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20/03/2006 | FRANCE | N°03NC00841

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4eme chambre - formation a 3, 20 mars 2006, 03NC00841


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 9 août 2003, complétée par un mémoire enregistré le 23 février 2006, présentée pour la société LEROY MERLIN, représentée par ses représentants légaux, ayant son siège ..., par Me Z... ; La société LEROY MERLIN demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 01-2316 en date du 20 mai 2003 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 août 2001 de la commission départementale d'équipement commercial de la Marne ayant autorisé le tr

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 9 août 2003, complétée par un mémoire enregistré le 23 février 2006, présentée pour la société LEROY MERLIN, représentée par ses représentants légaux, ayant son siège ..., par Me Z... ; La société LEROY MERLIN demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 01-2316 en date du 20 mai 2003 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 août 2001 de la commission départementale d'équipement commercial de la Marne ayant autorisé le transfert et l'extension d'un magasin de bricolage-décoration-jardinage de l'enseigne Bricorama à Disy et à la condamnation de la société Bricorama à lui verser une somme de 5 000 F au titre des frais irrépétibles ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;

Elle soutient que :

- le jugement a omis de prendre en considération le mémoire déposé le 13 mars 2002 par la préfecture de la Marne, avant la clôture de l'instruction intervenue le 26 avril 2003 ;

- le jugement est insuffisamment motivé, n'explicitant pas la persistance d'une évasion commerciale ni en quoi elle serait limitée par le projet et le consommateur serait mieux satisfait ;

- la société Bricorama n'avait pas de titre l'autorisant à déposer une demande d'exploitation commerciale : l'attestation notariale produite porte sur l'engagement de la communauté de communes à vendre une parcelle à la société Promo Brico et la délibération du 6 novembre 2000 de la communauté de communes de la Grande Vallée de la Marne ne justifie aucune autorisation de déposer une demande sur un terrain sur lequel elle n'avait aucun droit ;

- l'autorisation du projet crée une surdensité commerciale non compensée par une augmentation forte de la population et préjudiciable au commerce local du centre d'Epernay, de nature à entraîner une disparition de plusieurs petits commerces non compensée par la création de quelques emplois ; les dépenses commercialisables ont été surestimées et le dossier soumis à la commission comporte de nombreuses inexactitudes ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 26 avril 2004 et 15 février 2006, présentés pour la société Bricorama, représentée par son président, ayant son siège ... par Me Y... ; la société Bricorama conclut au rejet de la requête et à ce que la société LEROY MERLIN soit condamnée à lui verser une somme de 5 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'appel de la société LEROY MERLIN est irrecevable car la requérante n'a pas d'intérêt pour agir et parce que, lorsque qu'existe un recours préalable obligatoire avant de saisir le juge d'une demande d'annulation d'une décision, celui ci s'impose non seulement aux personnes visées par les dispositions instituant ce recours mais à tout tiers disposant d'un intérêt suffisant pour agir ;

- il n'est pas démontré que le jugement a omis de prendre en considération le mémoire déposé le 13 mars 2002 par la préfecture de la Marne, ni, à le supposer établi, que le tribunal n'a pas pris connaissance du mémoire dont l'analyse a été omise, or, tel n'est pas le cas puisque il a écarté le moyen tiré de l'irrégularité de la convocation des membres de la commission en se fondant sur les pièces produites par le préfet ; l'omission de l'analyse des conclusions et moyens est sans incidence lorsqu'il s'agit d'un mémoire en défense ;

- le jugement est suffisamment motivé puisqu'il permet à la requérante de critiquer les motifs retenus au fond par le tribunal ;

- la commission doit se limiter à l'apparence créée par le titre produit, en l'espèce l'attestation notariale indique non seulement l'existence d'une promesse de vente passée entre la communauté de communes et une filiale du groupe Bricorama, mais elle confirme que les deux sociétés ont été autorisées à déposer une demande d'autorisation d'exploitation commerciale sur le terrain, le bénéficiaire de l'engagement pouvant, en tout état de cause, autoriser un tiers à procéder à une telle demande comme cela a été le cas en l'espèce ; la délibération du 6 novembre 2000 de la communauté de communes autorisant son président à signer le protocole de vente de cette parcelle avec la société Bricorama a conforté la commission quand à la réalité du titre détenu ; la signature de la promesse de vente avec la société Promo Brico ne remet pas en cause l'accord donné pour la réalisation du projet Bricorama ;

- la requérante n'établit pas le risque de déséquilibre entre les différentes formes de commerce qui serait induit par le projet, alors même que ses effets positifs ont été soulignés par le rapport de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DDCCRF) qui a émis un avis favorable au projet ;

- la densité commerciale de la zone de chalandise est avant réalisation du projet inférieure aux moyennes départementales et nationales et restera inférieure ensuite à celle des zones concurrentes de Reims et Epernay ;

- les effets positifs entraînés par le projet sont nombreux : meilleure attractivité de la zone de chalandise, limitation de l'évasion commerciale, création de seize emplois à temps plein ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 modifiée ;

