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27/03/2023 | FRANCE | N°22MA01506

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 27 mars 2023, 22MA01506


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société BTSG2 a demandé au tribunal administratif de Nice, qui a transmis sa demande au tribunal administratif de Marseille, d'annuler ou de réformer l'avis du 19 décembre 2017 par lequel la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d'Azur a refusé de constater le caractère obligatoire d'une créance issue d'un protocole d'accord conclu le 1er février 2001 entre la commune de Nice et Me Cauzette-Rey, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de l'association le CACEL, ainsi que de condamne

r la commune de Nice à lui verser la somme de 1 898 656 euros.

Par un jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société BTSG2 a demandé au tribunal administratif de Nice, qui a transmis sa demande au tribunal administratif de Marseille, d'annuler ou de réformer l'avis du 19 décembre 2017 par lequel la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d'Azur a refusé de constater le caractère obligatoire d'une créance issue d'un protocole d'accord conclu le 1er février 2001 entre la commune de Nice et Me Cauzette-Rey, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de l'association le CACEL, ainsi que de condamner la commune de Nice à lui verser la somme de 1 898 656 euros.

Par un jugement n° 2200587 du 30 mars 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 mai et le 22 novembre 2022, la société BTSG2, représentée par Me Ciussi, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 mars 2022 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler ou de réformer l'avis du 19 décembre 2017 de la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d'Azur ;

3°) de condamner la commune de Nice à lui verser la somme de 1 898 656 euros ;

4°) d'enjoindre à la chambre régionale des comptes de mettre la commune de Nice en demeure d'inscrire cette somme à son budget en tant que dépense obligatoire, ou, à défaut, de demander au représentant de l'État d'inscrire cette dépense au budget ;

5°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer ;

6°) de mettre la somme de 5 000 euros à la charge de la commune de Nice en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la justice administrative est compétente pour connaître du litige ;

- la créance est certaine, liquide et non sérieusement contestée dans son principe et dans son montant.

Par des observations en défense, enregistrées le 7 juillet 2022, la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d'Azur conclut au rejet de la requête présentée par la société BTSG2.

Elle soutient que le moyen de fond soulevé par la société BTSG2 n'est pas fondé.

Par des observations en défense, enregistrées le 19 octobre 2022, la commune de Nice, représentée par Me Abrassart, demande à cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement du 30 mars 2022 du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il s'est déclaré compétent pour connaître des conclusions de la société BTSG2 tendant à ce que la justice administrative règle directement le litige l'opposant à la commune de Nice, et de rejeter ces conclusions comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

2°) à titre subsidiaire, de rejeter ces conclusions au fond ;

3°) de rejeter le surplus des conclusions de la société BTSG2 ;

4°) de mettre la somme de 8 000 euros à la charge de la société BTSG2 en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la justice administrative est incompétente pour connaître du litige résultant d'un contrat de droit privé homologué par le juge judiciaire ;

- les conclusions à fin d'injonction présentées à titre principal et les conclusions tendant à la réformation de l'avis contesté sont irrecevables ;

- la créance est prescrite ;

- le moyen de fond soulevé par la société BTSG2 n'est pas fondé.

La requête a été communiquée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me Desbrueres-Abrassart, représentant la commune de Nice.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Nice et Me Cauzette-Rey, alors mandataire liquidateur de l'association le CACEL, ont conclu un protocole d'accord le 1er décembre 1999 tirant les conséquences d'une action en comblement de passif engagée devant le juge judiciaire et fixant la somme définitivement due par la commune de Nice à 110 millions de francs. Le tribunal de grande instance de Nice a homologué cette transaction par un jugement du 13 février 2001. Faisant valoir que Me Cauzette-Rey avait versé à tort à la commune une somme de 1 898 656 euros correspondant aux intérêts de retard sur les sommes déjà versées par cette dernière avant la conclusion du protocole d'accord, la société BTSG2, devenue mandataire liquidatrice de l'association le CACEL en 2016, a saisi la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d'Azur d'une demande tendant à l'inscription de cette créance au budget de la commune de Nice. La chambre régionale des comptes a rejeté cette demande par un avis du 19 décembre 2017 au motif que la créance faisait l'objet d'une contestation sérieuse et ne présentait donc pas un caractère obligatoire.

