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15/11/2012 | FRANCE | N°10NC01995

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 15 novembre 2012, 10NC01995


Vu la requête enregistrée le 23 décembre 2010, complétée par un mémoire enregistré le 18 novembre 2011, présentée pour la Société Européenne d'Expertises Techniques (SEET), ci-après désignée SEET, ayant son siège social 13 avenue de la gare à Luxembourg

(L-1030), représentée par Me Gérardin, avocat ;

La SEET demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801609 du 9 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de

contributions additionnelles à cet impôt ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, d...

Vu la requête enregistrée le 23 décembre 2010, complétée par un mémoire enregistré le 18 novembre 2011, présentée pour la Société Européenne d'Expertises Techniques (SEET), ci-après désignée SEET, ayant son siège social 13 avenue de la gare à Luxembourg

(L-1030), représentée par Me Gérardin, avocat ;

La SEET demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801609 du 9 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contributions additionnelles à cet impôt ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, des cotisations de taxe d'apprentissage et de taxe de formation professionnelle continue et des pénalités correspondantes qui lui ont été assignées au titre des exercices 2003 et 2004, d'autre part, des cotisations de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie dans les rôles de la commune de Malzéville au titre des années 2004, 2005 et 2006 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La S.E.E.T. soutient que :

- les premiers juges ont omis de statuer sur les moyens tirés de l'irrégularité du recours par l'administration fiscale à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales et du caractère inopiné du contrôle ;

- l'administration fiscale a recouru de manière abusive à la procédure de taxation d'office ;

- les propositions de rectifications ont été établies à partir d'informations obtenues dans le cadre d'une procédure irrégulière dès lors que les ordonnances prises sur le fondement des dispositions de l'article L.16 B du livre des procédures fiscales et autorisant les visites domiciliaires l'ont privée de la possibilité d'exercer un recours effectif et de celle de se faire assister d'un conseil ;

- le recours à l'article L 16 B du livre des procédures fiscales n'est pas fondé et méconnaît les articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et l'article 1er du premier protocole additionnel à ladite convention puisqu'elle n'a pu exercer un recours contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant la visite domiciliaire que quatre années après l'adoption de l'article 164, IV de la loi dite " LME " ;

- la procédure de vérification de comptabilité est entachée d'irrégularité puisqu'elle a été engagée dès le 7 décembre 2005, soit immédiatement après la remise de l'avis de vérification ;

- les avis de mise en recouvrement n'ont pas été notifiés à l'adresse du siège de la société en méconnaissance des dispositions de l'article R. 256-6 du livre des procédures fiscales entachant de nullité ces avis et la procédure d'imposition suivie ;

- le recours à la procédure de taxation d'office est entaché d'irrégularité dans la mesure où la garantie prévue au VI de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales a été méconnue ;

- le tribunal a commis une erreur en se plaçant d'abord sur le terrain de la loi fiscale nationale avant d'examiner la convention franco-luxembourgeoise ;

- le tribunal a commis une erreur de droit et dénaturé les faits ;

- le tribunal s'est fondé à tort sur les dispositions de l'article 209 du code général des impôts pour établir l'imposition en France de la société alors que l'administration fiscale ne justifie pas que les critères conventionnels d'un établissement stable en France sont réunis ;

- le chiffre d'affaires de la société ne doit pas être soumis à la taxe sur la valeur ajoutée en France s'agissant des prestations réalisées par la société hors du territoire national ;

- les pénalités de 80 % au titre de l'exercice d'une activité occulte ne sont pas dues dès lors que la société a déposé des déclarations de résultats et que son activité n'était pas occulte ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 juin 2011 présenté pour le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme d'Etat ; le ministre conclut au rejet de la requête ;

Il soutient :

- s'agissant de la régularité du jugement attaqué que la société requérante ne peut faire grief aux premiers juges de ne pas avoir répondu au moyen tiré de ce que la vérification de comptabilité aurait débuté le 7 décembre 2005 dès la remise de l'avis de vérification alors que ce moyen, qui manque en fait, n'a jamais été invoqué en première instance ;