Vu le décret n° 93-306 du 9 mars 1993 modifié ;

Vu l'arrêté du 12 décembre 1997 fixant le contenu de la demande d'autorisation d'exploitation de certains magasins de commerce de détail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 février 2006 :

- le rapport de M. Devillers, premier conseiller,

- les observations de Me X..., de la SCP Lefevre - Pelletier, avocat de la société Bricorama France,

- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, que si l'expédition du jugement notifiée à la société LEROY MERLIN ne mentionne pas dans ses visas le mémoire enregistré le 13 mars 2002 et présenté par le préfet de la Marne, il résulte de la minute de ce jugement qui répond à l'ensemble des exigences, y compris celles relatives aux visas, posées par les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, que ce mémoire a été précisément visé ; que par ailleurs, le tribunal a analysé l'ensemble des conclusions dont il était saisi et y a statué de manière expresse ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : « Les jugements sont motivés. » ; qu'il résulte de l'examen du jugement attaqué qu'il précise les motifs, de droit et de fait, justifiant le rejet de la demande de la société LEROY MERLIN ; que les premiers juges, qui n'ont omis de statuer sur aucun des moyens soulevés devant eux et qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments des parties, ont ainsi respecté l'obligation de motivation exigée par les dispositions de l'article L. 9 précité ; que, dès lors, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de ce jugement manque en fait ;

Sur la légalité de la décision et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 18 du décret du 9 mars 1993 : « La demande d'autorisation est présentée, soit par le propriétaire du terrain, soit par une personne habilitée à construire sur le terrain ou à exploiter commercialement l'immeuble » ; qu'un accord donné à une société par un propriétaire apparent pour déposer une demande d'exploitation commerciale permet à celle ci d'obtenir légalement l'autorisation ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la demande présentée par la SA Bricorama devant la commission départementale d'équipement commercial de la Marne était jointe une attestation notariale en date du 14 novembre 2000 relative à l'existence d'une promesse de vente de la parcelle concernée passée entre la communauté de communes de la Grande Vallée de la Marne et la société Promo Brico, dont il n'est pas contesté qu'elle est une filiale du groupe Bricorama, et au fait que les deux sociétés - Promo Brico et Bricorama - sont autorisées par la communauté de communes à déposer une demande d'autorisation d'exploitation commerciale à l'enseigne Bricorama sur ce terrain ; qu'ainsi, la demande présentée satisfaisait à la condition tenant à la qualité du pétitionnaire découlant des dispositions précitées de l'article 18 du décret du 9 mars 1993 ;

Considérant, en second lieu, que, pour l'application des dispositions combinées de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 et des articles L. 720 ;1 à L. 720 ;3 du code de commerce : « il appartient aux commissions d'équipement commercial, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'apprécier si un projet soumis à autorisation est de nature à compromettre, dans la zone de chalandise intéressée, l'équilibre recherché par le législateur entre les diverses formes de commerce et, dans l'affirmative, de rechercher si cet inconvénient est compensé par des effets positifs du projet appréciés, d'une part, en tenant compte de sa contribution à l'emploi, à l'aménagement du territoire, à la concurrence, à la modernisation des équipements commerciaux et, plus généralement, à la satisfaction des besoins des consommateurs et, d'autre part, en évaluant son impact sur les conditions de circulation et de stationnement aux abords du site envisagé. » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la densité des équipements commerciaux de la zone de chalandise du projet spécialisés dans la vente d'articles de bricolage, de décoration et de jardinage s'établirait, après réalisation de celui-ci, à 301 m² pour 1 000 habitants, donc supérieure à la moyenne nationale de référence de 174 m², et également à la moyenne départementale qui s'établit à 270 m² ; que le projet, permettra, cependant, par un transfert dans une nouvelle zone d'activité de l'actuel magasin « Bricorama » exploité à Disy, un élargissement de l'offre de produits bricolage-jardin, qui devrait être de nature à réduire l'évasion commerciale, sur laquelle le magasin réalisera l'essentiel de son chiffre d'affaires supplémentaire, procurera une meilleure satisfaction du consommateur et une amélioration des conditions de travail des salariés, entraînera la création nette de 16 emplois et l'amélioration de l'attraction de la zone d'Epernay ; qu'ainsi en accordant l'autorisation sollicitée, la commission départementale d'équipement commercial n'a pas fait une inexacte appréciation des objectifs fixés par les dispositions législatives susvisées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société LEROY MERLIN n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner la société LEROY MERLIN à payer à la société Bricorama une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : La requête de la société LEROY MERLIN est rejetée.

Article 2 : La société LEROY MERLIN versera à la société Bricorama une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société LEROY MERLIN, à la société Bricorama et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

3

N°03NC00841


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 03NC00841
Date de la décision : 20/03/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ROTH
Rapporteur ?: M. Pascal DEVILLERS
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : LETANG

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-03-20;03nc00841 ?
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