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20/10/2023 | FRANCE | N°22MA01374

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 20 octobre 2023, 22MA01374


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code du travail ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mahmouti,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Gillet, représenta

nt le CHI de Fréjus Saint-Raphaël, et de Me Bertelle, représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., technicien de labo...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code du travail ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mahmouti,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Gillet, représentant le CHI de Fréjus Saint-Raphaël, et de Me Bertelle, représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., technicien de laboratoire au centre hospitalier intercommunal (CHI) de Fréjus Saint-Raphaël depuis le 1er juillet 1999, a bénéficié d'un congé de longue durée à compter du 1er décembre 2016. Il a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 21 octobre 2019 par laquelle le directeur de cet établissement a refusé la reconnaissance de l'imputabilité au service de son congé longue durée. Par un jugement n° 1904453 du 15 mars 2022, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision contestée et enjoint au directeur du CHI de Fréjus Saint-Raphaël de déclarer imputable au service le congé de longue durée de M. C... et de procéder à la reconstitution de la carrière de celui-ci pendant la durée de ce congé. Le CHI de Fréjus Saint-Raphaël relève appel de ce jugement.

Sur la légalité de la décision du 21 octobre 2019 :

2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. (...) / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...)".

3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

4. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser d'imputer au service la maladie présentée par M. C..., le CHI de Fréjus Saint-Raphaël s'est fondé sur deux motifs.

5. Le premier motif, tiré de ce que l'absence de situation de harcèlement moral de M. C... au sein de son service ferait obstacle à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie, est entaché d'une erreur de droit, ainsi que l'a jugé à juste titre le tribunal au point 4 du jugement attaqué par un motif qu'il y a lieu d'adopter et qui n'est d'ailleurs pas contesté par le centre hospitalier.

6. Le second motif est tiré de l'absence de lien direct entre la pathologie de M. C... et ses conditions de travail, un tel lien n'étant établi, selon le centre hospitalier, que par le propre médecin psychiatre de l'agent alors que le médecin-expert a relevé, pour sa part, que les tensions au travail sont vécues sur le mode du harcèlement.

7. Il ressort des pièces du dossier que, lors de l'année 2013, l'absence d'un effectif complet au sein de son service a exposé M. C... à une surcharge de travail et que sa relation avec son supérieur hiérarchique s'est dégradée, entraînant pour lui la survenance d'un syndrome anxio-dépressif. Il n'est pas contesté par le centre hospitalier que l'intéressé a, de ce fait, demandé, à compter du 1er juillet 2013, une autorisation de travail à temps partiel, laquelle lui a néanmoins été refusée en raison de nécessités de service. Par ailleurs, tous les certificats médicaux et rapports d'expertise versés au débat, y compris ceux réalisés par les experts mandatés par l'administration, relèvent l'absence d'antécédents et attribuent la survenance de la pathologie dont souffre l'intéressé à sa situation professionnelle. A cet égard, si dans son courrier daté du 18 octobre 2016 adressé à la commission de réforme, le directeur des ressources humaines du centre hospitalier appelant évoque l'existence d'un état dépressif " bien avant " l'octroi du congé longue maladie, cette seule mention ne permet pas de remettre en cause que cet état n'aurait pas débuté seulement en 2013 alors notamment qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que son état dépressif résulterait d'une cause étrangère au service. S'il ressort également des pièces du dossier que, comme le fait valoir le centre hospitalier, les expertises médicales relèvent que les tensions conflictuelles entre M. C... et sa hiérarchie sont " vécues sur le mode du harcèlement ", le docteur B..., chargé de réaliser la contre-expertise qui s'est déroulée le 24 septembre 2019, à la demande du CHI, observant également un " vécu persécutif du milieu professionnel ", de tels éléments ne sont cependant pas de nature à expliquer à eux seuls la survenance de la pathologie dont souffrait l'agent, ces documents médicaux indiquant d'ailleurs le contraire. Enfin, le conflit survenu, le 18 juin 2015, entre l'agent et sa sœur est postérieur aux premières constatations médicales faites de son état anxio-dépressif. Il s'ensuit que, à supposer même que son apparition ait pu être favorisée par des éléments de sa personnalité, il y a lieu d'admettre que, comme l'a jugé le tribunal, la pathologie de M. C... trouve sa cause directe dans les conditions dans lesquelles il a exercé son activité professionnelle. Par suite et en l'absence de tout symptôme antérieur connu, il y a lieu de considérer que la situation professionnelle vécue par M. C... a engendré pour lui une situation de souffrance au travail à l'origine d'une pathologie dépressive. Dès lors, en refusant de reconnaître l'imputabilité de l'état de santé de M. C... au service, au motif que cet état, dès lors qu'il traduisait sa manière de ressentir les évènements qu'elle qualifiait pourtant elle-même de " tensions au travail ", ne pouvait être imputé au service, l'administration n'a pas fait une exacte application des règles exposées aux points 2 et 3, outre que, au surplus et ainsi que le soutenait l'intimé en première instance, elle a omis de faire mention dans la décision contestée d'un quelconque motif de droit.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le CHI de Fréjus Saint-Raphaël n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 15 mars 2022, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du 21 octobre 2019.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. C..., qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que le CHI de Fréjus Saint-Raphaël demande au titre des frais non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cet établissement une somme de 2 000 euros à verser à M. C... sur le fondement de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête du CHI de Fréjus Saint-Raphaël est rejetée.

Article 2 : Le CHI de Fréjus Saint-Raphaël versera à M. C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au CHI de Fréjus Saint-Raphaël et à M. A... C....

Délibéré après l'audience du 5 octobre 2023 où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- Mme Rigaud, présidente-assesseure,

- M. Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 octobre 2023.

2

N° 22MA01374


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01374
Date de la décision : 20/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés. - Congés de maladie.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Jérôme MAHMOUTI
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : GILLET

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-10-20;22ma01374 ?
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