- s'agissant de la régularité de la procédure, que la société requérante ne saurait se prévaloir devant le juge administratif de moyens tirés de l'irrégularité de la procédure de visite et de saisie ; que la mise en oeuvre par l'administration fiscale de son droit de visite et de saisie prévue par l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales dans sa rédaction issue de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008, n'est pas contraire à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle organise désormais un recours effectif applicable aux visites réalisées antérieurement à son entrée en vigueur qui garantit l'accès à un procès équitable et se conforme aux principes posés par la cour européenne des droits de l'homme dans son arrêt Ravon ; que les premiers juges n'ont commis aucune erreur de droit en jugeant régulière la procédure d'imposition dont les dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ont également été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que les dispositions de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues dans la mesure où, la société requérante n'a pas été privée de la possibilité d'exercer un recours ; que la procédure de vérification de comptabilité n'est entachée d'aucune irrégularité dans la mesure où, les opérations de contrôle n'ont débuté que le 24 janvier 2006 ; qu'en tout état de cause, l'utilisation de la procédure de taxation d'office rend un tel moyen inopérant quant à la régularité de la procédure ; que l'envoi d'une mise en demeure de déposer les déclarations avant l'envoi d'un avis de vérification de comptabilité n'est pas incompatible avec la procédure prévue à l'article L. 16 B et L. 47 du livre des procédures fiscales ;

- que les avis de mise en recouvrement ont été envoyés à une adresse déclarée par la société contribuable où elle exerce son activité dans le cadre d'un établissement stable ; que ces avis ont été reçus par leur destinataire, validant ainsi la procédure d'imposition dans l'hypothèse où l'adresse serait erronée ;

- que, sous couvert des deux sociétés CECE et SEET, le gérant de celle-ci exerce en réalité une seule activité sous la dénomination de "Cabinet Philippe Normand", l'établissement de cette activité se trouvant en France ;

- que le gérant de la société SEET, son épouse et au moins deux des salariés de cette société disposent de bureaux dans les locaux de la société CECE, dont les salariés, les matériels et les moyens de fonctionnement sont mis à disposition de la première société ;

- que la société requérante n'établit pas l'existence de moyens humains et matériels susceptibles de permettre son fonctionnement au Luxembourg ;

- que la société requérante réalise la plus grande partie de ses prestations en France ;

- qu'elle n'établit pas non plus que certaines des prestations exécutées en 2003 et 2004 ne seraient pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée en France ;

- que la société requérante n'ayant pas accompli ses obligations déclaratives, ni spontanément, ni après mise en demeure, la majoration de 80 % lui a été appliquée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention entre la France et le Grand-duché du Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et la fortune, en date du 1er avril 1958, modifiée par avenant signé le 8 septembre 1990 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mars 2012 ;

- le rapport de Mme Fischer-Hirtz, président,

- les conclusions de M. Féral, rapporteur public,

- et les observations de Me Richert, avocat de la société SEET ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

1 - Considérant que si la société S.E.E.T. fait grief au Tribunal administratif de Nancy de ne pas avoir répondu au moyen tiré de ce que les opérations de vérification de comptabilité auraient débuté dès le 7 décembre 2005, soit immédiatement après que la remise de l'avis de vérification de comptabilité, sans lui permettre de disposer d'un délai minimum pour se faire assister d'un conseil, il ne ressort pas de ses écritures de première instance qu'un tel moyen avait été soulevé devant le tribunal ; qu'il suit de là, que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué ne peut qu'être rejeté ;

Sur le principe de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés :

2 - Considérant qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) " ; qu'aux termes du 1 de l'article 4 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise susvisée : " Les revenus des entreprises (...) commerciales (...) ne sont imposables que dans l'Etat sur le territoire duquel se trouve un établissement stable " ; qu'aux termes du 3 de l'article 2 de la même convention : " 1) Le terme "établissement stable" désigne une installation fixe d'affaires dans laquelle l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. / 2) Au nombre des établissements stables figurent notamment : (...) / b) les succursales ; c) les bureaux (...) " ; qu'aux termes de l'article 7 de la même convention : " 1) Une société qui a son domicile fiscal au Luxembourg et qui a en France un établissement stable au sens du 3) de l'article 2, est soumise en France à la retenue à la source dans les conditions prévues par la législation interne française, étant toutefois entendu que le taux applicable est de 5 % " ;

