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07/01/2008 | FRANCE | N°07NC00824

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 07 janvier 2008, 07NC00824


Vu la requête, enregistrée le 29 juin 2007, complétée les 4 septembre 2007 et 2 novembre 2007, présentée pour M. Sylvain X, demeurant ... par Me Chebbale ; M. X demande à la cour :


1°) d'annuler le jugement n° 0701046 du 29 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 29 janvier 2007 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui accorder un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé la Côte d'Ivoire comme pays de d

estination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décisio...

Vu la requête, enregistrée le 29 juin 2007, complétée les 4 septembre 2007 et 2 novembre 2007, présentée pour M. Sylvain X, demeurant ... par Me Chebbale ; M. X demande à la cour :


1°) d'annuler le jugement n° 0701046 du 29 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 29 janvier 2007 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui accorder un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé la Côte d'Ivoire comme pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, injonction assortie d'une astreinte d'un montant de 50 euros par jour de retard en application de l'article L. 911-3 du code de justice administrative ; subsidiairement, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

- la décision de refus de séjour n'est pas suffisamment motivée car employant une formule stéréotypée ne comportant aucun élément précis et circonstancié ;

- la décision de refus de séjour aurait dû être précédée de la consultation de la commission du titre de séjour, le moyen étant opérant, contrairement à ce qu'ont relevé les premiers juges, dès lors qu'il entrait dans le champ d'application de l'article L. 313-11-7° ;

- la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie familiale dès lors qu'il réside en France depuis 14 ans, que ses trois soeurs y résident également, qu'il est d'ailleurs associé à l'une d'elles au sein d'une SARL familiale, qu'il a repris des études en France et a eu plusieurs contacts en vue d'un emploi et qu'il n'a plus aucun lien avec sa mère, demeurée en Côte d'Ivoire, pays dans lequel il n'est pas retourné depuis 14 ans ;

- l'obligation de quitter le territoire français émane d'une autorité incompétente car le secrétaire général de la préfecture n'était pas titulaire d'une délégation lui permettant de signer les obligations de quitter le territoire français, la délégation qui lui a été accordée par le préfet étant antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 24 juillet 2006 ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas motivée ;

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de ses attaches privées et familiales ;

- elle méconnaît également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation, car ne tient pas compte de la stabilité de son séjour et des offres d'emploi qui lui sont faites ;


Vu le jugement et la décision attaqués ;


Vu, enregistré le 31 octobre 2007 le mémoire en défense présenté par le préfet du Bas-Rhin ; il conclut au rejet de la requête et fait valoir :

- que l'arrêté a été signé par une autorité ayant été régulièrement habilitée ;

- que la décision est motivée tant en fait qu'en droit ;

- que la commission des titres de séjour n'avait pas à être saisie du dossier ;

- que la communauté de vie avec son épouse ayant cessé, M. X ne peut prétendre à la délivrance d'un titre en application de l'article L. 31-11-4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- qu'ayant résidé en qualité d'étudiant, il ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 511-4 du même code ;

- que les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues ;

- qu'il pouvait fixer la Côte d'Ivoire comme pays de destination dès lors que M. X est ressortissant de ce pays ;


Vu l'ordonnance du président de la quatrième chambre de la Cour en date du 17 juillet 2007 fixant la clôture de l'instruction au 2 novembre 2007 ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle en date du 28 septembre 2007 accordant à M. X l'aide juridictionnelle totale ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 décembre 2007 :

- le rapport de Mme Rousselle, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;



Considérant que M. X, de nationalité ivoirienne, est entré en France en 1993 afin d'y poursuivre ses études et a obtenu plusieurs titres de séjour temporaires en qualité d'étudiant, lui permettant de résider régulièrement en France jusqu'au 21 septembre 2005 ; que, suite à son mariage avec une ressortissante française, un titre de séjour valable du 4 octobre 2005 au 3 octobre 2006, portant la mention vie privée et familiale, lui a été délivré par le préfet du Bas-Rhin ; que le couple s'étant séparé, le préfet du Bas-Rhin a, par décision du 29 janvier 2007, refusé de lui renouveler ce titre de séjour temporaire, lui a fait obligation de quitter le territoire français et indiqué qu'il pourrait être reconduit d'office à la frontière à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout pays pour lequel il établit être légalement admissible ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de M. X tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur le refus de séjour, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant d'une part qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : «Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention «vie privée et familiale» est délivrée de plein droit : (…) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus» ; que, d'autre part, aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 précitée doivent être motivées notamment, les «décisions qui restreignent l'exercice des libertés publiques ou, d'une manière générale, constituent une mesure de police» et que l'article 3 de la même loi dispose que «la motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision» ;
Considérant que l'arrêté attaqué du préfet du Bas-Rhin en date du 29 janvier 2007, qui refuse à M. X la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention «vie privée est familiale», porte comme motifs que l'intéressé «n'est pas en mesure d'établir remplir les conditions exigées par la réglementation en vigueur en France pour être admis au séjour» et «qu'il ne démontre pas qu'il est dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine ni qu'il dispose d'attaches privées et/ou familiales telles au regard de la durée et des conditions de son séjour en France, que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus» ; qu'en se référant, de manière générale et sans apporter de précisions, à la réglementation en vigueur pour être admis au séjour et en se bornant, par une formule stéréotypée, à reproduire une partie des conditions posées par l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tout en s'abstenant de préciser les éléments de fait qui sont à la base de la mesure de police contestée, le préfet du Bas-Rhin n'a pas satisfait aux exigences de motivation en droit et en fait issues de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'il suit de là que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et que la décision du préfet, en date du 29 janvier 2007, doit être annulée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu, par voie de conséquence, d'annuler les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;


Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : «Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée (…) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas» ;


Considérant que si le présent arrêt n'implique pas qu'il soit enjoint au préfet du Bas-Rhin de délivrer un titre de séjour, il implique, par application des dispositions précitées, que le préfet du Bas-Rhin délivre à M. X, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il soit à nouveau statué sur sa demande ; qu'il y a lieu, par suite d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de délivrer, dans un délai d'un mois, une autorisation provisoire de séjour à M. X jusqu'à ce qu'il soit à nouveau statué sur son cas ; qu'en l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;


Sur les frais irrépétibles :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à payer au conseil de M. X au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;


DÉCIDE :


Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg du 29 juin 2007 et la décision du préfet du Bas-Rhin en date du 29 janvier 2007 refusant à M. X la délivrance d'un titre de séjour, lui ordonnant de quitter le territoire français et déterminant le pays d'éloignement sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Bas-Rhin de délivrer, dans le délai d'un mois, une autorisation provisoire de séjour à M. X jusqu'à ce qu'il soit à nouveau statué sur sa demande.

Article 3 : L'Etat versera au conseil de M. X une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. X est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Sylvain X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.


Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.



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N° 07NC83024


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07NC00824
Date de la décision : 07/01/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. COMMENVILLE
Rapporteur ?: Mme Pascale ROUSSELLE
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : CHEBBALE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2008-01-07;07nc00824 ?
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