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03/07/2023 | FRANCE | N°22MA00812

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 03 juillet 2023, 22MA00812


Vu la procédure suivante :

I°) Procédure contentieuse antérieure :

La SA EDF a demandé au tribunal administratif de Marseille, par une requête enregistrée sous le n° 2008598, d'annuler la décision du 21 septembre 2020 annexée au titre exécutoire n° 97 du président de l'association syndicale autorisée (ASA) du canal de Ventavon - Saint-Tropez et, par une requête enregistrée sous le n° 2008599, d'annuler le titre exécutoire n° 97 émis le 21 septembre 2020 par le même président pour le remboursement de la somme de 127 875,99 euros et de la décharger de l'oblig

ation de payer cette somme.

Par un jugement nos 2008598, 2008599 du 20 janvier 2...

Vu la procédure suivante :

I°) Procédure contentieuse antérieure :

La SA EDF a demandé au tribunal administratif de Marseille, par une requête enregistrée sous le n° 2008598, d'annuler la décision du 21 septembre 2020 annexée au titre exécutoire n° 97 du président de l'association syndicale autorisée (ASA) du canal de Ventavon - Saint-Tropez et, par une requête enregistrée sous le n° 2008599, d'annuler le titre exécutoire n° 97 émis le 21 septembre 2020 par le même président pour le remboursement de la somme de 127 875,99 euros et de la décharger de l'obligation de payer cette somme.

Par un jugement nos 2008598, 2008599 du 20 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée sous le n° 22MA00812 le 10 mars 2022, l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez, représentée par Me Berguet, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 20 janvier 2022 ;

2°) de rejeter les demandes de la SA EDF ;

3°) de mettre à la charge de la SA EDF la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il est faux de considérer que, selon la commune intention des parties à la date de sa signature, la convention du 24 janvier 1972 avait pour objectif de lui garantir le bénéfice d'une fourniture gratuite d'électricité, en ne mettant à la charge d'EDF qu'une obligation en nature et que ladite convention ne lui permettait pas d'exiger d'EDF qu'elle s'acquitte de son obligation en argent, nonobstant la circonstance que l'exécution en nature serait désormais impossible du fait du changement d'opérateur ;

- pour l'exercice en cause, elle a dû supporter seule les surcoûts générés par la nécessité de pomper son droit d'eau dans les ouvrages de la concession afin d'assurer sa mission de service public, subissant un préjudice dont elle est fondée à demander réparation en raison de l'inexécution de la convention par la SA EDF ;

- à titre subsidiaire, si la Cour devait considérer que la convention est atteinte de caducité du fait de l'obsolescence des modalités de compensation prévues en son article 4, elle demande que soit substitué au motif tiré de l'inexécution de cette dernière, celui tiré de la responsabilité quasi délictuelle de la société EDF, en sa qualité de concessionnaire des ouvrages de la chute d'eau de Sisteron ou encore, celui tiré de la responsabilité sans faute pour dommage causé à un tiers par les ouvrages publics de la chute de Sisteron.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2022, la SA EDF, représentée par Me Engelhard, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- la décision du 21 septembre 2020 est entachée d'irrégularités formelles.

Un courrier du 27 janvier 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Par ordonnance du 28 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Les parties ont été informées, par courrier du 13 juin 2023, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence du président de l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon - Saint-Tropez pour décider du recouvrement d'une créance ainsi qu'il y a procédé par sa décision du 21 septembre 2020 accompagnant le titre exécutoire n° 97 du 21 septembre 2020.

II°) Procédure contentieuse antérieure :

La SA EDF a demandé au tribunal administratif de Marseille, par une requête enregistrée sous le n° 2005118, d'annuler le titre exécutoire n° 34 émis le 14 mai 2020 par le président de l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez pour le remboursement de la somme de 189 435,36 euros et de la décharger de l'obligation de payer cette somme et, par une requête enregistrée sous le n° 2005119, d'annuler la décision du 14 mai 2020 annexée au titre exécutoire n° 34 du président de l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez.

