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04/02/2009 | FRANCE | N°08NC00169

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 04 février 2009, 08NC00169


Vu la requête, enregistrée le 4 février 2008, présentée pour Mme Manana X, demeurant au ..., par Me Bertin ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701017 du 27 septembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 8 juin 2007 par lequel le préfet de la Haute-Saône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté ;

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°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Saône de lui délivrer une carte de séjour temporaire porta...

Vu la requête, enregistrée le 4 février 2008, présentée pour Mme Manana X, demeurant au ..., par Me Bertin ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701017 du 27 septembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 8 juin 2007 par lequel le préfet de la Haute-Saône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Saône de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, subsidiairement, de lui délivrer, dans un délai de 10 jours à compter de cette notification, une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa demande ;

4°) de mettre une somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Elle soutient :

- s'agissant de la décision portant refus de lui délivrer un titre de séjour, d'une part, que cette décision n'est pas suffisamment motivée en fait, dès lors qu'elle ne fait mention d'aucun élément concernant sa situation familiale et, d'autre part, que c'est à tort que le Tribunal a estimé que cette décision n'était pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation, alors que sa présence est nécessaire à la cellule familiale composée de son jeune neveu, de sa nièce ainsi que du jeune enfant de cette dernière, dont elle assure régulièrement la garde pendant que sa mère suit des cours ;

- s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français, que cette décision ne comporte aucune motivation spécifique et ne pouvait se borner à viser le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans préciser l'article de ce code sur lequel elle se fonde ;

- s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi, que cette décision a été prise en violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que les pièces qu'elle verse au dossier démontrent la réalité des risques qu'elle encourt en cas de retour en Géorgie ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2008, présenté par le préfet de la Haute-Saône, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient, à titre principal, que la requête est tardive et, par suite irrecevable, et, à titre subsidiaire, qu'aucun des moyens invoqués dans cette requête n'est fondé ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 14 décembre 2007, admettant Mme X au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 2009 :

- le rapport de M. Couvert-Castéra, président,

- et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Haute-Saône :

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que Mme X a, le 18 octobre 2007, soit dans le délai d'un mois suivant la notification le 28 septembre 2007 du jugement attaqué, présenté une demande d'aide juridictionnelle qui a interrompu le délai d'appel ; que la décision du 14 décembre 2007 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle lui a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale lui a été notifiée le 23 janvier 2008 ; que sa requête, enregistrée le 4 février 2008, soit dans le délai d'un mois suivant cette notification, n'est pas tardive ; qu'il s'ensuit que la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Haute-Saône doit être écartée ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de délivrance d'un titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée, qui mentionne notamment les décisions par lesquelles les demandes d'asile présentées par l'intéressée ont été rejetées par les instances compétentes, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que la circonstance qu'elle ne mentionne pas de façon explicite les raisons pour lesquelles Mme X ne pouvait bénéficier d'une mesure gracieuse de régularisation en considération de sa situation personnelle et familiale n'est pas de nature à faire regarder ladite décision comme insuffisamment motivée ;

Considérant, en second lieu, que, au soutien de sa critique du jugement, Mme X reprend l'argumentation qu'elle avait présentée en première instance à l'appui de son moyen tiré de ce que la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les premiers juges auraient, par les motifs qu'ils ont retenus et qu'il y a lieu d'adopter, commis une erreur en écartant ce moyen ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination :

Considérant que l'obligation de quitter le territoire français est une mesure de police qui doit, comme telle, être motivée en application des règles de forme édictées, pour l'ensemble des décisions administratives, par l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que, toutefois, la motivation de cette mesure se confond avec celle du refus ou du retrait de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus ou ce retrait est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique pour respecter les exigences de ladite loi ;

Considérant que si l'arrêté du préfet de la Haute-Saône en date du 8 juin 2007 vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne mentionne pas les dispositions du I de l'article L. 511-1 de ce code qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français et ne satisfait donc pas, en ce qui concerne cette dernière décision, aux exigences de motivation de la loi du 11 juillet 1979 ; que l'annulation pour ce motif de la décision figurant à l'article 2 de l'arrêté attaqué faisant obligation à Mme X de quitter le territoire français dans le délai d'un mois entraîne, par voie de conséquence, l'annulation de l'article 3 dudit arrêté, qui dispose que l'intéressée pourra, à l'expiration de ce délai, être reconduite d'office à la frontière à destination de la Géorgie ou de tout pays dans lequel elle est légalement admissible, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen dirigé par Mme X contre cette dernière décision ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination :

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou qu'un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ; que l'article L. 911-2 du même code dispose que : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé » ; qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (...) Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas » ;

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation du refus de titre de séjour opposé à Mme X, n'implique pas qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Saône de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », comme elle le demande à titre principal ; que, cependant, l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français implique, eu égard au motif d'annulation retenu, que soit délivrée à Mme X, comme elle le demande à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet de la Haute-Saône ait à nouveau statué sur son droit au séjour et ce, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que Mme X a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; que, toutefois, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 2 et 3 de l'arrêté du préfet de la Haute-Saône en date du 8 juin 2007 sont annulés.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 27 septembre 2007 est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Saône de délivrer une autorisation provisoire de séjour à Mme X et de procéder, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, à un nouvel examen de la situation administrative de l'intéressée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Manana X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

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N° 08NC00169


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08NC00169
Date de la décision : 04/02/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: M. Olivier COUVERT-CASTERA
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : CABINET BERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2009-02-04;08nc00169 ?
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