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14/10/2010 | FRANCE | N°09NC01907

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 14 octobre 2010, 09NC01907


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 28 décembre 2009, présentée pour le CENTRE OMNISPORTS DE LA FONDATION PIERRE CROPPET, dont le siège est 11 route de Gray à Besançon (25000), par la SCP d'avocats Bresson Cheval ; le CENTRE OMNISPORTS DE LA FONDATION PIERRE CROPPET demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801146 du 10 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a annulé la décision du ministre de l'agriculture et de la pêche en date du 12 mai 2008, en tant qu'elle l'autorise à licencier M. A ;

2°) de rejeter la demande

de M. A devant le Tribunal administratif de Besançon ;

3°) de mettre à la c...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 28 décembre 2009, présentée pour le CENTRE OMNISPORTS DE LA FONDATION PIERRE CROPPET, dont le siège est 11 route de Gray à Besançon (25000), par la SCP d'avocats Bresson Cheval ; le CENTRE OMNISPORTS DE LA FONDATION PIERRE CROPPET demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801146 du 10 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a annulé la décision du ministre de l'agriculture et de la pêche en date du 12 mai 2008, en tant qu'elle l'autorise à licencier M. A ;

2°) de rejeter la demande de M. A devant le Tribunal administratif de Besançon ;

3°) de mettre à la charge de M. A une somme de 4 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le ministre avait compétence pour annuler la décision de l'inspecteur du travail, et autoriser le licenciement ;

- le tribunal a méconnu la réalité et la gravité des faits reprochés à M. A, à savoir des absences injustifiées ; les chevaux et leurs cavalières ont été laissés seuls durant ces absences, ce qui est grave compte tenu de l'imprévisibilité des animaux ;

- s'agissant des absences injustifiées des 5 juin, 17 et 25 juillet 2007 : l'intéressé ne prouve pas que, le 5 juin, le cours avait été annulé faute de participant ; une collègue a vu des cavalières seules dans le manège à 19h44, lorsque l'intéressé a été vu quittant les lieux ; le 17 juin, M. A a laissé des cavalières seules, et c'est un comportement fautif, même si les cavalières étaient confirmées et autonomes, l'intéressant ayant l'obligation de rester jusqu'à la fin de la séance, pour des raisons de sécurité ; le centre accueille aussi des enfants handicapés ;

- s'agissant des absences injustifiées lors d'un stage du 9 au 11 juillet 2007 : M. A a admis avoir quitté son poste le 10 juillet, pour passer un entretien à la mairie de Besançon, en vue de reprendre la gestion d'un centre équestre appartenant à la ville ; il a manqué au moins 1h30 de stage sur les 6h30 de stage journalier ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2010, présenté par le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, qui conclut à la mise hors de cause de son département ministériel ;

Il fait valoir que la décision contestée émane d'un autre ministre ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2010, présenté pour M. Frédéric A, demeurant ..., par Me Grimbert, qui conclut :

1°) au rejet de la requête du CENTRE OMNISPORTS DE LA FONDATION PIERRE CROPPET ;

2°) à la réformation du jugement en tant qu'il a considéré que la décision de l'inspecteur du travail n'était pas devenue définitive et que le ministre n'avait donc pas été dessaisi de sa compétence ;

3°) à ce que soit mise à la charge du CENTRE OMNISPORTS DE LA FONDATION PIERRE CROPPET une somme de 2 500 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il fait valoir que :

- la décision expresse de l'inspecteur du travail était illégale, car intervenue hors délai ; du silence de l'inspecteur du travail au-delà des deux mois suivant sa saisine est née, le 9 octobre 2007, une décision implicite de rejet, créatrice de droits et devenue définitive, dès lors qu'elle n'a pas été contestée par l'employeur dans le délai de recours ; son licenciement est donc irrégulier ; le ministre ne pouvait pas autoriser le 12 mai 2008 un licenciement qui était déjà devenu effectif depuis le 23 novembre 2007 ; le ministre n'a pas précisé la nature de la faute reprochée ;

- le ministre a fait preuve d'un parti-pris en faveur de l'employeur ;

- le cours de 18h30 à 19h30 du 5 juin 2007 avait été annulé, faute de participants, si bien qu'il n'avait pas d'obligation de présence au-delà de 18h30 ; la reprise de 19h30, qu'il n'a jamais assurée, était prise en charge par une collègue ;

- il n'a jamais laissé des cavalières seules le 17 juillet 2007, après une reprise de 18h30 à 18h40, car il a effectué cette reprise de 17h30 à 18h30, comme à son habitude ;

- il n'a jamais été absent le 25 juillet 2007, après une reprise de 17h30 à 18h30, et il s'agissait de cavalières de niveau 6 et 7, aptes à faire le tour de la carrière de façon autonome jusqu'à 18h45 ;

- s'agissant du stage du 10 juillet 2007, il s'est effectivement absenté entre 16h et 17h pour se rendre à un entretien professionnel ; il avait prévenu les cavaliers concernés en début de stage, et avancé, en accord avec eux, l'horaire du stage de 13h à 16h, au lieu de 14h à 17h ; étant cadre, il n'avait pas à prévenir la direction de son absence ; il n'a donc commis aucune faute ;

- de nombreuses pièces établissent qu'il est très apprécié des cavaliers et fait son travail avec sérieux ;

- son licenciement était en lien avec son mandat syndical, son employeur n'ayant eu de cesse de lui reprocher son engagement syndical ;