Par un jugement nos 2005118, 2005119 du 20 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée sous le n° 22MA00813 le 10 mars 2022, l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez, représentée par Me Berguet, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 20 janvier 2022 ;

2°) de rejeter les demandes de la SA EDF ;

3°) de mettre à la charge de la SA EDF la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il est faux de considérer que, selon la commune intention des parties à la date de sa signature, la convention du 24 janvier 1972 avait pour objectif de lui garantir le bénéfice d'une fourniture gratuite d'électricité, en ne mettant à la charge d'EDF qu'une obligation en nature et que ladite convention ne lui permettait pas d'exiger d'EDF qu'elle s'acquitte de son obligation en argent, nonobstant la circonstance que l'exécution en nature serait désormais impossible du fait du changement d'opérateur ;

- pour l'exercice en cause, elle a dû supporter seule les surcoûts générés par la nécessité de pomper son droit d'eau dans les ouvrages de la concession afin d'assurer sa mission de service public, subissant un préjudice dont elle est fondée à demander réparation en raison de l'inexécution de la convention par la SA EDF ;

- à titre subsidiaire, si la Cour devait considérer que la convention est atteinte de caducité du fait de l'obsolescence des modalités de compensation prévues en son article 4, elle demande que soit substitué au motif tiré de l'inexécution de cette dernière, celui tiré de la responsabilité quasi délictuelle de la société EDF, en sa qualité de concessionnaire des ouvrages de la chute d'eau de Sisteron ou encore, celui tiré de la responsabilité sans faute pour dommage causé à un tiers par les ouvrages publics de la chute de Sisteron.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2022, la SA EDF, représentée par Me Engelhard, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Un courrier du 27 janvier 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Par ordonnance du 28 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Les parties ont été informées, par courrier du 13 juin 2023, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence du président de l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon - Saint-Tropez pour décider du recouvrement d'une créance ainsi qu'il y a procédé par sa décision du 14 mai 2020 accompagnant le titre exécutoire n° 34 du 14 mai 2020.

III°) Procédure contentieuse antérieure :

La SA EDF a demandé au tribunal administratif de Marseille, par une requête enregistrée sous le n° 1909663, d'annuler la décision du 11 octobre 2019 annexée au titre exécutoire n° 67 du président de l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez et, par une requête enregistrée sous le n° 1909664, d'annuler le titre exécutoire n° 67 émis le 11 octobre 2019 par le président de l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez pour le remboursement de la somme de 129 054,64 euros et de la décharger de l'obligation de payer cette somme.

Par un jugement nos 1909663, 1909664 du 20 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée sous le n° 22MA00814 le 10 mars 2022, l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez, représentée par Me Berguet, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 20 janvier 2022 ;

2°) de rejeter les demandes de la SA EDF ;

3°) de mettre à la charge de la SA EDF la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il est faux de considérer que, selon la commune intention des parties à la date de sa signature, la convention du 24 janvier 1972 avait pour objectif de lui garantir le bénéfice d'une fourniture gratuite d'électricité, en ne mettant à la charge d'EDF qu'une obligation en nature et que ladite convention ne lui permettait pas d'exiger d'EDF qu'elle s'acquitte de son obligation en argent, nonobstant la circonstance que l'exécution en nature serait désormais impossible du fait du changement d'opérateur ;

- pour l'exercice en cause, elle a dû supporter seule les surcoûts générés par la nécessité de pomper son droit d'eau dans les ouvrages de la concession afin d'assurer sa mission de service public, subissant un préjudice dont elle est fondée à demander réparation, en raison de l'inexécution de la convention par la SA EDF ;