3 - Considérant qu'il résulte de l'instruction que, sur requête des services fiscaux sollicitant la mise en oeuvre du droit de visite et de saisie prévu à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, les juges des libertés et de la détention des tribunaux de grande instance de Nancy et de Paris ont, par ordonnances du 30 juin 2004, autorisé les agents de l'administration des impôts à effectuer une visite et une saisie des documents dans les locaux et dépendances susceptibles d'être occupés notamment par la société SEET, à Malzéville, Saulxures et Paris ; que ces opérations qui se sont notamment déroulées le 1er juillet 2004 à Malzéville ont révélé que la société SEET exerçait son activité d'expertise pour l'essentiel sur le territoire français, sous la seule dénomination de " Cabinet Philippe Normand ", l'ensemble des moyens matériels nécessaires à cette activité se trouvant 37, chemin du pavillon à Malzéville dans les locaux de la société Cabinet européen de contrôle et d'expertise (CECE) auquel la société SEET était liée dans le cadre d'un contrat de prestations de service ; que les investigations ont également permis d'établir que le gérant de la société SEET et ses collaborateurs, domiciliés en Meurthe-et-Moselle, disposaient de bureaux dans lesdits locaux ; que la société CECE n'ayant pas d'autre activité que d'assurer la gestion et le fonctionnement administratif de la société requérante, les deux sociétés constituent en réalité une même entité économique ; que si la société SEET avait également au Luxembourg des locaux qu'elle mettait à la disposition d'un tiers, elle n'y déployait qu'une activité insignifiante et disposait d'une installation fixe d'affaires dans les locaux de la société CECE à partir desquels elle développait l'essentiel de son activité et vers lesquels notamment étaient basculés toutes ses communications téléphoniques ; que l'ensemble de ces circonstances suffit à caractériser l'existence d'un établissement stable ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé que les revenus provenant de l'activité de la société SEET étaient imposables à l'impôt sur les sociétés en France, conformément à l'article 4 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 ;

Sur la procédure d'imposition :

En ce qui concerne la mise en oeuvre de la procédure de visite domiciliaire et de saisie prévue par l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales :

4 - Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales dans sa rédaction issue de l'article 164 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie : " I. Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée (...) elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des impôts, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support. II. Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter. (...) L'ordonnance peut faire l'objet d'un appel devant le premier président de la cour d'appel. (...) Suivant les règles prévues par le code de procédure civile, cet appel doit être exclusivement formé par déclaration remise ou adressée, par pli recommandé ou, à compter du 1er janvier 2009, par voie électronique, au greffe de la cour dans un délai de quinze jours. Ce délai court à compter soit de la remise, soit de la réception, soit de la signification de l'ordonnance. Cet appel n'est pas suspensif. (...) L'ordonnance du premier président de la cour d'appel est susceptible d'un pourvoi en cassation, selon les règles prévues par le code de procédure civile. Le délai du pourvoi en cassation est de quinze jours. (...) III. (...) Le premier président de la cour d'appel connaît des recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie. (...). Suivant les règles prévues par le code de procédure civile, ce recours doit être exclusivement formé par déclaration remise ou adressée, par pli recommandé ou, à compter du 1er janvier 2009, par voie électronique, au greffe de la cour dans un délai de quinze jours. Ce délai court à compter de la remise ou de la réception soit du procès-verbal, soit de l'inventaire, mentionnés au premier alinéa. Ce recours n'est pas suspensif. L'ordonnance du premier président de la cour d'appel est susceptible d'un pourvoi en cassation, selon les règles prévues par le code de procédure civile. Le délai de pourvoi en cassation est de quinze jours (...) " ; qu'aux termes du IV du même article 164 : " 1. Pour les procédures de visite et de saisie prévues à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales pour lesquelles le procès-verbal ou l'inventaire mentionnés au IV de cet article a été remis ou réceptionné antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, un appel contre l'ordonnance mentionnée au II de cet article, alors même que cette ordonnance a fait l'objet d'un pourvoi ayant donné lieu à cette date à une décision de rejet du juge de cassation, ou un recours contre les opérations de visite ou de saisie peut, dans les délais et selon les modalités précisées au 3 du présent IV, être formé devant le premier président de la cour d'appel dans les cas suivants : (...) d) Lorsque, à partir d'éléments obtenus par l'administration dans le cadre d'une procédure de visite et de saisie, des impositions ont été établies (...) et qu'elles font (...) l'objet, à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, d'une réclamation ou d'un recours contentieux devant le juge, sous réserve des affaires dans lesquelles des décisions sont passées en force de chose jugée. Le juge, informé par l'auteur de l'appel ou du recours ou par l'administration, sursoit alors à statuer jusqu'au prononcé de l'ordonnance du premier président de la cour d'appel (...) 3. Dans les cas mentionnés aux 1 et 2, l'administration informe les personnes visées par l'ordonnance ou par les opérations de visite et de saisie de l'existence de ces voies de recours et du délai de deux mois ouvert à compter de la réception de cette information pour, le cas échéant, faire appel contre l'ordonnance ou former un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie. Cet appel et ce recours sont exclusifs de toute appréciation par le juge du fond de la régularité du déroulement des opérations de visite et de saisie. Ils s'exercent selon les modalités prévues respectivement aux articles L. 16 B et L. 38 du livre des procédures fiscales et à l'article 64 du code des douanes. En l'absence d'information de la part de l'administration, ces personnes peuvent exercer, selon les mêmes modalités, cet appel ou ce recours sans condition de délai. (...) " ;

