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03/07/2023 | FRANCE | N°22MA01477

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 03 juillet 2023, 22MA01477


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA EDF a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'association syndicale autorisée (ASA) du canal de Ventavon - Saint-Tropez à lui verser la somme de 96 792,19 euros toutes taxes comprises, correspondant aux consommations d'énergie impayées au titre de l'année 2016, assortie des intérêts légaux.

Par un jugement n° 2010277 du 28 mars 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20

mai 2022, la SA EDF, représentée par Me Engelhard, demande à la Cour :

1°) d'annuler le juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA EDF a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'association syndicale autorisée (ASA) du canal de Ventavon - Saint-Tropez à lui verser la somme de 96 792,19 euros toutes taxes comprises, correspondant aux consommations d'énergie impayées au titre de l'année 2016, assortie des intérêts légaux.

Par un jugement n° 2010277 du 28 mars 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 mai 2022, la SA EDF, représentée par Me Engelhard, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 28 mars 2022 ;

2°) à titre principal, de condamner l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez au paiement de la somme de 96 762,19 euros toutes taxes comprises assortie des intérêts moratoires ;

3°) à titre subsidiaire, de désigner un expert avec pour mission de déterminer le montant dû par l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez ;

4°) et de mettre à la charge de l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- au 1er janvier 2016, le respect du principe du libre choix du fournisseur d'électricité ainsi que la suppression des tarifs réglementés de vente de l'électricité ont entraîné la séparation de la gestion de la convention d'énergie gratuite de celle du contrat du fourniture électrique ; sa demande porte sur le trop versé par cette dernière à l'ASA du Canal de Ventavon - Saint-Tropez au titre de l'énergie gratuite et non sur des factures d'électricité impayées ;

- l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez n'a pas remboursé à EDF Production Hydraulique un trop versé au titre de l'énergie gratuite, mais simplement payé à son fournisseur EDF Commerce le montant dû au titre de ses factures d'électricité jusqu'alors impayées ;

- en tenant compte du plafond de puissance de 1 000 kW à prendre en compte dans le calcul de l'énergie gratuite, de l'acheminement et des contributions et de l'exonération de TVA, elle évalue, conformément à la méthode validée par la cour administrative d'appel de Marseille, le montant total dû au titre de l'énergie gratuite, pour l'année 2016, à 204 528,05 euros ;

- l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez a donc bénéficié d'un trop perçu de 96 762,19 euros qu'elle doit désormais rembourser à EDF Production Hydraulique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 décembre 2022, l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez, représentée par Me Berguet, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la SA EDF la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- à titre principal, la juridiction administrative est incompétente dès lors que les conclusions de la société EDF tendant au paiement d'une somme de 96 762,19 euros constituant un solde qu'elle doit au titre de factures d'électricité pour l'année 2016 concerne donc l'exécution d'un contrat de droit privé, ce nonobstant la circonstance qu'aux termes d'une convention distincte, visant à compenser l'impact des installations de la chute de Sisteron sur le service d'irrigation et les ouvrages syndicaux, la société EDF se soit engagée à renoncer au paiement d'une partie de l'énergie fournie annuellement ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Un courrier du 27 janvier 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Par ordonnance du 28 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'énergie ;

- la loi du 20 juillet 1881 ;

- la loi du 26 août 1919 ;

- la loi du 16 octobre 1919 ;

- le décret du 7 septembre 1936 ;

- le décret du 2 février 1955 ;

- le décret du 11 octobre 1972 ;

- l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 ;

- le décret n° 2006-504 du 3 mai 2006 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Deidda, pour la SA EDF, et de Me Berguet, pour l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez.

Considérant ce qui suit :

1. L'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez a conclu avec Electricité de France, le 24 janvier 1972, une convention relative au rétablissement du réseau d'irrigation de l'association syndicale à la suite de son interception par les ouvrages installés par EDF sur la chute de Sisteron entre La Saulce (Hautes-Alpes) et Sisteron (Alpes-de-Haute-Provence). L'article 4 de cette convention prévoyait, dans certaines limites, une obligation de fourniture gratuite d'énergie par EDF au bénéfice de l'association. La SA Electricité de France (EDF), ayant identifié une anomalie de tarification au titre de l'année 2016, a souhaité demander à l'association un surcroît de consommation. La SA EDF a alors saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à la condamnation de l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez à lui verser la somme de 96 792,19 euros toutes taxes comprises correspondant à son manque à gagner au titre de l'exercice 2016. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté cette demande. Par la présente requête, la SA EDF fait appel de ce jugement.