- à titre subsidiaire, si la Cour devait considérer que la convention est atteinte de caducité du fait de l'obsolescence des modalités de compensation prévues en son article 4, elle demande que soit substitué au motif tiré de l'inexécution de cette dernière, celui tiré de la responsabilité quasi délictuelle de la société EDF, en sa qualité de concessionnaire des ouvrages de la chute d'eau de Sisteron ou encore, celui tiré de la responsabilité sans faute pour dommage causé à un tiers par les ouvrages publics de la chute de Sisteron.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2022, la SA EDF, représentée par Me Engelhard, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Un courrier du 27 janvier 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Par ordonnance du 28 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Les parties ont été informées, par courrier du 13 juin 2023, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence du président de l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon - Saint-Tropez pour décider du recouvrement d'une créance ainsi qu'il y a procédé par sa décision du 11 octobre 2019 accompagnant le titre exécutoire n° 67 du 11 octobre 2019.

IV°) Procédure contentieuse antérieure :

La SA EDF a demandé au tribunal administratif de Marseille, par une requête enregistrée sous le n° 1907742, d'annuler la décision du 9 août 2019 annexée au titre exécutoire n° 58 du président de l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez et, par une requête enregistrée sous le n° 1907746, d'annuler le titre exécutoire n° 58 émis le 9 août 2019 par le président de l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez pour le remboursement de la somme de 192 316,13 euros et de la décharger de l'obligation de payer cette somme.

Par un jugement nos 1907742, 1907746 du 20 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée sous le n° 22MA00815 le 10 mars 2022, l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez, représentée par Me Berguet, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 20 janvier 2022 ;

2°) de rejeter les demandes de la SA EDF ;

3°) de mettre à la charge de la SA EDF la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il est faux de considérer que, selon la commune intention des parties à la date de sa signature, la convention du 24 janvier 1972 avait pour objectif de lui garantir le bénéfice d'une fourniture gratuite d'électricité, en ne mettant à la charge d'EDF qu'une obligation en nature et que ladite convention ne lui permettait pas d'exiger d'EDF qu'elle s'acquitte de son obligation en argent, nonobstant la circonstance que l'exécution en nature serait désormais impossible du fait du changement d'opérateur ;

- pour l'exercice en cause, la SA EDF n'ayant pas rempli son obligation contractuelle, elle a dû supporter seule les surcoûts générés par la nécessité de pomper son droit d'eau dans les ouvrages de la concession afin d'assurer sa mission de service public, subissant un préjudice dont elle est fondée à demander réparation, en raison de l'inexécution de la convention par la SA EDF ;

- à titre subsidiaire, si la Cour devait considérer que la convention est atteinte de caducité du fait de l'obsolescence des modalités de compensation prévues en son article 4, elle demande que soit substitué au motif tiré de l'inexécution de cette dernière, celui tiré de la responsabilité quasi délictuelle de la société EDF, en sa qualité de concessionnaire des ouvrages de la chute d'eau de Sisteron ou encore, celui tiré de la responsabilité sans faute pour dommage causé à un tiers par les ouvrages publics de la chute de Sisteron.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2022, la SA EDF, représentée par Me Engelhard, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Un courrier du 27 janvier 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Par ordonnance du 28 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Les parties ont été informées, par courrier du 13 juin 2023 , en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence du président de l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon - Saint-Tropez pour décider du recouvrement d'une créance ainsi qu'il y a procédé par sa décision du 9 août 2019 accompagnant le titre exécutoire n° 58 du 9 août 2019.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le décret n° 55 178 du 2 février 1955 ;

- l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Berguet, pour l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez, et de Me Deidda, pour la SA EDF.

Considérant ce qui suit :

1. L'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez a conclu avec Electricité de France, le 24 janvier 1972, une convention relative au rétablissement du réseau d'irrigation de l'association syndicale à la suite de son interception par les ouvrages installés par EDF sur la chute de Sisteron entre La Saulce (Hautes-Alpes) et Sisteron (Alpes-de-Haute-Provence). L'article 4 de cette convention prévoyait, dans certaines limites, une obligation de fourniture gratuite d'énergie par EDF au bénéfice de l'association.

