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02/08/2012 | FRANCE | N°11NC01938

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 02 août 2012, 11NC01938


Vu la requête, enregistrée le 11 juillet 2007 sous le numéro 07 NC00888, complétée par des mémoires enregistrés les 16 octobre et 28 novembre 2008, présentée pour la SOCIETE ANONYME FRALSEN HOLDING, venant aux droits de la société Fralsen Horlogerie, dont le siège est 2 rue Albert Thomas à Besançon (25023), par la CMS Bureau Francis Lefebvre ; la SA FRALSEN HOLDING demande à la Cour :

1) d'annuler le jugement n° 050390 en date du 14 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande en décharge du complément d'impôt sur les sociétés au

quel elle a été assujettie au titre de l'année 2001 ainsi que des pénalités ...

Vu la requête, enregistrée le 11 juillet 2007 sous le numéro 07 NC00888, complétée par des mémoires enregistrés les 16 octobre et 28 novembre 2008, présentée pour la SOCIETE ANONYME FRALSEN HOLDING, venant aux droits de la société Fralsen Horlogerie, dont le siège est 2 rue Albert Thomas à Besançon (25023), par la CMS Bureau Francis Lefebvre ; la SA FRALSEN HOLDING demande à la Cour :

1) d'annuler le jugement n° 050390 en date du 14 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande en décharge du complément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 2001 ainsi que des pénalités dont il a été assorti ;

2) de prononcer la décharge demandée ;

3) de mette à la charge de l'Etat la paiement d'une somme de 3 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- c'est à tort que le Tribunal administratif a considéré qu'elle avait comblé un déficit de sa filiale ;

- contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal administratif, l'administration ne pouvait régulièrement se fonder sur le fait qu'elle aurait pris un risque manifestement excessif, ce qui est d'ailleurs contesté ;

- les aides à objet exclusivement financier sont déductibles ;

- l'administration ne pouvait légalement s'immiscer dans sa gestion ;

- elle avait un intérêt propre, commercial et financier, à accorder des avances à sa filiale ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 janvier 2008, complété par un mémoire enregistré le 20 novembre 2008, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ; le ministre conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- c'est en connaissance de cause que la requérante a continué à verser des avances en compte courant à sa filiale en difficulté alors qu'elle n'y trouvait qu'un intérêt commercial minime et hors de proportion avec l'avantage retiré par sa filiale ; une telle pratique est ainsi constitutive d'un acte anormal de gestion ;

- si, en revanche, le groupe Timex pouvait trouver avantage à conserver une société de distribution en France, il n'appartenait pas à la requérante d'assumer seule une charge de groupe ;

Vu la décision n° 326913 du 16 novembre 2011 par laquelle le Conseil d'Etat a, sur pourvoi du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, d'une part, annulé l'arrêt n° 07NC00888 du 5 février 2009 par lequel la Cour a fait droit à la requête de la société FRALSEN HOLDING et, d'autre part, renvoyé le jugement de l'affaire à la Cour ;

Vu les mémoires, enregistrés les 26 mars et 4 juin 2012, présentés pour la société FRALSEN HOLDING, par la CMS Bureau Francis Lefebvre, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, demande que la somme à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative soit portée à 15 000 euros et soutient en outre que :

- la théorie du risque manifestement excessif ne saurait recevoir application que dans des situations exceptionnelles, auxquelles ne sauraient être assimilées les décisions de gestion qui se révèlent malencontreuses par suite d'erreurs de jugement ou d'incompétence ;

- en l'espèce, l'administration, qui doit se situer en 2001 et non en 1997 pour porter cette appréciation, n'a pas apporté la preuve qui lui incombe d'une prise excessive de risque de sa part dès lors qu'après la recapitalisation de sa filiale intervenue en 1997, la situation nette de celle-ci était redevenue positive et qu'elle avait ainsi un légitime espoir non seulement d'un remboursement de ses avances, mais d'une reconstitution de la valeur de sa participation ;

- elle n'a constaté aucune provision pour dépréciation de créances ;

- s'il devait être fait droit à la thèse de l'administration, elle aurait perdu deux fois, en tant que la perte sur les titres reçus en 1997 n'est pas déductible ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 3 mai 2012, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens et soutient en outre que l'argument de la requérante selon lequel elle pouvait raisonnablement croire à la pérennité de sa filiale après la recapitalisation intervenue en 1997 ne saurait justifier la poursuite du versement d'avances alors que la filiale continuait à accumuler les déficits, les provisions constatées attestant d'ailleurs que cette situation était connue du créancier ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 19 juin 2012, présenté par le ministre délégué chargé du budget, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens,

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 juin 2012 :

