenir que les désordres qui affectaient les caniveaux à grilles n'étaient imputables qu'à un défaut d'exécution et à un défaut de suivi d'exécution ;

- pour ce qui est du muret au droit du parking et des fissures constatées, les premiers juges ont omis de relever les constatations effectuées par l'expert selon lesquelles le muret présente des impacts dus aux chocs des véhicules ;

- pour ce qui est des accotements et garde-corps, le jugement doit être confirmé en ce qu'il n'a pas retenu la responsabilité de la société Petras BTP pour ce désordre ;

- pour ce qui est des travaux de signalisation du parking, il ne s'agit pas d'un désordre mais d'une absence d'ouvrage visible à la réception qui ne pouvait être ignorée ni de la part du maître d'œuvre ni de la part du maître de l'ouvrage ;

- pour ce qui est de l'absence de caniveau en béton, aucune responsabilité de la société Petras BTP ne peut être retenue ;

- à titre subsidiaire, il n'y a pas de distinction à faire en l'espèce entre les travaux et la maîtrise d'œuvre, il y a lieu de réformer le jugement en ce qu'il a retenu un taux de TVA à 20 % pour les honoraires de maîtrise d'œuvre ;

- s'agissant des responsabilités, celle du maître d'œuvre doit être engagée au regard de l'ensemble des dommages observés mais aussi celle de la commune notamment pour défaut d'entretien de l'ouvrage ;

- enfin, les dépens dont elle s'est acquittée à hauteur de 866,22 euros toutes charges comprises devront lui être remboursés.

Par un mémoire, enregistré le 8 septembre 2021, la société Cabinet Medori et associés, représentée par Me Thibaudeau, conclut :

1°) à titre principal, à l'annulation du jugement en tant qu'il l'a condamnée à indemniser la commune de Palasca ;

2°) à titre subsidiaire, à la condamnation de la société Petras BTP à la garantir de toute responsabilité.

Elle fait valoir que :

- à titre principal, pour ce qui est du dosage du béton, en sa qualité d'homme de l'art, et au regard du rappel des normes dans le cadre de la passation des marchés, l'entreprise porte seule la responsabilité dans la réalisation de cet ouvrage ;

- pour ce qui est des fissurations, au regard de la nature des sols de type roche granitique, et de l'absence de constat d'affaissement par l'expert, tout semble indiquer qu'elles sont dues à la dilatation du béton et à un défaut de réalisation des joints, la responsabilité de l'entreprise doit être seule retenue ;

- pour ce qui est du défaut de réalisation des caniveaux et de pose des grilles, compte tenu de la nature rocheuse du sol, et compte tenu du surcoût inabordable qu'aurait engendré la réalisation de fossés bétonnés, la commune a décidé de conserver les fossés naturels et porte donc la responsabilité de l'absence de caniveaux en béton ;

- pour ce qui est de la réalisation de caniveaux grilles, alors que les premiers juges ont relevé à tort que ces désordres étaient notamment imputables à un défaut de suivi d'exécution, les opérations expertales ont montré que bon nombre d'ouvrages présentaient des traces d'un défaut d'entretien récurrent ;

- pour ce qui est de l'absence de garde-corps, la commune par souci d'économie n'a pas envisagé la réalisation de garde-corps et a manqué à son obligation de sécurité des usagers, dans ces conditions, il ne saurait être question de faire supporter au maître d'œuvre le manquement à cette obligation ;

- à titre subsidiaire, il y a lieu de condamner la société Petras BTP à la relever et la garantir de toute condamnation.