Sur l'exception d'incompétence opposée en défense :

2. Il résulte de l'instruction que la convention liant l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez et EDF a été conclue à l'origine entre ces personnes publiques chargées de leurs services publics respectifs, l'ASA, le service public d'irrigation et EDF, le service public hydroélectrique et la construction d'usines de production hydroélectrique, dans le but notamment d'imposer des obligations au concessionnaire de forces électriques, qui à l'époque était Electricité de France, devenue la SA EDF, au bénéfice de l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez, en contrepartie de l'interception par le concessionnaire de l'eau alimentant le réseau d'irrigation de cette dernière. Une telle convention conclue entre deux personnes publiques en vue de l'organisation des services publics qui leur ont été respectivement confiés revêt un caractère administratif. Il appartient à la juridiction administrative d'en connaître. En outre, une telle convention porte sur la réalisation de travaux d'irrigation et de réseaux de distribution d'eau par l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez, établissement public administratif. De tels travaux réalisés par une personne publique pour l'exécution même de sa mission de service public doivent être regardés comme des travaux publics. Il appartient en conséquence à la juridiction administrative de connaître du litige relatif à la convention liant l'ASA et la SA EDF. Par suite, l'exception d'incompétence opposée en défense par l'ASA doit être rejetée.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article 54 du décret n° 2006-504 du 3 mai 2006, pris en application de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires, lequel a trait aux ressources de telles associations : " (...) L'introduction devant une juridiction de l'instance ayant pour objet de contester le bien-fondé de la redevance liquidée par l'association suspend la force exécutoire du titre. L'exercice de ce recours par le débiteur se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuites. (...) ".

4. Il résulte de l'instruction que pour les années 2015 et 2016, les sommes liquidées par l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez au titre de l'article 4 de la convention ont été recouvrées sans que la SA EDF ne conteste ni la décision de liquidation pour l'année 2015 ni les titres de perception émis pour l'année 2016. La créance relative à l'année 2015 a été liquidée et mandatée par décision du président de l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez du 10 septembre 2015. La somme a été recouvrée par compensation sur les factures d'électricité de l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez pour l'année 2015. Concernant l'année 2016, l'application de la clause a donné lieu à trois titres de perception émis par l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez en 2016 et en 2019 pour un total de 301 290,24 euros dont la SA EDF s'est acquittée.

5. L'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez oppose une exception de prescription de l'action en contestation des titres. Il résulte de l'instruction que la SA EDF a accusé réception le 8 décembre 2016 du premier titre de perception envoyé par courrier du 28 octobre 2016 et a accusé réception des deux autres titres de perception le 24 avril 2019 et le 15 octobre 2019. Elle a adressé à l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez un courrier le 4 décembre 2020 et n'a saisi le tribunal administratif de Marseille de sa contestation que le 29 décembre 2020. La société EDF ne saurait solliciter l'indemnisation d'un préjudice qui résulterait d'une faute contractuelle pour contourner les règles de prescription. Dans ces conditions, dès lors que l'appelante doit être regardée comme contestant les trois titres de perception qui ont mis les sommes en litige à sa charge, son action introduite le 29 décembre 2020, soit après l'expiration du délai de recours prévu par les dispositions précitées du décret du 3 mai 2006 est prescrite.

6. Il s'ensuit que les conclusions de la SA EDF tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille et à la condamnation de l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez doivent être rejetées sans qu'il soit besoin de désigner un expert.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la SA EDF dirigées contre l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SA EDF une somme de 1 000 euros à verser à l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez en application de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SA EDF est rejetée.

Article 2 : La SA EDF versera à l'ASA du canal de Ventavon - Saint-Tropez une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SA EDF et à l'association syndicale autorisée (ASA) du canal de Ventavon - Saint-Tropez.

Délibéré après l'audience du 19 juin 2023, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président de chambre,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juillet 2023.

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No 22MA01477


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01477
Date de la décision : 03/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

39-01 Marchés et contrats administratifs. - Notion de contrat administratif.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Isabelle RUIZ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : SELARL BLUM - ENGELHARD - DE CAZALET

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-07-03;22ma01477 ?
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