2. Le 21 septembre 2020, l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez a émis à l'encontre de la SA EDF un titre exécutoire n° 97, assorti d'une lettre du même jour précisant les bases de liquidation, lui réclamant le remboursement de la somme de 127 875,99 euros au titre des volumes de gratuité d'électricité dus pour l'année 2020 en application de la convention du 24 janvier 1972. La SA EDF a alors saisi le tribunal administratif de Marseille de deux requêtes enregistrées sous les nos 2008598 et 2008599 tendant à l'annulation du titre exécutoire n° 97 émis à son encontre, ainsi que du courrier du 21 septembre 2020 annexé à ce titre et à la décharge de l'obligation de payer cette somme. Par le jugement nos 2008598, 2008599 du 20 janvier 2022, le tribunal administratif a fait droit à sa demande. Par la requête enregistrée sous le n° 22MA00812, l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez fait appel de ce jugement.

3. Le 14 mai 2020, l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez a émis à l'encontre de la SA EDF un titre exécutoire n° 34, assorti d'une lettre du même jour précisant les bases de liquidation, lui réclamant le remboursement de la somme de 189 435,36 euros au titre des volumes de gratuité d'électricité dus pour l'année 2020 en application de la convention du 24 janvier 1972. La SA EDF a alors saisi le tribunal administratif de Marseille de deux requêtes enregistrées sous les nos 2005118 et 2005119 tendant à l'annulation du titre exécutoire n° 34 émis à son encontre, ainsi que du courrier du 14 mai 2020 annexé à ce titre et à la décharge de l'obligation de payer cette somme. Par le jugement nos 2005118, 2005119 du 20 janvier 2022, le tribunal administratif a fait droit à sa demande. Par la requête enregistrée sous le n° 22MA00813, l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez fait appel de ce jugement.

4. Le 11 octobre 2019, l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez a émis à l'encontre de la SA EDF un titre exécutoire n° 67, assorti d'une lettre du même jour précisant les bases de liquidation, lui réclamant le remboursement de la somme de 129 054,64 euros au titre des volumes de gratuité d'électricité dus pour l'année 2019 en application de la convention du 24 janvier 1972. La SA EDF a alors saisi le tribunal administratif de Marseille de deux requêtes enregistrées sous les nos 1909663 et 1909664 tendant à l'annulation du titre exécutoire n° 67 émis à son encontre, ainsi que du courrier du 11 octobre 2019 annexé à ce titre et à la décharge de l'obligation de payer cette somme. Par le jugement nos 1909663, 1909664 du 20 janvier 2022, le tribunal administratif a fait droit à sa demande. Par la requête enregistrée sous le n° 22MA00814, l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez fait appel de ce jugement.

5. Le 9 août 2019, l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez a émis à l'encontre de la SA EDF un titre exécutoire n° 58, assorti d'une lettre du même jour précisant les bases de liquidation, lui réclamant le remboursement de la somme de 192 316,13 euros au titre des volumes de gratuité d'électricité dus pour l'année 2019 en application de la convention du 24 janvier 1972. La SA EDF a alors saisi le tribunal administratif de Marseille de deux requêtes enregistrées sous les nos 1907742 et 1907746 tendant à l'annulation du titre exécutoire n° 58 émis à son encontre, ainsi que du courrier du 9 août 2019 annexé à ce titre et à la décharge de l'obligation de payer cette somme. Par le jugement nos 1907742, 1907746 du 20 janvier 2022, le tribunal administratif a fait droit à sa demande. Par la requête enregistrée sous le n° 22MA00815, l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez fait appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé des jugements :

En ce qui concerne l'interprétation de la convention et sa caducité :

6. Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention conclue le 24 janvier 1972 entre l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez et le concessionnaire EDF : " L'A.S.A. assumera toutes les charges d'exploitation, d'entretien et de renouvellement des stations de pompage nouvelles. Electricité de France sera dégagé entièrement et définitivement, sauf ce qui est dit ci-dessous à l'article 4, de toutes ses obligations relatives à la station de pompage du BEYNON, dès sa mise hors service dans le cas visé à l'article 2 ci-dessus et en 1980 au plus tard. ". Aux termes de l'article 4 de cette même convention : " La puissance fournie à titre gratuit par Electricité de France, aux droits et obligations des ex-sociétés concessionnaires des chutes de VENTAVON et du POET, pour le fonctionnement de la station de pompage du BEYN0N, soit 1.000 kW du 15 Avril au 15 Octobre de chaque année, restera acquise à l'A.S.A. pour être affectée exclusivement aux besoins en énergie de l'ensemble des stations de pompage de son réseau d'irrigation sans que la quantité d'énergie correspondante puisse excéder 4 MkW h (Quatre millions de Kilowatts heure par an). / Cette puissance sera délivrée pendant la durée de la concession de la Chute de SISTERON dans les conditions techniques prévues à l'article 3 du décret 55-176 du 2 Février 1955 ". Enfin, en vertu du premier alinéa de l'article 3 du décret du 2 février 1955 : " Les réserves en force et les quantités d'énergie réservée, attribuées au titre des paragraphes 6°, d'une part, et 7° d'autre part, de l'article 10 de la loi du 16 octobre 1919 doivent dorénavant être mises à disposition des bénéficiaires au lieu de leur emploi par ceux-ci, c'est-à-dire à leurs postes d'alimentation suivant les conditions techniques et financières de raccordement dont relèverait un abonné consommant, au même lieu, une fourniture d'énergie non réservée ayant les mêmes caractéristiques ".

7. Il résulte de ces stipulations, lesquelles font expressément référence à la puissance délivrée à l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon - Saint-Tropez, que n'est octroyé à cette ASA qu'un droit à fourniture gratuite d'électricité pour la période du 15 avril au 15 octobre de chaque année dans la double limite, d'une part, où la puissance fournie pendant cette période aux installations de l'association est inférieure ou égale à 1 000 kW et où, d'autre part, la quantité d'énergie fournie est inférieure à quatre millions de kW par an. Les dispositions de l'article 3 du décret du 2 février 1955, qui n'ont trait qu'aux conditions de raccordement et de livraison des bénéficiaires de livraisons préférentielles d'électricité issues d'installations hydroélectriques, sont sans incidence sur l'interprétation de cette clause. La circonstance que le concessionnaire n'ait pas imposé le respect du plafond de puissance à hauteur de 1 000 kW pendant quarante années et qu'il n'a été en mesure d'y procéder qu'après l'installation de compteurs plus performants à compter de 2010 reste sans influence sur l'interprétation à donner à ces stipulations et sur l'existence d'un plafond à la fois en termes de consommation instantanée et cumulée sur l'année.

En ce qui concerne le moyen retenu par les premiers juges :

8. Il résulte de l'instruction que, si au moment de la signature de la convention le 24 janvier 1972 entre l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez et la concessionnaire du barrage hydraulique, bénéficiant d'un monopole, EDF constituait un seul opérateur chargé de produire l'électricité et de la distribuer, deux entités distinctes ont par la suite été instituées, l'une, EDF Production Hydraulique, consacrée à la production d'énergie hydraulique et l'autre, EDF Commerce, pour la distribution d'électricité. EDF se chargeait alors de prendre en compte dans l'établissement des factures la convention et de déduire de la facturation la part correspondant à l'obligation de fourniture gratuite d'électricité dans les limites fixées par la convention. Alors que l'association syndicale autorisée était soumise à une obligation de mise en concurrence de son contrat de fourniture en électricité, l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez a conservé, dans un premier temps, comme fournisseur d'électricité l'entité EDF Commerce. Toutefois, à compter du 1er janvier 2019, elle a conclu un contrat avec un autre fournisseur d'électricité, la société ENGIE. Dans ces conditions, il n'était plus possible pour la SA EDF d'assurer une compensation en nature des conséquences de l'interception des eaux alimentant le canal d'irrigation de l'association syndicale autorisée par un rabais direct dans la facture d'électricité.