Un courrier du 26 octobre 2022, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Par ordonnance du 15 novembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Les parties ont été informées, par courrier du 6 janvier 2023, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur quatre moyens relevés d'office.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code civil ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Fillon-Hoarau, pour la société Allianz Iard.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Palasca a conclu un marché de maîtrise d'œuvre avec la société Cabinet Medori et associés en vue de la réalisation d'une piste de désenclavement du haut du village de la commune. Elle a ensuite confié, par acte d'engagement du 14 novembre 2009, à la société Petras BTP, assurée auprès de la compagnie Allianz Iard, le lot n° 0, composé de deux tranches, pour la réalisation de cette piste. Deux avenants ont été conclus en mai et juillet 2011. Les travaux ont été réceptionnés sans réserve le 15 novembre 2011. Par la suite, la commune a fait état de désordres affectant la voie de désenclavement, objet des travaux, dès le 13 août 2014 et a alors demandé au tribunal administratif de Bastia de prescrire une mesure d'expertise, laquelle a été ordonnée le 30 octobre 2015. L'expert désigné a remis son rapport le 17 juillet 2017. La commune de Palasca a alors saisi le tribunal administratif de Bastia d'une demande tendant à la condamnation des sociétés Petras BTP, Allianz Iard et Cabinet Medori et associés à réparer les préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait des désordres ayant affecté cette piste de désenclavement, à hauteur de la somme de 172 028,65 euros. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif a condamné, d'une part, solidairement les sociétés Petras BTP et Cabinet Medori et associés, et, d'autre part, la société Cabinet Medori et associés à verser à la commune de Palasca respectivement les sommes de 149 982,82 euros, au titre des désordres affectant le revêtement en béton et les caniveaux, et de 21 369,34 euros, au titre des désordres tenant à l'absence d'accotements. La société Petras BTP fait appel de ce jugement et la société Cabinet Medori et associés conclut également à l'annulation ou à la réformation de ce jugement, la société Allianz Iard demandant, pour sa part, à titre principal, qu'il soit confirmé en tant que les conclusions dirigées à son encontre ont été rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, l'appelante soutient que les premiers juges ont omis de se prononcer sur la régularité de l'expertise. D'une part, le moyen tiré de l'irrégularité de l'expertise n'a été soulevé que par la société Allianz Iard alors que les premiers juges ont rejeté ses conclusions comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître. Les premiers juges n'avaient donc pas à répondre à son argumentation au fond. D'autre part, si la société appelante se plaint de ce que les premiers juges n'auraient pas répondu à son " moyen de défense " tenant à ce que l'expert n'était pas compétent pour se prononcer sur les questions de droit, les premiers juges n'étaient pas tenus, alors qu'elle ne s'était pas prévalue de l'irrégularité de l'expertise, de répondre à un tel argument et ils ont, au demeurant, procédé à toutes les qualifications et apporté les réponses aux questions de droit posées par l'instance.

3. En second lieu, l'appelante se plaint de ce que le tribunal aurait dû d'office se prononcer sur la responsabilité de la commune et sa contribution à la réalisation du dommage. Il ressort des termes du jugement que les premiers juges ont, en tout état de cause, expressément répondu à l'argumentation de la société cabinet Medori et associés sur la faute de la commune, au point 18 du jugement, quant au défaut d'entretien par le maître d'ouvrage des caniveaux à grilles, et n'avaient pas à répondre à son argumentation sur l'absence de caniveaux en béton, faute d'avoir admis la réalité de ce préjudice. Pour le surplus, il ne peut être fait grief aux premiers juges de n'avoir pas répondu à une argumentation sur la faute imputable à la commune de Palasca dont ils n'étaient saisis par aucune des parties.

4. Il s'en suit que le moyen tiré du caractère irrégulier du jugement ne saurait être accueilli.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la condamnation solidaire des sociétés Petras BTP et Cabinet Medori et associés :

5. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans.

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 241-1 du code des assurances : " Toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit être couverte par une assurance. / A l'ouverture de tout chantier, elle doit justifier qu'elle a souscrit un contrat d'assurance la couvrant pour cette responsabilité. Tout candidat à l'obtention d'un marché public doit être en mesure de justifier qu'il a souscrit un contrat d'assurance le couvrant pour cette responsabilité (...) ". Aux termes de l'article L. 243-1-1 du même code : " I. Ne sont pas soumis aux obligations d'assurance édictées par les articles L. 241-1, L. 241-2, et L. 242-1 (...) les ouvrages d'infrastructures routières (...) ainsi que les éléments d'équipement de l'un ou l'autre de ces ouvrages. / Les voiries, les ouvrages piétonniers (...) sont également exclus des obligations d'assurance mentionnées au premier alinéa, sauf si l'ouvrage ou l'élément d'équipement est accessoire à un ouvrage soumis à ces obligations d'assurance (...) ".

