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28/03/2023 | FRANCE | N°21MA03429

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 28 mars 2023, 21MA03429


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a abrogé son autorisation provisoire de séjour, a rejeté sa demande d'admission au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2100374 du 9 juillet 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un

mémoire, enregistrés les 9 août 2021 et 3 avril 2022, Mme D..., représentée par Me Munir, demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a abrogé son autorisation provisoire de séjour, a rejeté sa demande d'admission au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2100374 du 9 juillet 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 août 2021 et 3 avril 2022, Mme D..., représentée par Me Munir, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 2100374 du 9 juillet 2021 du tribunal administratif de

Nice ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 27 juillet 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de se prononcer à nouveau sur sa demande sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de la première instance et la somme de 2 000 euros au titre de l'instance d'appel en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision contestée est entachée d'une motivation insuffisante ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle vit en France de manière continue depuis 2013 avec ses quatre enfants mineurs scolarisés, dont trois sont nés en France, la quatrième, née en Tunisie, devant suivre en France des traitements lourds en raison de problèmes cardiaques ; le préfet avait la possibilité d'utiliser la circulaire Valls de 2012 ;

- elle méconnaît l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle a également demandé son admission au séjour en qualité de salarié ;

- elle méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son admission au séjour répond à des considérations humanitaires ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par ordonnance du 28 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 13 décembre 2022 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les observations de Me Munir, représentant Mme D... et de Mme D....

Une note en délibéré, présentée pour Mme D... par Me Munir, a été enregistrée le 15 mars 2023.

Une note en délibéré, présentée pour Mme D... par Me Munir, a été enregistrée le 17 mars 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., de nationalité tunisienne, née le 1er janvier 1978, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant malade. Par arrêté du 27 juillet 2020, intervenu à la suite de l'avis émis par le collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté la demande d'admission au séjour de Mme D..., a abrogé l'autorisation provisoire de séjour en possession de l'intéressée, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de renvoi. Mme D... relève appel du jugement du 9 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué vise notamment les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la convention relative aux droits de l'enfant, et de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, ainsi que les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'arrêté indique que Mme D..., née le 1er janvier 1978 et de nationalité tunisienne, a sollicité le réexamen de sa demande d'admission au séjour sur le fondement des articles L. 313-11 11° et L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et que l'OFII, consulté sur cette demande, a estimé que le défaut de prise en charge médicale de l'enfant de l'appelante ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il précise également les raisons pour lesquelles le préfet a estimé que les décisions attaquées ne contrevenaient pas aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, l'arrêté contesté, qui n'avait pas à mentionner l'ensemble des éléments caractérisant la situation personnelle de Mme D..., comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation manque en fait et doit être écarté.

3. En deuxième lieu, il ressort des termes de l'arrêté attaqué, qui ne vise que les dispositions des articles L. 313-11 11° et L. 313-12 alors applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté une demande de titre de séjour formulée uniquement à raison de l'état de santé de la fille de Mme D.... Si celle-ci soutient qu'elle a également saisi le préfet d'une demande de titre de séjour en qualité de salarié, elle ne l'établit pas en se bornant à préciser qu'elle a produit une promesse d'embauche à l'appui de sa demande de titre. Par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable ne peut qu'être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Et aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) /

7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que la requérante a bénéficié, à compter du 16 novembre 2016, d'une autorisation provisoire de séjour en qualité de parent accompagnant, renouvelée à plusieurs reprises, dont la délivrance était justifiée par l'état de santé de sa fille A..., née le 30 mai 2005 en Tunisie. Toutefois, alors que, par un avis du 2 septembre 2019, l'office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que le défaut de prise en charge de la fille de Mme D... n'était plus susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'appelante ne produit aucun document de nature à remettre en cause cette position. Par ailleurs, si Mme D... a épousé le 4 octobre 2013 un compatriote au consulat général de Tunisie à Nice, il ressort de ses propres écritures que l'intéressé est en situation irrégulière sur le territoire français. De plus, si trois enfants sont nés de cette union en 2014, 2016 et 2017 en France, pays où ils sont scolarisés tout comme la fille ainée de Mme D..., les seules éléments produits, constitués de certificats de scolarité ainsi que de deux bulletins de notes de sa fille B..., ne suffisent pas à établir l'existence d'un obstacle à la poursuite de la scolarité hors de France, en particulier en Tunisie, pays dont ils ont également la nationalité. De surcroît, à l'exception de ses enfants et de son conjoint, Mme D... n'établit pas la présence en France d'autres membres de sa famille, et n'établit pas davantage ni même n'allègue qu'elle serait dépourvue d'attaches dans son pays d'origine, au sein duquel elle a vécu jusqu'à l'âge de 36 ans. Enfin, en se bornant à produire une promesse d'embauche du 27 décembre 2016, Mme D... n'établit aucune insertion professionnelle notable. Dans ces conditions, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer dans le pays d'origine, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation ni porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée, ni méconnaître les dispositions précitées du 7° de L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pas plus que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à la date de sa décision le 27 juillet 2020, que le préfet des Alpes-Maritimes a obligé

Mme D... à quitter le territoire français.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur applicable au litige : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".

7. Ni l'ancienneté alléguée du séjour sur le territoire français de la requérante, ni la circonstance que ses enfants sont scolarisés en France, ne constituent des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels d'admission au séjour au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en l'absence d'éléments circonstanciés relatifs à l'intensité de leur insertion en France. Dans ces conditions, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que le préfet des Alpes-Maritimes aurait entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnu ces dispositions. Le moyen doit donc être écarté.

8. En cinquième lieu, dès lors qu'un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, il ne peut utilement se prévaloir des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 pour l'exercice de ce pouvoir. Par suite, le moyen tiré de ce que la requérante réunissait les conditions prévues par cette circulaire pour prétendre à une admission exceptionnelle au séjour ne peut qu'être écarté.

9. En sixième et dernier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

10. L'arrêté attaqué n'a ni pour objet ni pour effet de séparer Mme D... de ses enfants, la cellule familiale pouvant, ainsi qu'il a dit au point 5 ci-dessus, se reconstituer en Tunisie, pays dont son époux, en situation irrégulière en France, est également ressortissant.

En outre, aucun élément ne faisait obstacle, à la date de la décision en litige, à ce que les enfants du couple poursuivent leur scolarité dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, par cet arrêté, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant, tel que protégé par le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 27 juillet 2020 portant refus d'admission au séjour et obligation de quitter le territoire français. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et ses prétentions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D..., à Me Munir et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023.

2

No 21MA03429


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA03429
Date de la décision : 28/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Stéphen MARTIN
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : MUNIR

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-03-28;21ma03429 ?
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