Vu les observations, enregistrées le 16 juillet 2010, présentées pour M. A, qui précise qu'après avoir pris connaissance du moyen susceptible d'être soulevé d'office par la Cour, il maintenait son moyen tiré du dessaisissement du ministre pour se prononcer sur la demande d'autorisation de licenciement ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 juillet 2010, présenté par le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, qui conclut à la réformation du jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 10 novembre 2009 ;

Il fait valoir :

- qu'il reprend à son compte l'ensemble des moyens présentés par le CENTRE OMNISPORTS DE LA FONDATION PIERRE CROPPET ;

- que M. A n'est pas recevable à contester le dispositif d'un jugement qui lui est favorable ;

- que le tribunal a fait une inexacte appréciation de la gravité des faits reprochés à M. A ;

Vu la correspondance en date du 5 juillet 2010 informant les parties de ce que la Cour était, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, susceptible de soulever un moyen d'office ;

Vu l'ordonnance du président de la troisième chambre de la Cour fixant la clôture de l'instruction de la présente instance au 6 septembre 2010 à 16 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 septembre 2010 ;

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;

Considérant que M. A a été embauché le 1er octobre 1989 par le CENTRE OMNISPORTS DE LA FONDATION PIERRE CROPPET en qualité d'instructeur d'équitation ; qu'il a été nommé délégué syndical depuis juillet 2001 ; que le 9 août 2007, le CENTRE OMNISPORTS DE LA FONDATION PIERRE CROPPET a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier M. A, pour faute grave ; que l'inspecteur du travail a accordé cette autorisation par décision du 14 novembre 2007, au motif que les faits invoqués par l'employeur étaient réels et sérieux, que l'intéressé n'avait pas pris en compte les observations de l'employeur sur l'encadrement des cours, et que le projet de licenciement était sans lien avec les mandats de l'intéressé ; que M. A a saisi le ministre de l'agriculture et de la pêche d'un recours hiérarchique ; que, par décision du 12 mai 2008, le ministre a, d'une part annulé la décision de l'inspecteur du travail, au motif notamment qu'il avait rendu sa décision hors des délais impartis et, d'autre part, autorisé le licenciement de l'intéressé, estimant que les faits étaient établis et d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement pour faute ; que M. A a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision ministérielle du 12 mai 2008 ; que, par jugement en date du 10 novembre 2009, le Tribunal administratif de Besançon a annulé cette décision, en tant qu'elle autorise le CENTRE OMNISPORTS DE LA FONDATION PIERRE CROPPET à licencier M. A ; que le CENTRE OMNISPORTS DE LA FONDATION PIERRE CROPPET fait appel de ce jugement ; que, par voie d'appel incident, M. A demande la réformation du jugement, en tant qu'il a considéré que la décision de l'inspecteur du travail n'était pas devenue définitive et que le ministre n'avait donc pas été dessaisi de sa compétence ;

Sur l'appel incident de M. A :

Considérant que le Tribunal administratif de Besançon a, par son jugement en date du 10 novembre 2009, fait intégralement droit aux conclusions de M. A tendant à l'annulation de la décision du ministre autorisant le CENTRE OMNISPORTS DE LA FONDATION PIERRE CROPPET à le licencier ; que, par suite, l'appel incident de l'intéressé, visant à obtenir la réformation du jugement en tant qu'il a considéré que la décision de l'inspecteur du travail n'était pas devenue définitive et que le ministre n'avait donc pas été dessaisi de sa compétence, est irrecevable et doit ainsi être rejeté ;

Sur l'appel principal du CENTRE OMNISPORTS DE LA FONDATION PIERRE CROPPET :

Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que le licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail : le ministre compétent peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet ; ce recours doit être introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur ;

Considérant, d'une part, que s'il est reproché à M. A de prétendues absences les 5 juin, 17 juillet et 25 juillet 2007, il ressort des pièces du dossier, soit que l'intéressé n'avait pas à effectuer de service aux dates et horaires invoquées par l'employeur, soit que ses absences n'étaient pas injustifiées ;

Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu d'adopter le motif retenu par les premiers juges pour écarter le grief retenu à l'encontre de M. A concernant son absence du 10 juillet 2007 et considérer que, si l'intéressé n'avait pas prévenu son employeur de ladite absence, cette faute n'était pas d'une gravité telle qu'elle ait pu à elle seule justifier une mesure de licenciement ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le CENTRE OMNISPORTS DE LA FONDATION PIERRE CROPPET n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a annulé la décision du ministre de l'agriculture et de la pêche en date du 12 mai 2008, en tant qu'elle autorise le CENTRE OMNISPORTS DE LA FONDATION PIERRE CROPPET à licencier M. A ;

Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que le CENTRE OMNISPORTS DE LA FONDATION PIERRE CROPPET demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CENTRE OMNISPORTS DE LA FONDATION PIERRE CROPPET une somme de 1 500 euros à verser à M. A au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête du CENTRE OMNISPORTS DE LA FONDATION PIERRE CROPPET est rejetée.

Article 2 : Le CENTRE OMNISPORTS DE LA FONDATION PIERRE CROPPET versera à M. A une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : L'appel incident de M. A est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE OMNISPORTS DE LA FONDATION PIERRE CROPPET, à M. Frédéric A, au ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche et au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.

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N° 09NC01907


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09NC01907
Date de la décision : 14/10/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP BRESSON CHEVAL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-10-14;09nc01907 ?
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