2. La société BTSG2 fait appel du jugement du 30 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions dirigées contre l'avis du 19 décembre 2017 et tendant à la condamnation de la commune de Nice à lui verser la somme de 1 898 656 euros.

Sur l'incompétence de la justice pour connaître du litige opposant la société BTSG2 à la commune de Nice :

3. Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, la demande présentée devant lui par la société BTSG2 ne tendait pas seulement à l'annulation de l'avis de la chambre régionale des comptes, mais tendait également, en substance, à ce que le tribunal règle directement le litige opposant la société à la commune de Nice, en condamnant cette dernière à lui verser la somme de 1 898 656 euros. Toutefois, ce litige, relatif à un contrat de droit privé, visant à régler un différend porté devant les juridictions judiciaires et homologué par une juridiction judiciaire, relève de la compétence des juridictions judiciaires.

4. En conséquence, il convient d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il rejette au fond les conclusions de la société BTSG2 tendant à ce que la justice administrative règle directement le litige l'opposant à la commune de Nice et à la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 1 898 656 euros, et de statuer immédiatement sur ces conclusions par la voie de l'évocation pour les rejeter comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Sur la légalité de l'avis du 19 décembre 2017 de la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d'Azur :

5. Les deux premiers alinéas de l'article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales prévoient que : " Ne sont obligatoires pour les collectivités territoriales que les dépenses nécessaires à l'acquittement des dettes exigibles et les dépenses pour lesquelles la loi l'a expressément décidé. / La chambre régionale des comptes saisie, soit par le représentant de l'Etat dans le département, soit par le comptable public concerné, soit par toute personne y ayant intérêt, constate qu'une dépense obligatoire n'a pas été inscrite au budget ou l'a été pour une somme insuffisante. Elle opère cette constatation dans le délai d'un mois à partir de sa saisine et adresse une mise en demeure à la collectivité territoriale concernée. "

6. Ainsi que l'ont déjà relevé la chambre régionale des comptes, puis le tribunal administratif, les termes du protocole d'accord transactionnel du 1er décembre 1999, selon lesquels les intérêts de retard sur les sommes antérieurement versées " pourront également être utilisés " par le mandataire liquidateur au profit de la liquidation judiciaire, sont ambiguës. Les termes du jugement d'homologation du 13 février 2001 ne sont pas plus décisifs. Ils ne permettent pas de prédéterminer de façon univoque les conséquences à tirer de la restitution de ces intérêts par le mandataire liquidateur à la commune. L'interprétation défendue par la société BTSG2, qui porte sur un contrat ancien, dans le cadre d'un litige complexe, ne correspond pas à celle initialement mise en œuvre par les parties au contrat. En outre, la société BTSG2 ne conteste pas que la créance dont elle se prévaut est susceptible d'être prescrite. Celle-ci est donc sérieusement contestée, non seulement dans son montant, mais également dans son principe. En définitive, il n'appartient qu'au juge judiciaire, enfin saisi par une assignation du 11 octobre 2022 devant le tribunal judiciaire de Nice, de se prononcer sur son bien-fondé.

7. Il résulte de ce qui précède que la société BTSG2 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions dirigées contre l'avis du 19 décembre 2017 de la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la société BTSG2 le versement de la somme de 3 000 euros à la commune de Nice au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

9. En revanche, les dispositions de cet article font en conséquence obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la société BTSG2 sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 30 mars 2022 du tribunal administratif de Marseille est annulé en tant qu'il a rejeté au fond les conclusions de la société BTSG2 tendant à ce que la justice administrative règle directement le litige l'opposant à la commune de Nice et à la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 1 898 656 euros.

Article 2 : Les conclusions mentionnées à l'article 1er sont rejetées comme devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société BTSG2 est rejeté.

Article 4 : La société BTSG2 versera la somme de 3 000 euros à la commune de Nice en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société BTSG2, à la commune de Nice, à la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d'Azur et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 13 mars 2023, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- M. Mérenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mars 2023.

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No 22MA01506


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01506
Date de la décision : 27/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-02-04-02-01 Collectivités territoriales. - Commune. - Finances communales. - Dépenses. - Dépenses obligatoires.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : DESBRUERES-ABRASSART

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-03-27;22ma01506 ?
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