5 - Considérant que l'article 164 précité de la loi du 4 août 2008 a modifié les dispositions - dont il a été fait application en l'espèce - de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales en conséquence de l'arrêt Ravon et autres c/ France du 21 février 2008 par lequel la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que les voies de recours alors ouvertes aux contribuables pour contester la régularité des visites et saisies opérées sur le fondement dudit article ne garantissaient pas l'accès à un procès équitable au sens du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il a, en particulier, instauré un appel devant le premier président de la cour d'appel contre l'ordonnance autorisant la visite et un recours devant ce même juge contre le déroulement des opérations de visite et de saisie, soumis aux règles du code de procédure civile, les ordonnances rendues en appel étant susceptibles d'un pourvoi en cassation ; que le d) précité du 1 du IV de l'article 164 a par ailleurs prévu que cet appel et ce recours étaient rétroactivement ouverts pour les procédures de visite et de saisie ayant permis, comme en l'espèce, à l'administration d'obtenir des éléments à partir desquels des impositions faisant l'objet d'un recours contentieux ont été établies ; que le caractère rétroactif de cette faculté a pour effet de rendre inopérant le moyen tiré par la société requérante de l'incompatibilité des dispositions de l'article L. 16 B, dans leur rédaction antérieure à la date d'entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008, avec le droit à un procès équitable garanti par l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par ailleurs, le IV de l'article 164 de la loi susvisée n'a pas eu pour objet ni pour effet de valider rétroactivement l'ordonnance et la procédure de visite et de saisie contestées, dès lors que la société pouvait saisir le premier président de la Cour d'appel, ainsi qu'elle l'a d'ailleurs fait ; que la possibilité pour la contribuable de contester par tout moyen le bien-fondé des impositions mises à sa charge ne s'en est donc trouvée nullement affectée ; que la société requérante n'est par suite pas fondée à soutenir que ces dispositions, qui permettent aux contribuables ayant fait l'objet d'une procédure de visite et de saisie sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales avant leur entrée en vigueur, d'exercer les voies de recours nouvellement instaurées pour assurer la compatibilité dudit article avec la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, nonobstant leur portée rétroactive, auraient pour conséquence de modifier, au détriment des contribuables et en violation du droit de toute personne à un procès équitable garanti par cette convention, les règles que le juge de l'impôt doit appliquer ; que, dès lors, si la société se prévaut de l'état du droit résultant de la décision susmentionnée Ravon de la Cour de justice des communautés européennes, qui aurait dû conduire selon elle à la décharge des impositions en litige dès lors que les éléments à partir desquels ont été établies lesdites impositions auraient été obtenus à l'issue d'une procédure de visite et de saisie dépourvue de base légale, elle ne s'est pas trouvée privée, par l'effet des dispositions de l'article 164, de la possibilité d'obtenir dans la présente instance la décharge de ces impositions en suite, notamment, de l'annulation éventuelle par le premier président de la Cour d'appel, dûment saisi, de l'ordonnance autorisant la visite et les saisies domiciliaires ; qu'en l'espèce, elle a d'ailleurs saisi le Premier Président de la Cour d'appel de Nancy et le Premier Président de la Cour d'appel de Paris qui chacun, par une ordonnance en date du 16 décembre 2009 et du 11 mars 2010, dont les pourvois formés à leur encontre ont été rejetés par deux décisions de la Cour de cassation en date des 7 décembre 2010 et 18 janvier 2011, a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre les ordonnances du 30 juin 2004 ayant autorisé les visites et saisies, ainsi que son recours contre le déroulement des opérations de visite et de saisie ; qu'ainsi, elle n'est pas fondée à soutenir que la procédure de recours prévue par l'article 164 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 demeure contraire à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6 - Considérant, en deuxième lieu, que si la société SEET fait valoir qu'elle a été privée de la possibilité d'être assistée par un avocat lors des opérations de visite domiciliaire et de saisie du 30 juin 2004, elle ne peut utilement se plaindre devant le juge administratif de l'absence d'un conseil dont la présence n'était pas prévue par les dispositions de l'article

