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25/05/2011 | FRANCE | N°10NC01227

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 25 mai 2011, 10NC01227


Vu la requête, enregistrée le 27 juillet 2010, complétée par les pièces enregistrées le 26 octobre 2010, présentée pour la société ALSATEL, dont le siège est situé Zone Aéroparc II, 8 rue des Hérons à Entzheim (67960), par la SCP Leleu-Demont-Hareng ;

La société ALSATEL demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801731 du 22 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision en date du 5 mars 2008 de l'inspecteur du travail l'autorisant à mettre à la retraite Mme A ;

2°) subsidiairement, de se déclarer incomp

étente pour statuer sur le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de consultation du ...

Vu la requête, enregistrée le 27 juillet 2010, complétée par les pièces enregistrées le 26 octobre 2010, présentée pour la société ALSATEL, dont le siège est situé Zone Aéroparc II, 8 rue des Hérons à Entzheim (67960), par la SCP Leleu-Demont-Hareng ;

La société ALSATEL demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801731 du 22 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision en date du 5 mars 2008 de l'inspecteur du travail l'autorisant à mettre à la retraite Mme A ;

2°) subsidiairement, de se déclarer incompétente pour statuer sur le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de consultation du comité d'entreprise ;

3°) de mettre à la charge de Mme A une somme de 3 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les membres du comité d'entreprise, leurs suppléants et les délégués syndicaux ont tous été régulièrement convoqués ; la consultation du comité d'entreprise étant obligatoire, l'ordre du jour pouvait être fixé de plein droit par l'employeur, sans consultation du secrétaire ; Mme A a été convoquée par courrier du 20 décembre 2007 à la réunion du comité d'entreprise du 7 janvier 2008, soit 17 jours avant celle-ci ;

- le tribunal a méconnu les dispositions de l'article 11 de l'accord national du 10 juillet 1970, modifié, qui n'exige pas que l'embauche soit réalisée à la date de la décision attaquée ; Mme A s'est vu notifier son départ à la retraite le 26 mars 2008 ; l'entreprise disposait donc d'un délai d'un an à compter de la notification, soit jusqu'au 26 mars 2009, pour respecter au moins l'une des trois dispositions sur les six prévues par l'accord collectif ; un nouveau responsable comptable a été recruté dès août 2007, en la personne de Mme B, et Mme C a été recrutée sous contrat à durée déterminée depuis le 2 juin 2008 et jusqu'au 1er octobre 2008 en remplacement de Mme A ; l'entreprise a donc respecté les délais et termes de l'accord ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2010, présenté pour Mme Marie-Rose A, demeurant ..., par la SCP Bourgun-Dörr, qui conclut au rejet de la requête de la société ALSATEL et à ce que soit mise à la charge de la société ALSATEL une somme de 2 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir que :

- l'ordre du jour du comité d'entreprise a été arrêté unilatéralement par le chef d'entreprise, sans consultation du secrétaire du comité; la circonstance qu'il s'agissait d'une consultation obligatoire ne dispensait pas l'employeur de consulter le secrétaire du comité d'entreprise ;

- sa mise à la retraite n'a pas respecté les conditions prévues par l'accord collectif : l'inspecteur du travail a visé à tort l'accord du 19 avril 2006, alors que le texte applicable est l'article 11 de l'accord national du 10 juillet 1970 ; Mme C a été recrutée sous contrat à durée déterminée et non sous contrat à durée indéterminée , et l'embauche en contrat à durée indéterminée devait intervenir dès le moment où l'inspecteur du travail a statué sur la demande d'autorisation ; les contrats d'apprentissage et de professionnalisation produits par l'entreprise n'ont pas été conclus pour son remplacement, et ne mentionnent pas le nom du salarié mis à la retraite ou son identification codée ; la rupture de son contrat de travail constitue donc un licenciement, alors que le comité d'entreprise a été consulté sur un projet de mise à la retraite ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'avenant du 19 décembre 2003 à l'accord national du 10 juillet 1970 sur la mensualisation ;

Vu l'arrêté du 6 mai 2004 du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale portant extension de l'avenant du 19 décembre 2003 sur le départ et la mise à la retraite à l'accord national du 10 juillet 1970 ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mai 2011 ;

