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18/02/2010 | FRANCE | N°09NC00743

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 18 février 2010, 09NC00743


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 19 mai 2009, présentée pour la COMMUNE DE CHARLEVILLE-MEZIERES par Me Seban ;

La COMMUNE DE CHARLEVILLE-MEZIERES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702573 du 19 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté de son maire en date du 12 octobre 2007 infligeant à M. A une exclusion temporaire de fonctions d'une durée de trois mois ;

2°) de rejeter la demande formée par M. A devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de M. A un

e somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 19 mai 2009, présentée pour la COMMUNE DE CHARLEVILLE-MEZIERES par Me Seban ;

La COMMUNE DE CHARLEVILLE-MEZIERES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702573 du 19 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté de son maire en date du 12 octobre 2007 infligeant à M. A une exclusion temporaire de fonctions d'une durée de trois mois ;

2°) de rejeter la demande formée par M. A devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de M. A une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la composition du conseil de discipline qui a siégé le 9 octobre 2007 était régulière ; le président du conseil n'avait pas à rétablir la parité au sein du conseil entre les représentants de la collectivité et ceux du personnel ; les textes ne l'imposaient pas ; de plus, ceci était impossible, le président se serait retrouvé seul, ce qui empêchait la tenue du conseil ;

- le signataire de l'arrêté du 12 octobre 2007 bénéficiait d'une délégation de signature que lui avait consentie le maire et qui avait été publiée et transmise au contrôle de légalité ;

- l'adjoint au maire, signataire de l'arrêté, pouvait siéger en qualité de représentant de la collectivité ; les dispositions de l'article 6 §1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne trouvent pas à s'appliquer en la matière ;

- la sanction est suffisamment motivée en droit et en fait ;

- les faits sont matériellement établis ; la circonstance que M. A n'aurait pas eu l'intention de s'exhiber est sans emport sur la réalité de la faute qui est établie ; elle pouvait tenir compte de ces faits graves avant même que le juge pénal n'ait statué définitivement ;

- la sanction n'est pas illégale dès lors que M. A n'a pas subi une mutation à caractère disciplinaire à compter du 11 juillet 2005 à la tête du service juridique de la commune ; ce changement d'affectation, qu'il n'a pas contesté, était conforme à l'intérêt du service et a été décidé à sa demande ;

- la sanction n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la gravité de la faute commise ; M. A a commis un délit correctionnel ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2009, présenté pour M. A par Me Boulay, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la COMMUNE DE CHARLEVILLE-MEZIERES au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le tribunal a fait une exacte application de l'article 90 de la loi du 26 janvier 1984 et de l'article 1er du décret du 19 septembre 1989 ; le président du conseil aurait dû rétablir la parité ; le conseil ne pouvait siéger sans représentation du personnel ; admettre le contraire heurterait les dispositions de l'article 6 §1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la présence de l'adjoint au maire chargé du personnel comme membre du conseil de discipline a rompu l'impartialité qui s'impose à un tel organisme, dès lors que ce dernier est le signataire de la sanction ; il lui avait fait savoir son souhait qu'il quitte la commune lors de la dernière notation et faisait preuve d'animosité à son égard ;

- l'adjoint au maire, signataire de la sanction, ne disposait pas d'une délégation de signature régulière ; la délégation produite ne concerne pas l'exercice du pouvoir disciplinaire ; l'inscription au registre de la mairie de l'arrêté de délégation ne saurait valoir publication régulière ;

- la sanction est insuffisamment motivée en fait ; de plus, la motivation se borne à reprendre les motifs retenus par le conseil de discipline ;

- les faits retenus à son encontre n'ont pas de caractère intentionnel, donc pas de caractère disciplinaire ;

- il a fait l'objet d'une première sanction en étant muté à la tête du service de la veille juridique à compter du 11 juillet 2005 ; il ne pouvait légalement être sanctionné une seconde fois ;

- la sanction qui lui a été infligée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; sa carrière administrative est irréprochable depuis 21 ans ; il n'a commis aucune faute disciplinaire le 24 juin 2005 ;

Vu l'ordonnance du 23 décembre 2009 du président de la 3ème chambre de la Cour portant clôture de l'instruction au 14 janvier 2010 à 16 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

Vu décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 janvier 2010 :

- le rapport de M. Tréand, premier conseiller,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me Carrère, représentant Me Seban, avocat de la COMMUNE DE CHARLEVILLE MEZIERES ;

Vu, enregistrée le 2 février 2010, la note en délibéré présentée pour la COMMUNE DE CHARLEVILLE MEZIERES ;

Sur la légalité de la sanction :

En ce qui concerne le moyen retenu par le tribunal :