L. 16 B du livre des procédures fiscales alors en vigueur à la date à laquelle lesdites opérations ont été autorisées par le juge des libertés et de la détention ;

7 - Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou amendes " ; qu'il résulte des termes mêmes de ces stipulations que le droit au respect de ses biens reconnu à toute personne physique ou morale suppose la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte ; qu'à défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir la restitution d'une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations ;

8 - Considérant qu'à la suite de l'arrêt Ravon et autres c/France (n°18497/03) du 21 février 2008 par lequel la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que les voies de recours ouvertes aux contribuables pour contester la régularité des visites et saisies opérées sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ne garantissaient pas l'accès à un procès équitable au sens de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 164 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie a prévu, pour les opérations prévues à l'article

L. 16 B pour lesquelles le procès-verbal ou l'inventaire avait été remis ou réceptionné antérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi, une procédure d'appel devant le premier président de la cour d'appel contre l'ordonnance autorisant la visite et un recours devant ce même juge contre le déroulement des opérations de visite et de saisie, les ordonnances rendues par ce dernier étant susceptibles d'un pourvoi en cassation ; que le d) du 1 du IV du même article 164 dispose que cet appel et ce recours sont ouverts pour les procédures de visite et de saisie ayant permis, comme en l'espèce, à l'administration d'obtenir des éléments à partir desquels des impositions faisant l'objet d'un recours contentieux ont été établies ; que le 3 du IV de ce même article fait obligation à l'administration d'informer les personnes visées par l'ordonnance ou par les opérations de visite et de saisie de l'existence de ces voies de recours et du délai de deux mois ouverts à compter de la réception de cette information pour, le cas échéant, faire appel contre l'ordonnance ou former un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie, cet appel et ce recours étant exclusifs de toute appréciation par le juge du fond de la régularité du déroulement de ces opérations ;

9 - Considérant que, ce faisant, le législateur s'est contenté de donner une nouvelle rédaction à l'article L. 16 B conforme aux exigences de la convention, et a pu instituer à titre transitoire la possibilité de bénéficier rétroactivement de ces nouvelles voies de recours contre l'ordonnance autorisant les opérations de visite et de saisie ainsi que contre le déroulement de telles opérations antérieures à l'entrée en vigueur de l'article 164 de cette loi, sans priver les contribuables d'aucune espérance légitime, et par suite sans porter atteinte à un bien au sens des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

10 - Considérant, qu'il est constant qu'à la suite de la mise en conformité du droit interne avec le droit conventionnel, la société, qui a fait l'objet dans les conditions précédemment rappelées d'une visite domiciliaire au siège de Malzéville le 1er juillet 2004, a pu exercer les voies de droit nouvelles offertes par cette loi et saisir le premier président de la cour d'appel d'un recours contre l'ordonnance autorisant la visite ou contre les opérations de saisies effectuées lors de la visite domiciliaire, qu'ainsi, elle n'a, contrairement à ses allégations, été privée d'aucune espérance légitime par l'effet des dispositions de l'article 164 de la loi du 4 août 2008 ;

11 - Considérant, enfin, que dans la mesure où le déroulement des opérations de visite ou de saisie effectuées en application des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales a été validé par l'autorité judiciaire et que cette procédure est exclusive de toute appréciation par le juge du fond, les allégations de la société requérante selon lesquelles elle aurait fait l'objet d'un contrôle inopiné ne peuvent qu'être écartées ;

En ce qui concerne le recours à la procédure de taxation d'office :