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant que les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 1237-4 du code du travail : Les stipulations relatives au départ à la retraite des salariés prévues par une convention collective, un accord collectif de travail ou un contrat de travail sont applicables sous réserve qu'elles ne soient pas contraires aux dispositions légales ; qu'aux termes de l'article L. 1237-5 du même code : La mise à la retraite s'entend de la possibilité donnée à l'employeur de rompre le contrat de travail d'un salarié ayant atteint l'âge mentionné au 1° de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale sous réserve des septième à neuvième alinéas : Un âge inférieur peut être fixé, dans la limite de celui prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale, dès lors que le salarié peut bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein au sens du code de la sécurité sociale : 1° Dans le cadre d'une convention ou d'un accord collectif étendu conclu avant le 1er janvier 2008 fixant des contreparties en termes d'emploi ou de formation professionnelle (...) ; qu'aux termes de l'article L. 1237-8 du même code : Si les conditions de mise à la retraite ne sont pas réunies, la rupture du contrat de travail par l'employeur constitue un licenciement. ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée, comme en l'espèce, par la survenance de l'âge, déterminée par la convention collective, à partir duquel un salarié peut être mis à la retraite par décision de l'employeur, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de vérifier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'une part, si la mesure envisagée n'est pas en rapport avec les fonctions représentatives exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé, d'autre part si les conditions légales de mise à la retraite sont remplies ; qu'à défaut, et notamment dans le cas où le salarié ne justifie pas de cotisations suffisantes pour bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein, le motif tiré de ce que ce salarié a atteint la limite d'âge fixée par la convention collective n'est pas, par lui-même, de nature à justifier le licenciement ;

Considérant que l'article 11 de l'accord national du 10 juillet 1970 sur la mensualisation conclu dans la métallurgie, dans sa rédaction issue de l'article 1er de l'avenant du 19 décembre 2003, stipule que la mise à la retraite à l'initiative de l'employeur d'un salarié qui, ayant atteint l'âge fixé au premier alinéa de l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale, peut bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein au sens du code de la sécurité sociale et qui peut faire liquider sans abattement les retraites complémentaires auxquelles l'employeur cotise avec lui, ne constitue pas un licenciement lorsque cette mise à la retraite s'accompagne de l'une des six dispositions suivantes : - conclusion par l'employeur d'un contrat d'apprentissage ; - conclusion par l'employeur d'un contrat de qualification ou de professionnalisation ; ... ; - conclusion par l'employeur d'un contrat de travail à durée indéterminée ; ... Le contrat d'apprentissage, ou le contrat de qualification ou de professionnalisation... doit être conclu dans un délai d'un an avant ou après la date de notification de la mise à la retraite. Il doit comporter soit la mention du nom du salarié mis à la retraite, si celui-ci ne s'y oppose pas, soit la mention de son identification codée... ; qu'il résulte de ces stipulations que l'employeur bénéficie du délai d'un an sus rappelé quand il choisit de compenser la mise à la retraite d'un salarié par la conclusion d'un contrat d'apprentissage ou un contrat de qualification ou de professionnalisation ; que si l'employeur choisit de compenser la mise à la retraite du salarié par la conclusion d'un contrat de travail à durée indéterminée, cette conclusion doit alors être intervenue à la date à laquelle l'inspecteur du travail se prononce sur la demande d'autorisation de mise à la retraite, l'inspecteur du travail devant être mis en mesure d'apprécier si les conditions relatives au remplacement du salarié mis à la retraite sont remplies ;

Considérant,d'une part,qu'aucun des contrats d'apprentissage ou contrats de qualification ou de professionnalisation produits par l'entreprise,dont il ne ressort au demeurant pas des pièces du dossier qu'ils auraient été conclus en vue du remplacement de Mme A,ne mentionne le nom du salarié mis à la retraite ou son identification codée ,ainsi que l'exigent les stipulations de l'article 11 précité de l'accord national du 10 juillet 1970 modifié ;

Considérant, d'autre part, que, si la société ALSATEL soutient qu'un nouveau responsable comptable a été recruté dès le mois d'août 2007 en la personne de Mme B, elle ne l'établit pas ; que si Mme C a été recrutée le 9 juin 2008 en remplacement de Mme A, il est constant que le contrat, au demeurant à durée déterminée, a été conclu avec l'intéressée le 22 mai 2008, postérieurement à la décision de l'inspecteur du travail ; que l'entreprise ne pouvait donc se prévaloir, à la date de la décision litigieuse de l'inspecteur du travail du 5 mars 2008, de la conclusion d'un contrat de travail à durée indéterminée, conformément aux exigences de l'article 11 précité de l'accord national du 10 juillet 1970 modifié ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société ALSATEL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé, au motif qu'aucune embauche destinée à pourvoir au remplacement de Mme A n'avait été réalisée à la date de la décision attaquée, la décision en date du 5 mars 2008 de l'inspecteur du travail l'autorisant à mettre l'intéressée à la retraite ;

Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société ALSATEL demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société ALSATEL une somme de 1 500 euros à verser à Mme A au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société ALSATEL est rejetée.

Article 2 : La société ALSATEL versera à Mme A une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société ALSATEL, à Mme Marie-Rose A et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

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10NC01227


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10NC01227
Date de la décision : 25/05/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-035-04 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Autres motifs. Autres.


Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP LELEU DEMONT HARENG

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2011-05-25;10nc01227 ?
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