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18/11/2004 | FRANCE | N°03NC00029

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ere chambre - formation a 3, 18 novembre 2004, 03NC00029


Vu, I, sous le n° 03NC00004, la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 6 janvier 2003, présentée pour la COMMUNE DE FREYBOUSE (57660), représentée par son maire en exercice, à ce habilité par délibération du conseil municipal du 6 décembre 2002, par la société d'avocats M et R Avocats, complétée par des mémoires enregistrés les 7 mai et 18 août 2003 ;

La COMMUNE DE FREYBOUSE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg n° 0103613-

0104822 du 15 novembre 2002, en tant que, à la demande de M. Fabrice Y, i

l a annulé la délibération du conseil municipal de Freybouse du 14 juin 2001 décidant de...

Vu, I, sous le n° 03NC00004, la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 6 janvier 2003, présentée pour la COMMUNE DE FREYBOUSE (57660), représentée par son maire en exercice, à ce habilité par délibération du conseil municipal du 6 décembre 2002, par la société d'avocats M et R Avocats, complétée par des mémoires enregistrés les 7 mai et 18 août 2003 ;

La COMMUNE DE FREYBOUSE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg n° 0103613-

0104822 du 15 novembre 2002, en tant que, à la demande de M. Fabrice Y, il a annulé la délibération du conseil municipal de Freybouse du 14 juin 2001 décidant de donner des terres en location à M. Daniel Z et à Mme Jeanine-France Z ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Fabrice Y devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) de condamner M. Fabrice Y à lui verser 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement attaqué, fondé sur une citation erronée de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne, est irrégulier ;

- le droit de priorité prévu par l'article L. 411-5 du code rural, revient, pour une personne publique, à accorder une aide en-dehors des conditions normales du marché ; ainsi, ce texte est contraire à la fois à l'article 87 du traité et à l'article 8 du règlement n° 1257/1999 du 17 mai 1999,

- ce même droit de priorité instaure une discrimination contraire à l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme,

- M. Y ne remplit pas les conditions requises pour bénéficier de ce droit de priorité, dans la mesure où il n'est pas lui-même exploitant, l'exploitation s'effectuant par un GAEC dont il est associé ; il a apporté à ce groupement les terres louées par la commune en méconnaissance de l'article L. 411-38 du code rural ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires, enregistrés les 18 février et 20 juin 2003, présentés par M. Fabrice Y, qui conclut au rejet de requête et à la condamnation de la COMMUNE DE FREYBOUSE à lui verser 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

Vu l'ordonnance du président de la 1ère chambre de la Cour du 25 novembre 2003, fixant au 31 décembre 2003 la date de clôture de l'instruction ;

Vu les lettres en date du 25 novembre 2003 informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour est susceptible de soulever d'office le moyen tiré de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître du litige ;

Vu l'ordonnance du président de la 1ère chambre de la Cour du 12 février 2004, rouvrant l'instruction jusqu'au 31 mars 2004 ;

Vu, II, sous le n° 03NC00024, la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 13 janvier 2003, présentée par M. Daniel Z, demeurant ..., complétée par un mémoire enregistré le 22 août 2003 ;

M. Z demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg n° 01-03613-

01-04822 du 15 novembre 2002, en tant que, à la demande de M. Fabrice Y, il a annulé la délibération du conseil municipal de Freybouse du 14 juin 2001 décidant de lui donner des terres en location ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Fabrice Y devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) de condamner M. Fabrice Y à lui verser 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- M. Y ne pouvant pas être regardé comme bénéficiaire de la dotation d'installation aux jeunes agriculteurs, ne pouvait donc pas se prévaloir du droit de priorité prévu par l'article L. 411-5 du code rural ;

- en tout état de cause, cela n'impliquait pas que l'ensemble des terrains donnés en location par la commune lui soit attribué ;

- ces terrains n'étaient pas nécessaires à son installation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires, enregistrés les 22 avril et 6 octobre 2003, présentés par M. Fabrice Y, qui conclut au rejet de requête et à la condamnation de M. Z à lui verser 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

Vu l'ordonnance du président de la 1ère chambre de la Cour du 25 novembre 2003, fixant au 31 décembre 2003 la date de clôture de l'instruction ;

Vu les lettres en date du 25 novembre 2003 informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour est susceptible de soulever d'office le moyen tiré de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître du litige ;

Vu l'ordonnance du président de la 1ère chambre de la Cour du 12 février 2004, rouvrant l'instruction jusqu'au 31 mars 2004 ;

Vu, III, sous le n° 03NC00029, la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 15 janvier 2003, présentée par Mme Jeanine-France Z, demeurant ..., complétée par un mémoire enregistré le 27 août 2003 ;

Mme Z demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 01-03613-01-04822 du 15 novembre 2002 du Tribunal administratif de Strasbourg, en tant que, à la demande de M. Fabrice Y, il a annulé la délibération du conseil municipal de Freybouse du 14 juin 2001 décidant de lui donner des terres en location ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Fabrice Y devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) de condamner M. Fabrice Y à lui verser 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- M. Y ne pouvant pas être regardé comme bénéficiaire de la dotation d'installation aux jeunes agriculteurs, ne pouvait donc pas bénéficier du droit de priorité prévu par l'article L. 411-5 du code rural ;