7. Les dispositions de l'article L. 243-1-1 du code des assurances qui n'ont pour objet que de dispenser de l'obligation de souscrire une police d'assurance les constructeurs des ouvrages ainsi mentionnés ne sauraient avoir pour effet de les exclure du champ de la responsabilité décennale des constructeurs.

8. En second lieu, il résulte de l'instruction et en particulier du rapport de l'expert qu'ont été relevés une dégradation structurelle des bétons, un défaut de signalisation sur le parking ainsi que l'absence de réalisation de caniveaux en béton et d'accotements et la défectuosité des caniveaux à grilles.

S'agissant du revêtement de la voie en béton :

9. Il résulte de l'instruction et notamment des dires de l'expert que les dégradations observées et affectant le revêtement en béton proviennent d'un défaut de caractéristiques mécaniques minimales du béton, d'une mauvaise composition du béton réalisé sur chantier qui ne correspond pas aux normes et qui présente des défaillances dues principalement à la teneur en eau, à sa consistance ainsi qu'à l'absence d'un entraîneur d'air obligatoire. Alors que le cahier des clauses techniques particulières prévoyait, pour la réalisation de la piste, une variante en béton, la société Petras BTP ne saurait opposer la circonstance que l'ouvrage routier réalisé aurait été réalisé à la demande de la commune en béton au lieu de l'enrobé sans que cela ne soit prévu par les documents du marché. Elle ne saurait ainsi soutenir que la commune devrait emporter l'entière responsabilité des dommages affectant la voie en béton et qu'elle ne serait pas fondée à invoquer la garantie décennale. Elle ne saurait davantage faire valoir ni que les fissures étaient apparentes au moment de la réception de l'ouvrage alors que le premier signalement date du 13 août 2014 ni que de tels désordres ne rendraient pas la voie impropre à la destination alors que l'expert a relevé que ces malfaçons ont rendu la piste glissante et dangereuse pour ses usagers. Alors que l'expert a relevé de nombreuses insuffisances du béton qu'elle a réalisé sur chantier, elle ne saurait se prévaloir de ce qu'elle se serait contentée de suivre la formulation inscrite dans le cahier des clauses techniques particulières alors que ce dernier mentionne que, pour la réalisation de voie, l'entreprise devait se référer notamment au fascicule 28, relatif aux exécutions des chaussées en béton et traitant notamment des obligations de l'entrepreneur en matière de reconnaissance des supports, de fourniture des matériaux, de formulation et de modes d'exécution et qui renvoie également à la norme NF P98 170 sur les chaussées en béton de ciment et aux prescriptions à respecter en matière de résistance de durabilité des bétons pour voiries. Par ailleurs, alors qu'il lui appartenait d'y procéder, le maître d'œuvre n'a effectué aucun essai. Si ce dernier se prévaut de ce qu'il aurait exigé de l'entrepreneur qu'il réalise des joints et que sa responsabilité ne saurait être retenue, il ne résulte pas de l'instruction que les désordres constatés sur le revêtement de la voie en cause soient imputables à la réalisation de ces joints. Il n'y a pas davantage lieu de retenir une quelconque vétusté de la voie en cause dont l'appelante soutient sans que ce ne soit établi qu'elle aurait une durée de vie de dix années seulement.

10. Il s'ensuit que les désordres affectant le revêtement de la voie de désenclavement sont imputables à la société Petras BTP, titulaire des deux tranches du lot n° 0 relatif aux travaux de voiries et réseaux divers, et à la société Cabinet Medori et associés, maître d'œuvre, et qu'une faute du maître d'ouvrage ne saurait être retenue pour exonérer même partiellement leur responsabilité.

