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05/11/2009 | FRANCE | N°08NC01596

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 05 novembre 2009, 08NC01596


Vu la requête, enregistrée le 5 novembre 2008, complétée par des mémoires enregistrés le 12 février 2009 et le 27 mai 2009, présentée pour M. Karim A, demeurant chez Mme Florence B, ..., par Me Shebabo ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0802019 du 23 octobre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 10 juin 2008 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a

fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné ;

2°) d'annuler pour e...

Vu la requête, enregistrée le 5 novembre 2008, complétée par des mémoires enregistrés le 12 février 2009 et le 27 mai 2009, présentée pour M. Karim A, demeurant chez Mme Florence B, ..., par Me Shebabo ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0802019 du 23 octobre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 10 juin 2008 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Marne, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour portant la mention vie privée et familiale dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte, et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a soutenu le préfet en première instance, sa demande devant le Tribunal administratif n'était pas tardive ;

- la décision portant refus de lui délivrer un titre de séjour et la décision portant obligation de quitter le territoire français ne sont pas suffisamment motivées ;

- lesdites décisions ont été prises sans qu'ait été suivie au préalable la procédure contradictoire requise par les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

- la décision portant refus de lui délivrer un titre de séjour a été prise en violation des dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la communauté de vie avec son épouse a été rompue en raison des violences morales qu'il a subies de la part de celle-ci ;

- l'arrêté attaqué porte atteinte à son droit à une vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a été pris en violation des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté attaqué a été pris en violation des stipulations de l'article 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui garantissent le droit au mariage ;

- la décision par laquelle le préfet de la Marne a refusé de lui accorder un titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2009, complété par un mémoire enregistré le 14 mai 2009, présenté par le préfet de la Marne, qui conclut au rejet de la requête, au motif qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 octobre 2009 :

- le rapport de M. Couvert-Castéra, président,

- et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur public ;

Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance :

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant, en premier lieu, qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter les moyens, qui ne comportent aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation qu'il avait développée devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, tirés par M. A de la motivation insuffisante des décisions du 10 juin 2008 par lesquelles le préfet de la Marne a refusé de lui accorder un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000 : Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales... ; qu'il ressort des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français ; que, dès lors, les dispositions précitées de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, qui fixent les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne sauraient être utilement invoquées par M. A à l'encontre de la décision du 10 juin 2008 par laquelle le préfet de la Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français ; qu'en vertu de leurs termes mêmes, lesdites dispositions ne peuvent pas davantage être utilement invoquées par M. A à l'encontre de la décision du 10 juin 2008 par laquelle le préfet de la Marne a refusé de lui accorder un titre de séjour, qui a été prise en réponse à une demande formulée par l'intéressé ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention ''vie privée et familiale'' est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français et qu'aux termes de l'article L. 313-12 du même code : (...) Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé. Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et peut en accorder le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale (...) ; qu'il est constant qu'à la date du 10 juin 2008 à laquelle le préfet de la Marne a refusé de délivrer à M. A, ressortissant tunisien, une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions précitées du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce dernier ne remplissait pas la condition de communauté de vie avec son épouse, Mme C, de nationalité française ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A ait fait état, lorsqu'il a sollicité le 13 février 2008 la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité de conjoint de français, ou lors de l'instruction de cette demande par les services de la préfecture, de violences commises par son épouse, qui l'auraient conduit à rompre la vie commune avec cette dernière ; que, en tout état de cause, l'intéressé ne justifie pas de la réalité des violences morales qu'il allègue avoir subies de la part de son épouse en produisant une copie des plaintes qu'il a déposées le 14 août 2008 et le 24 novembre 2008 à son encontre et une attestation de sa nouvelle compagne, établie le 13 août 2008 ; qu'il s'ensuit que doit être écarté le moyen tiré par M. A de la méconnaissance des dispositions précitées ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. et qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : ... 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ; que, si M. A fait valoir qu'il est hébergé par sa nouvelle compagne, de nationalité française, avec laquelle il souhaite fonder un foyer, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé n'est entré en France que le 11 février 2008 et il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales en Tunisie, où il a vécu jusqu'à l'âge de 28 ans ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la brièveté du séjour en France de l'intéressé à la date du 10 juin 2008 à laquelle a été pris l'arrêté contesté, doit être écarté le moyen tiré par M. A de ce que les décisions par lesquelles le préfet de la Marne a refusé de lui accorder un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français auraient porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par ces décisions et méconnaîtraient par suite les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : A partir de l'âge nubile, l'homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l'exercice de ce droit ; que, si M. A fait valoir qu'il a l'intention de se marier avec une ressortissante française, l'arrêté contesté n'a, en tout état de cause, ni pour objet ni pour effet d'interdire à l'intéressé, qui était au demeurant encore marié avec Mme C à la date de l'arrêté attaqué, de se marier avec sa nouvelle compagne ;

Considérant, en quatrième lieu, que si M. A soutient qu'il a dû quitter le domicile conjugal en raison des violences morales qu'il a subies de la part de son épouse et que le centre de ses intérêts personnels et professionnels est en France, il n'établit pas que la décision par laquelle le préfet de la Marne a refusé de lui accorder un titre de séjour serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 10 juin 2008 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ;

Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de M. A, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, doivent être rejetées les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Karim A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

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N° 08NC01596


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08NC01596
Date de la décision : 05/11/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: M. Olivier COUVERT-CASTERA
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : SHEBABO

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2009-11-05;08nc01596 ?
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