- en tout état de cause, cela n'impliquait pas que l'ensemble des terrains donnés en location par la commune lui soit attribué ;

- ces terrains n'étaient pas nécessaires à son installation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires, enregistrés les 22 avril et 6 octobre 2003, présentés par M. Fabrice Y, qui conclut au rejet de requête et à la condamnation de Mme Z à lui verser 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

Vu l'ordonnance du président de la 1ère chambre de la Cour du 25 novembre 2003, fixant au 31 décembre 2003 la date de clôture de l'instruction ;

Vu les lettres en date du 25 novembre 2003 informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour est susceptible de soulever d'office le moyen tiré de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître du litige ;

Vu l'ordonnance du président de la 1ère chambre de la Cour du 12 février 2004, rouvrant l'instruction jusqu'au 31 mars 2004 ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le règlement du Conseil de l'Union européenne n° 1257/1999 du 17 mai 1999 concernant le soutien au développement rural par le fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) et modifiant et abrogeant certains règlements ;

Vu le code rural ;

Vu l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs, ensemble le décret n° 2001-373 du 27 avril 2001 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 octobre 2004 :

- le rapport de M. Clot, président,

- les observations de Me Schmitt, du cabinet M. et R., avocat de la COMMUNE de FREYBOUSE, et de M. Y,

- et les conclusions de M. Adrien, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que l'inexactitude entachant la citation, que comporte le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne est, dans les circonstances de l'espèce, restée sans incidence sur sa régularité ;

Sur la légalité de la délibération du conseil municipal de Freybouse du 14 juin 2001 :

Considérant qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 411-15 du code rural, applicable aux baux ruraux, lorsque le bailleur est une personne morale de droit public : Quel que soit le mode de conclusion du bail, une priorité est réservée aux exploitants qui réalisent une installation en bénéficiant de la dotation d'installation aux jeunes agriculteurs ou, à défaut, aux exploitants de la commune répondant aux conditions de capacité professionnelle et de superficie visées à l'article 188-2 du présent code -devenu l'article L. 331-2- ainsi qu'à leurs groupements (...) ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; que les dispositions précitées de l'article L. 411-15 du code rural ont pour objet et pour effet, non pas de priver les personnes morales de droit public de leur droit de propriété, mais de déterminer, conformément à l'intérêt général, les modalités de la gestion de ceux de leurs biens qu'elles donnent en location par bail rural ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompatibilité de ces dispositions législatives avec les stipulations susrappelées de l'article du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne : 1. Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. (...) 3. Peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun : (...) c) les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun (...) ; qu'aux termes de l'article 51 du règlement du Conseil de l'Union européenne n° 1257/1999 du 17 mai 1999 susvisé : 1. Sauf dispositions contraires du présent titre, les articles 87 à 89 du traité s'appliquent à l'aide octroyée par les Etats membres au titre des mesures de soutien en faveur du développement rural (...) ; que la priorité réservée aux jeunes agriculteurs par les dispositions précitées de l'article L. 411-15 du code rural ne peut être regardée comme une aide altérant les échanges dans une mesure contraire à l'intérêt communautaire ; que le règlement n° 1257/1999 du 17 mai 1999 précité, et notamment son article 8, relatif à l'installation de jeunes agriculteurs, n'a ni pour objet, ni pour effet d'interdire aux Etats d'accorder un tel avantage à cette catégorie d'agriculteurs ;

Considérant, enfin, que si M. Y est susceptible d'exploiter les terres dont s'agit dans le cadre d'un GAEC, cette circonstance n'est pas de nature à le priver de la possibilité de se prévaloir du droit de priorité que, en sa qualité de jeune agriculteur, il tient de l'article L. 411-15 du code rural ; qu'il n'est pas établi que les terres que la commune a données à bail à M. et Mme Z ne seraient pas nécessaires à M. Y ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé la délibération du 14 juin 2001 par laquelle le conseil municipal de Freybouse a décidé de donner des terres en location à M. Daniel Z et à Mme Jeanine-France Z ;

Sur les conclusions relatives aux frais exposés à l'occasion du litige et non compris dans les dépens :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, reprenant celles de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, font obstacle à ce que M. Y qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la COMMUNE DE FREYBOUSE, à M. Daniel Z et à Mme Jeanine-France Z quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner la COMMUNE DE FREYBOUSE, M. Daniel Z et Mme Jeanine-France Z à payer, chacun, à M. Y une somme de 100 euros au titre des frais exposés par celui-ci en appel et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes de la COMMUNE DE FREYBOUSE, de M. Daniel Z et de Mme Jeanine-France Z sont rejetées.

Article 2 : La COMMUNE DE FREYBOUSE versera à M. Fabrice Y la somme de 100 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : M. Daniel Z versera à M. Fabrice Y la somme de 100 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Mme Jeanine-France Z versera à M. Fabrice Y la somme de 100 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE FREYBOUSE, à M. Daniel Z, à Mme Jeanine-France Z, à M. Fabrice Y et au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

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03NC00004...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 03NC00029
Date de la décision : 18/11/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MAZZEGA
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: M. ADRIEN
Avocat(s) : SELAFA M et R AVOCATS ; SELAFA M et R AVOCATS ; SOCIÉTÉ D'AVOCATS M et R ; SELAFA M et R AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2004-11-18;03nc00029 ?
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