9. Pour faire droit à la demande de la SA EDF d'annuler les titres exécutoires émis par l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez, les premiers juges se sont fondés sur l'absence de droit pour l'ASA de réclamer le paiement en argent de l'obligation en nature découlant des stipulations de l'article 4 de la convention du 24 janvier 1972. Toutefois, quand bien même la convention du 24 janvier 1972 doit être regardée comme n'imposant à la SA EDF qu'une obligation en nature, l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez fait valoir que sa cocontractante n'a pas exécuté ses obligations contractuelles en ne lui assurant pas la fourniture gratuite d'électricité prévue par la convention. Elle soutient sans être contredite qu'alors qu'elle a été contrainte de changer de fournisseur d'électricité, l'impossibilité d'installer un second point de livraison d'énergie n'est pas établie et que rien ne fait obstacle à ce que la SA EDF s'acquitte de ses obligations de fourniture d'électricité à titre gratuit.

10. Il résulte de ce qui précède que l'appelante est fondée à se plaindre de ce que, par les jugements attaqués, les premiers juges ont annulé les titres exécutoires en litige alors que les créances dont le recouvrement était recherché étaient fondées sur la méconnaissance par la SA EDF de ses obligations contractuelles et sur la nécessaire réparation du préjudice qui en a résulté, alors même que l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez n'a pas mis en demeure son cocontractant de s'acquitter de ses obligations, faute de stipulations de la convention instituant une telle formalité préalable.

En ce qui concerne les autres moyens :

Quant à la régularité des titres exécutoires :

11. En premier lieu, aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Dans les conditions prévues pour chaque catégorie d'entre elles, les recettes sont liquidées avant d'être recouvrées. Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. [...] ". Tout état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.

12. Il est constant que le titre exécutoire n° 97 émis le 21 septembre 2020 d'un montant de 127 875,99 euros ne comporte pas, par lui-même, la mention des bases de liquidation de la somme dont le paiement est réclamé et mentionne seulement " SOLDE ENERGIE GRATUITE 2020 ". Toutefois, il résulte de l'instruction que le titre exécutoire était accompagné d'un bordereau indiquant qu'étaient joints non seulement le titre exécutoire mais également la convention du 24 janvier 1972, les factures pour les huit stations de pompage pour l'année 2020, un ensemble de huit tableaux justifiant le calcul du volume d'électricité qui doit lui être fourni gratuitement, une décision administrative explicitant le cadre légal et réglementaire ainsi que les modalités de calcul ainsi qu'une note méthodologique des calculs opérés. Pour ce qui est du titre exécutoire n° 34 émis le 14 mai 2020 pour un montant de 189 435,36 euros, il résulte de l'instruction que le titre exécutoire était accompagné du même bordereau auquel étaient joints ces mêmes documents. Pour ce qui est du titre exécutoire n° 67 émis le 11 octobre 2019 pour un montant de 129 054,64 euros, le même bordereau et les mêmes pièces accompagnaient ce titre exécutoire. Enfin, pour ce qui est du titre exécutoire n° 58 émis le 9 août 2019 pour un montant de 192 316,13 euros, s'il ne comportait que la mention " ACPTE 60% CONSOMMATION ESTIMEE 2019/ CONV 1972 ", le même bordereau et les mêmes pièces ont été transmis à la SA EDF concomitamment au titre exécutoire.

13. Dans ces conditions, le moyen tiré du défaut de motivation des titres exécutoires en litige ne saurait être accueilli.

14. En second lieu, si la SA EDF a entendu soulever un vice de procédure tiré de l'absence de preuve du caractère exécutoire des " décisions prises en accompagnement " de ces titres exécutoires en litige qui au demeurant leur sont postérieures, ces décisions en tant qu'elles se bornent à annoncer l'émission d'un titre de recettes ne constituent que des actes informatifs, dont la SA EDF ne saurait se prévaloir à raison d'une quelconque illégalité susceptible d'entacher d'illégalité les titres exécutoires en litige.