S'agissant des caniveaux :

11. Il résulte de l'instruction également que le terrassement côté amont nécessitait la création d'un caniveau en béton afin de recevoir les eaux de ruissellement. Si ces ouvrages étaient certes prévus par les documents du marché, ils n'ont pas été réalisés par la société Petras BTP sans que le maître d'œuvre ne le relève et sans que cette absence résulte d'une décision du maître d'ouvrage. En outre, l'expert a relevé la défectuosité des caniveaux à grilles ainsi que l'absence de fixation des grilles entre elles par un système de boulonnage permettant d'en assurer la stabilité autre que de simples " serres câbles " pour réseau électrique. Il ne résulte pas de l'instruction, contrairement à ce que soutient l'appelante, que les désordres affectant les grilles aient pour origine un défaut d'entretien.

12. L'ensemble des désordres affectant les caniveaux en béton et caniveaux à grilles sont, dès lors, imputables à la société Petras BTP et à la société Cabinet Medori et associés, sans là encore qu'une faute du maître d'ouvrage ne puisse être retenue pour exonérer même partiellement leur responsabilité.

13. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de leurs conclusions, que la société Petras BTP et la société Cabinet Medori et associés ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia les a condamnées solidairement à verser à la commune de Palasca la somme de 149 982,82 euros.

En ce qui concerne la condamnation de la société Cabinet Medori et associés :

14. En premier lieu, les conclusions de la société Petras BTP dirigées contre l'article 3 du jugement aux termes duquel la société Cabinet Medori et associés a été condamnée à verser à la commune de Palasca la somme de 21 369,34 euros sont irrecevables, dès lors qu'elle ne justifie d'aucun intérêt pour contester cet article qui ne prononce aucune condamnation à son encontre.

15. En second lieu, les conclusions de la société Cabinet Medori et associés dirigées contre cet article 3 du jugement attaqué sont également irrecevables dès lors qu'elles ont été présentées après l'expiration du délai d'appel et que sa situation ne se trouve pas aggravée par le présent arrêt.

Sur les appels en garantie :

16. En premier lieu, l'appel en garantie de la société Petras BTP contre la société Cabinet Medori et associés qui a été présenté, pour la première fois, en appel est, comme tel, irrecevable.

17. En deuxième lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif au points 3 et 24 du jugement attaqué, l'appel en garantie de la société Petras BTP contre la société Allianz Iard doit être rejeté comme porté devant une juridiction incompétente pour en connaître.

18. En troisième lieu, si la société Cabinet Medori et associés peut être regardée comme contestant le rejet par le jugement attaqué de son appel en garantie contre la société Petras BTP, elle n'assortit ces conclusions pas davantage en appel qu'en première instance de précisions permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé. Ses conclusions ne peuvent ainsi qu'être rejetées.

Sur les dépens :

19. La société Petras BTP et la société Cabinet Medori et associés, parties perdantes dans la présente instance, ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont mis à leur charge solidaire les frais et honoraires de l'expertise confiée à M. A..., taxés et liquidés à la somme de 2 598,67 euros par l'ordonnance du président du tribunal de Bastia en date du 8 août 2017.

20. En exécution de ce jugement, il n'appartient pas à la société Allianz Iard de supporter la charge d'une quelconque fraction des frais et honoraires de l'expertise.

Sur les frais liés au litige :

21. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de faire droit aux conclusions d'aucune des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Petras BTP est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Cabinet Medori et associés sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la société Allianz Iard présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Petras BTP, à la commune de Palasca, au Cabinet Medori et associés et à la société Allianz Iard.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2023, où siégeaient :

- Mme Laurence Helmlinger, présidente de la Cour,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 janvier 2023.

2

No 20MA03858


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA03858
Date de la décision : 30/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. - Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. - Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: Mme Isabelle RUIZ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : SCP DE ANGELIS et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-01-30;20ma03858 ?
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