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19/06/2023 | FRANCE | N°22MA02501

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 19 juin 2023, 22MA02501


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 10 juin 2022, par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours mentionnant le pays de destination.

Par un jugement n° 2203384 du 23 août 2022, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une req

uête, enregistrée le 21 septembre 2022, M. B..., représenté par Me Berdugo, demande à la Cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 10 juin 2022, par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours mentionnant le pays de destination.

Par un jugement n° 2203384 du 23 août 2022, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 septembre 2022, M. B..., représenté par Me Berdugo, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 23 août 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, sur le fondement des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " visiteur " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, et à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa demande, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous une astreinte de 150 euros par jour de retard, et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué, qui ne vise pas les articles L. 423-23 et L. 426-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est insuffisamment motivé en droit et en fait en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté attaqué qui a été pris sans saisine préalable de la commission du titre de séjour prévue par l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est irrégulier alors qu'il justifie résider en France depuis plus de dix ans ;

- c'est à tort que le tribunal a écarté les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 423-23 et des articles L. 435-1 et L. 426-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile comme inopérants ; l'annulation d'une décision administrative par le juge a pour effet de saisir de nouveau l'autorité administrative qui devra examiner la demande en tenant compte de nouveaux éléments de fait et de droit ;

- l'arrêté attaqué a été pris sans examen particulier des circonstances de l'espèce ;

- il est entaché d'erreur de fait ;

- il méconnaît les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît l'article L. 426-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la mesure d'éloignement méconnaît l'autorité de chose jugée ;

- l'arrêté attaqué porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Un courrier du 4 novembre 2022 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 612-3 alinéa 3 du code de justice administrative a mis en demeure le préfet des Alpes-Maritimes de produire ses observations en défense dans le délai d'un mois et a informé les parties de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Un avis d'audience portant clôture immédiate de l'instruction a été émis le 11 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Isabelle Gougot, rapporteure.

Considérant ce qui suit :

1. Suite au rejet de sa demande d'asile, M. B..., ressortissant russe qui dispose aussi de la nationalité vanuataise, a fait l'objet d'un refus de séjour et d'une obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours. La mesure d'éloignement a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Nice du 20 août 2021 qui a enjoint au préfet de réexaminer sa situation. M. B... a, par courrier du 27 février 2020, demandé la délivrance d'un titre de séjour " visiteur ", qui a été implicitement rejeté. Il a alors, par courrier du 13 octobre 2020 demandé la communication des motifs de cette décision implicite. Puis, par courrier du 20 janvier 2022, le requérant a sollicité un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-23, L. 426-20 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers. Par courrier du 1er mars 2022, il a aussi saisi le préfet en vue de se prononcer de nouveau sur sa demande de titre de séjour et, le 11 mai 2022, il demandait la communication des motifs de la décision implicite de refus ainsi née. C'est dans ce contexte que le 10 juin 2022, le préfet des Alpes-Maritimes a de nouveau rejeté la demande de titre de séjour de l'intéressé et lui a enjoint de quitter le territoire dans un délai de trente jours. M. B... relève appel du jugement du 23 août 2022 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., ancien pilote de course professionnel, qui a bénéficié d'une carte de résident monégasque jusqu'en 2018, justifie résider depuis au moins mi 2018 en France, sur la commune d'Eze, avec sa compagne, ressortissante russe, qui est bénéficiaire d'un titre de séjour en qualité de " visiteur " depuis le 1er mars 2016. Les trois enfants de cette dernière, nés en 2005, 2007 et 2013 sont scolarisés à l'Institut Saint-Joseph à Nice depuis 2017. Eu égard à la durée de présence de l'intéressé sur le territoire national, à l'ancienneté de sa relation avec sa compagne et à la présence des trois enfants avec lesquels il justifie avoir créé des liens affectifs, le requérant est fondé à soutenir qu'en refusant de l'admettre au séjour et en lui enjoignant de quitter le territoire dans un délai de trente jours, le préfet des Alpes-Maritimes a porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'ensemble des moyens de la requête, le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée du tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions en annulation.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution. ". Et selon l'article L. 911-3 : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ".

6. Eu égard aux motifs du présent arrêt, son exécution entraîne nécessairement la délivrance à l'intéressé d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à M. B... ce titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ". Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à M. B... sur le fondement de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement de la magistrate désignée du tribunal administratif de Nice n° 2203384 du 23 août 2022 et l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 10 juin 2022 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et suivant les modalités précisées dans les motifs sus indiqués.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice.

Délibéré après l'audience du 5 juin 2023, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président de chambre,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 juin 2023.

N° 22MA0250102


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA02501
Date de la décision : 19/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Isabelle GOUGOT
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : SOCIÉTÉ D'AVOCATS KOSZCZANSKI et BERDUGO

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-06-19;22ma02501 ?
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