Quant au bien-fondé de la créance :

15. En premier lieu, la circonstance que l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez ait été contrainte de mettre en concurrence son contrat de fourniture d'électricité et que cette mise en concurrence l'ait conduite à changer de fournisseur d'électricité n'a pas pu avoir pour effet de rendre caduque la convention, en l'absence de disparition d'un élément essentiel de la convention signée avec EDF. En effet, d'une part, la convention en cause ne porte pas sur la distribution d'électricité mais sur la compensation à laquelle l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez peut prétendre en raison de l'interception des eaux alimentant le canal d'irrigation dont elle assure la gestion et l'entretien. D'autre part, continue de peser sur la SA EDF, en tant que concessionnaire d'un ouvrage hydraulique, l'obligation de fourniture d'une puissance électrique à titre gratuit en contrepartie de l'interception des eaux alimentant le réseau d'irrigation propriété de l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez, laquelle perdure, indépendamment du changement du fournisseur d'électricité de cette dernière. Dès lors, la SA EDF ne saurait s'en prévaloir pour contester les montants devant être mis à sa charge en raison de sa méconnaissance de ses obligations contractuelles.

16. En second lieu, ainsi qu'il a été dit aux points 6 et 7, la convention conclue le 24 janvier 1972 ne prévoyait qu'une fourniture d'électricité à titre gratuit à un moment où le concessionnaire et le fournisseur d'électricité étaient une même entité, et le changement de fournisseur d'électricité fait obstacle à ce que cette fourniture gratuite se traduise désormais par un rabais sur les factures d'électricité de l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez. Les sommes réclamées à la SA EDF, quand bien même elles sont calculées sur la base d'une estimation de la consommation d'électricité de l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez durant la période du 15 avril au 15 octobre et évaluées selon les tarifs de l'opérateur ENGIE et viendraient solder en partie les factures émises par cet autre fournisseur d'électricité, ne sauraient être regardées comme une avance sur les factures d'électricité auprès d'un autre fournisseur mais doivent être considérées comme visant à assurer à l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez la compensation de la non-exécution par la SA EDF de ses obligations contractuelles.

17. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de ses requêtes, l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez est fondée à se plaindre de ce que les premiers juges ont fait droit aux demandes de la SA EDF tendant à l'annulation des titres exécutoires qu'elle avait émis et à la décharge des sommes ainsi mises à la charge de la SA EDF. Par suite, les jugements nos 1907742, 1907746, nos 1909663, 1909664, nos 2005118, 2005119 et nos 2008598, 2008599 doivent être annulés.

Sur les frais liés au litige :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la SA EDF dirigées contre l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SA EDF une somme de 1 000 euros à verser à l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez en application de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Les jugements nos 1907742, 1907746, nos 1909663, 1909664, nos 2005118, 2005119 et nos 2008598, 2008599 sont annulés.

Article 2 : Les demandes de la SA EDF enregistrées sous les nos 1907742, 1907746, nos 1909663, 1909664, nos 2005118, 2005119 et nos 2008598, 2008599 sont rejetées.

Article 3 : La SA EDF versera à l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association syndicale autorisée (ASA) du canal de Ventavon - Saint-Tropez et à la SA EDF.

Délibéré après l'audience du 19 juin 2023, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président de chambre,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juillet 2023.

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Nos 22MA00812 - 22MA00813 - 22MA00814 - 22MA00815


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA00812
Date de la décision : 03/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

39-01 Marchés et contrats administratifs. - Notion de contrat administratif.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Isabelle RUIZ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : SCP LESAGE - BERGUET - GOUARD-ROBERT;SCP LESAGE - BERGUET - GOUARD-ROBERT;SCP LESAGE - BERGUET - GOUARD-ROBERT;SCP LESAGE - BERGUET - GOUARD-ROBERT;SCP LESAGE - BERGUET - GOUARD-ROBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-07-03;22ma00812 ?
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