- le rapport de M. Vincent, président de chambre,

- les conclusions de MmeGhisu-Deparis, rapporteur public,

- et les observations de Me Leroux, avocat de la société FRALSEN HOLDING ;

Considérant que la SA Fralsen Horlogerie, aux droits de laquelle vient la SA FRALSEN HOLDING, faisait partie du groupe dirigé par la société américaine Timex corporation et fabriquait des pièces d'horlogerie pour l'ensemble des sociétés du groupe situées à l'étranger ; qu'elle contrôlait la société Timex France, qui distribuait en France les montres de la même marque ; qu'après avoir rétabli la situation nette négative de sa filiale en 1997 par une opération dite de " coup d'accordéon ", la SA Fralsen Horlogerie a accordé à la société Timex France, au cours des années 1998 à 2001, des avances en compte courant avec intérêts en raison de difficultés de trésorerie ; qu'après avoir prononcé la dissolution anticipée sans liquidation de sa filiale le 26 novembre 2001, la société Fralsen Horlogerie a déduit de son bénéfice imposable une perte exceptionnelle d'un montant de 23 290 868 F (3 550 669 €) résultant de la disparition de la créance en compte courant qu'elle détenait sur la société Timex France ; que l'administration, regardant ces avances et la charge qui en est résulté comme constituant un acte anormal de gestion, a réintégré aux bénéfices imposables de l'année 2001 de la société Fralsen Horlogerie le montant de la perte alors constatée ;

Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui sont, en raison de leur objet ou de leurs modalités, étrangères à une gestion commerciale normale ; que les avances en compte courant consenties par une entreprise à sa filiale et ensuite abandonnées ne relèvent d'une gestion commerciale normale que s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages, l'entreprise a agi dans son propre intérêt et n'a pas encouru un risque manifestement exagéré ; que, s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que l'octroi d'avances en compte courant suivi d'un abandon de créance consenti par une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties ;

Considérant que la SA FRALSEN HOLDING fait valoir, qu'en contrepartie des avances litigieuses et compte tenu de sa participation à hauteur de 99,99 % dans le capital de sa filiale, il était conforme à son propre intérêt de continuer à permettre la poursuite de l'activité de cette dernière en vue, notamment, de préserver la valeur de sa participation, de sauvegarder son renom, de conserver les relations commerciales directes qu'elle avait avec elle, ainsi que de maintenir le volume de son activité, sa filiale distribuant en France et dans d'autres pays, des montres équipées des mouvements qu'elle fabriquait ; que, toutefois, il résulte de l'instruction, d'une part, que les montres distribuées par Timex France n'utilisaient que 2 à 3% des composants fabriqués par Fralsen Horlogerie pour l'ensemble des sociétés du groupe et, d'autre part, que l'activité réalisée par celle-ci avec ladite société ne représentait que 6 à 7% de son chiffre d'affaires ; qu'eu égard au fait que les clients de la société Fralsen Horlogerie étaient exclusivement des sociétés appartenant au groupe Timex corporation, la requérante ne saurait par ailleurs faire valoir à bon droit que son renom commercial était attaché à la poursuite de l'activité de Timex France ; que si la SA FRALSEN HOLDING soutient en outre qu'après la recapitalisation précitée opérée en 1997, portant sur un montant de 38 millions de francs, la situation nette de Timex France était redevenue positive et qu'elle avait eu ainsi un légitime espoir de remboursement de ses avances et de reconstitution de la valeur de sa participation, l'administration soutient sans être contredite que, dès la clôture de l'exercice 1998, le solde débiteur de son compte courant dans les écritures de Timex France s'élevait à 14 645 000 francs, soit 31,50 % du chiffre d'affaires de Timex France au cours de la même année, pour atteindre ensuite 39 263 322 francs à la clôture de l'exercice 2000, soit un montant quatre fois supérieur au chiffre d'affaires réalisé par Fralsen Horlogerie avec Timex France pour l'année 2000 ; que, dès l'exercice 1998, Timex France a en outre affiché un résultat d'exploitation négatif, qui a d'ailleurs ultérieurement persisté, cependant que son chiffre d'affaires est, à partir de 1997, demeuré constamment très inférieur à celui réalisé antérieurement ;

Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que si l'aide financière consentie à Timex France n'était pas dépourvue de toute contrepartie commerciale pour Fralsen Horlogerie, un tel intérêt était minime et hors de proportion avec l'avantage que le bénéficiaire pouvait en tirer ; qu'ainsi l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du caractère anormal de l'acte de gestion consistant pour la société Fralsen Horlogerie à avoir consenti à ladite société des avances en compte courant au cours des exercices clos de 1998 à 2001 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA FRALSEN HOLDING n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SA FRALSEN HOLDING est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA FRALSEN HOLDING et au ministre de l'économie, des finances et du commerce extérieur.

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