Considérant qu'aux termes de l'article 90 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 : (..) /. La parité numérique entre représentants des collectivités territoriales et représentants du personnel doit être assurée au sein de la commission administrative paritaire siégeant en formation disciplinaire, au besoin par tirage au sort des représentants des collectivités territoriales au sein de la commission lorsqu'un ou plusieurs fonctionnaires de grade inférieur à celui du fonctionnaire poursuivi ne peut ou ne peuvent siéger. / (..) / Le conseil de discipline délibère valablement lorsque le quorum fixé, pour chacun des représentations du personnel et des collectivités, à la moitié plus une des voix de leurs membres respectifs, est atteint. / En cas d'absence d'un ou plusieurs membres dans la représentation des élus ou dans celle du personnel, le nombre des membres de la représentation la plus nombreuse appelés à participer à la délibération et au vote est réduit en début de réunion afin que le nombre des représentants des élus et celui des représentants des personnels soient égaux. / Si le quorum n'est pas atteint lors de la première réunion, le conseil, après une nouvelle convocation, délibère valablement quel que soit le nombre des présents / (..) ; qu'en vertu de l'article 1er du décret susvisé du 18 septembre 1989 : Le conseil de discipline est une formation de la commission administrative paritaire dont relève le fonctionnaire poursuivi (..) / Le conseil de discipline comprend en nombre égal des représentants du personnel et des représentants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics (..) ; qu'enfin, aux termes de l'article 12 du même décret : Le conseil de discipline délibère sur les suites qui lui paraissent devoir être réservées à la procédure disciplinaire engagée. A cette fin, le président du conseil de discipline met aux voix la proposition de sanction la plus sévère parmi celles qui ont été exprimés lors du délibéré. Si cette proposition ne recueille pas l'accord de la majorité des membres présents, le président met aux voix les autres sanctions figurant dans l'échelle des sanctions disciplinaires en commençant par la plus sévère après la sanction proposée, jusqu'à ce que l'une d'elle recueille l'accord de la majorité des membres présents. Si aucune proposition de sanction n'est adoptée, le président propose qu'aucune sanction ne soit prononcée. / (..) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, lors de sa réunion du 9 octobre 2007, le conseil de discipline, qui avait à examiner le cas de M. A, attaché territorial de la COMMUNE DE CHARLEVILLE-MEZIERES, ne comportait, outre son président, que deux représentants de la commune, les représentants du personnel ayant décidé de ne pas siéger ; que si, en application des dispositions précitées du cinquième alinéa de l'article 90 de la loi susvisée du 26 janvier 1984, il appartenait normalement au président du conseil de discipline de réduire la représentation de la collectivité afin de la ramener au niveau de celle du personnel, le respect d'aucune règle de quorum n'étant plus exigé, le président du conseil de discipline devait s'abstenir de procéder à cette formalité, qui conduisait à restreindre la composition du conseil de discipline à sa seule personne, ce qui est incompatible avec les modalités de fonctionnement de cet organisme consultatif telles que définies à l'article 12 du décret susvisé du 18 septembre 1989 ; qu'il ne pouvait pas davantage compléter la représentation du personnel, les dispositions des sixième et septième alinéas de l'article 1er du décret susvisé du 18 septembre 1989, prévoyant un rétablissement de la parité en complétant la représentation la moins nombreuse, ne trouvant pas à s'appliquer au cas d'espèce ; que c'est donc à tort que le tribunal administratif de Châlons-en- Champagne a annulé, pour ces motifs, l'arrêté du 12 octobre 2007 infligeant à M. A une exclusion temporaire de fonctions d'une durée de trois mois ;

Considérant que, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, il appartient à la Cour de statuer sur les autres moyens soulevés par M. A devant le tribunal administratif :

En ce qui concerne le moyen tiré du défaut de délégation régulière du signataire de la décision attaquée :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens :

Considérant que l'arrêté du 12 octobre 2007 infligeant à M. A la sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de trois mois a été signé par M. Pailla, premier adjoint au maire, ayant reçu délégation à cet effet par arrêté du maire de Charleville-Mézières en date du 26 mars 2001 ; qu'en réponse au moyen tiré de l'irrégularité de cette délégation en tant qu'elle n'aurait pas été publiée au recueil des actes administratifs de la commune, celle-ci, qui n'y a opposé aucune argumentation en première instance, se borne en appel à faire valoir que ladite délégation a été publiée et transmise au contrôle de légalité ; que la commune requérante n'établissant pas ainsi la réalité de cette publication, le défaut de publication allégué par M. A doit être tenu pour établi ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE CHARLEVILLE-MEZIERES n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté de son maire en date du 12 octobre 2007 infligeant à M. A une exclusion temporaire de fonctions d'une durée de trois mois ;

Sur l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ;

Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la COMMUNE DE CHARLEVILLE-MEZIERES au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant, d'autre part, qu'il y lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la COMMUNE DE CHARLEVILLE-MEZIERES la somme de 1 500 euros que demande M. A sur le fondement des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la COMMUNE DE CHARLEVILLE-MEZIERES est rejetée.

Article 2 : La COMMUNE DE CHARLEVILLE-MEZIERES versera à M. A une somme de 1 500 euros (mille cinq-cents euros) au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE CHARLEVILLE-MEZIERES et à M. Marc A.

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09NC00743


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09NC00743
Date de la décision : 18/02/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS SEBAN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-02-18;09nc00743 ?
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