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16/02/2006 | FRANCE | N°05NC01296

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre, 16 février 2006, 05NC01296


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 30 septembre 2005, et le mémoire complémentaire enregistré le 19 janvier 2006 présentés par le PREFET DES ARDENNES ; le PREFET DES ARDENNES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 août 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé son arrêté en date du 13 juillet 2005 décidant la reconduite à la frontière de M. Vano à destination de la Géorgie ou de tout autre pays dans lequel il est légalement admissible ;

2°) de rejeter la d

emande de M. devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

Il soutien...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 30 septembre 2005, et le mémoire complémentaire enregistré le 19 janvier 2006 présentés par le PREFET DES ARDENNES ; le PREFET DES ARDENNES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 août 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé son arrêté en date du 13 juillet 2005 décidant la reconduite à la frontière de M. Vano à destination de la Géorgie ou de tout autre pays dans lequel il est légalement admissible ;

2°) de rejeter la demande de M. devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

Il soutient que :

- l'état de santé des parents du requérant, qui ne peuvent être considérés comme âgés, n'est pas suffisamment grave pour justifier la présence de leur fils à leur côté ;

- l'exécution de l'arrêté de reconduite à la frontière ne porterait pas une atteinte disproportionnée au droit de M. au respect de sa vie privée et familiale ;

- l'état de santé de M. ne nécessite pas des soins constants mais simplement une surveillance à long terme ;

- M. n'établit pas être directement et personnellement menacé en cas de retour dans son pays d'origine ;

- la Géorgie est désormais considérée comme un « pays d'origine sûr » par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

- la décision fixant le pays de renvoi ne contrevient pas aux dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation dans l'examen de la situation personnelle de l'intéressé ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré au greffe de la Cour le 19 décembre 2005, présenté pour M. Vano élisant domicile ..., par Maître Vitel ; M. demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête du PREFET DES ARDENNES ;

2°) - de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le maintien de la cellule familiale est nécessaire tant pour lui que pour ses parents ;

- ses parent ont obtenu le statut de réfugié ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;

- il est atteint d'une pathologie très sérieuse ;

- il a été personnellement menacé en raison de l'activité de son père en Géorgie ;

- il serait exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans on pays d'origine ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du 27 janvier 2005 du Président de la Cour déléguant M. Alain LEDUCQ pour rendre les décisions ou statuer par ordonnance en application des dispositions de l'article R. 222-33 du code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 janvier 2006 :

- le rapport de M. Leducq, président de chambre délégué,

- les observations de Me Levi-Cyferman, substituant Me Vitel, avocat de M. X,

- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà d'un délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ; (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Vano , de nationalité géorgienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 7 avril 2005, de la décision du PREFET DES ARDENNES du 5 avril 2005 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il était ainsi dans le cas visé au 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Sur l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant d'une part que si M. a produit des certificats médicaux établissant que ses deux parents soufrent de sérieux problèmes de santé rendant nécessaire un suivi médical, il ressort des pièces du dossier que ni leur age, ni leur état de santé ne rendent nécessaire la présence d'une tierce personne à leurs côtés, et que, d'autre part il ressort des pièces du dossier que la pathologie dont souffre M. ne nécessite pas des soins constants, mais une simple surveillance à long terme ; que dans ces conditions, et eu égard aux conditions de séjour en France du requérant qui est âgé de 26 ans et célibataire, le PREFET DES ARDENNES est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler son arrêté du 13 juillet 2005 ordonnant la reconduite à la frontière de M. , le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a jugé que l'exécution de l'arrêté attaqué porterait au droit de M. au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DES ARDENES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif a annulé son arrêté du 13 juillet 2005 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Vano ;

Sur la décision distincte fixant le pays d'origine à destination duquel M. doit être reconduit :

Considérant qu'en indiquant, dans le dispositif de son arrêté, que M. devait être reconduit vers son pays d'origine ou de toute autre pays dans lequel il est légalement admissible, le PREFET DES ARDENNES doit être regardé comme ayant décidé que ce dernier pourrait notamment être reconduit dans le pays dont il a la nationalité ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou des traitements inhumains » et qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacés ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales » ;

Considérant que M. fait valoir, d'une part, qu'il est personnellement menacé en raison des activités de son père M. David et d'autre part qu'il a été récemment convoqué par un enquêteur des affaires spéciales du département d'investigation du ministère de l'intérieur de Géorgie ;

Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier d'une part que si M. David a obtenu le statut de réfugié par décision du 14 mars 2005 de la commission de recours des réfugiés, la demande du requérant a été rejetée à deux reprises par l'Office de protection des réfugiés et apatrides et que, d'autre part, les éléments qu'il produit ne sont pas suffisamment probants pour établir la réalité des faits allégués et des risques invoqués ; qu'enfin, la Géorgie est considérée comme un pays sûr au sens de l'article L. 741-4 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par une décision du 30 juin 2005 du conseil d'administration de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que, par suite, c'est à tort que, pour annuler la décision distincte fixant le pays de destination de la mesure de reconduite, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, retenant l'unique moyen de la demande dirigé contre cette décision, s'est fondé sur ce qu'elle méconnaissait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à M. la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 30 août 2005 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.

Article 2 : la demande de M. Vano devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. Vano tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DES ARDENNES, à M. Vano et au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

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N° 05NC01296


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 05NC01296
Date de la décision : 16/02/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alain LEDUCQ
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : VITEL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-02-16;05nc01296 ?
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