12 - Considérant qu'aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : (...) 2° A l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68... " ; qu'aux termes de l'article L. 68 du même livre dans sa rédaction alors en vigueur : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une première mise en demeure... " ;

13 - Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, la société SEET était passible en France de l'impôt sur les sociétés au titre des années litigieuses au regard tant des dispositions de l'article 209 du code général des impôts que des stipulations précitées de la convention franco-luxembourgeoise, pour les prestations qu'elle a réalisées à partir de son établissement situé en France ; qu'elle n'a souscrit aucune déclaration de résultats auxquelles elle était tenue en vertu du 1. de l'article 223 du code général des impôts et n'a pas respecté ses obligations déclaratives en matière d'impôt sur les sociétés malgré l'envoi de mises en demeure pour chacune des années en litige ; que c'est dès lors à bon droit que, par application de l'article

L. 66 du livre des procédures fiscales, l'impôt sur les sociétés et les contributions additionnelles à cet impôt dus au titre de chacun des exercices en litige ont été arrêtés par voie de taxation d'office ;

En ce qui concerne les dispositions de l'article L 47 du livre des procédures fiscales :

14 - Considérant qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix (...) " ;

15 - Considérant qu'il résulte de l'instruction que le 7 décembre 2005, le vérificateur a remis en mains propres à M. Normand, gérant de la société SEET, un avis de vérification sur lequel était mentionné qu'il se présenterait à Malzéville dans les locaux de son établissement stable en France, le 24 janvier 2006 ; que contrairement à ce que soutient la société, aucun document comptable n'a été présenté au service avant le début des opérations de vérification ; qu'en tout état de cause et dès lors que la situation de taxation d'office n'a pas été révélée par la vérification de comptabilité, la société n'est pas fondée à se prévaloir des irrégularités dont serait affectée la procédure de vérification ;

En ce qui concerne la régularité des avis de mise en recouvrement :

16 - Considérant qu'aux termes du 1er alinéa de l'article R. 256-6 du livre des procédures fiscales : " la notification de l'avis de mise en recouvrement comporte l'envoi au redevable, soit au lieu de son domicile, de sa résidence ou de son siège, soit à l'adresse qu'il a lui-même fait connaître au service des impôts ou des douanes et droits indirects compétent, de l'ampliation prévue à l'article R. 256-3 " ;

17 - Considérant, que la société SEET fait valoir que les avis de mise en recouvrement, qui lui ont été notifiés au 37 chemin du Pavillon à Malzéville, à l'adresse qui constitue le lieu d'implantation de son établissement stable, n'ont pas été envoyés à l'adresse du siège social de la société au Luxembourg en méconnaissance des dispositions de l'article R. 256-6 du livre des procédures fiscales entachant de nullité ces avis et, par suite, la procédure d'imposition suivie ; que, toutefois, l'éventuelle irrégularité de la procédure de notification des avis de mise en recouvrement alléguée par la société requérante n'affecte pas la validité du titre lui-même ; qu'ainsi, le moyen invoqué par la société requérante doit être écarté ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la détermination du chiffre d'affaires imposable à la taxe sur la valeur ajoutée :

18 - Considérant que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée dus par la société SEET ayant été régulièrement taxés d'office, il appartient à cette dernière d'établir l'exagération des bases d'imposition retenus par l'administration en application des dispositions des articles

L .193 et R. 193 du livre des procédures fiscales ;

19 - Considérant qu'aux termes de l'article 259 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle. " ;

20 - Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus sur l'exploitation en France de l'activité d'expertise de la société SEET, c'est à bon droit que les prestations de service qu'elle a réalisées en France du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004 ont été soumises à la taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement de l'article 259 du code général des impôts ; qu'à défaut de production des factures relatives aux prestations litigieuses la société n'établit que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée relative à son activité exercée en France, n'étaient pas fondés ;

Sur les pénalités :

21 - Considérant qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts dans sa rédaction applicable en l'espèce : " 1. Lorsqu'une personne physique ou morale ou une association tenue de souscrire une déclaration ou de présenter un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts s'abstient de souscrire cette déclaration ou de présenter cet acte dans les délais, le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 10 p. 100 (...) 3. La majoration visée au 1 est portée à : (...) 80 p. 100 en cas de découverte d'une activité occulte " ; qu'aux termes de l'article 1729 du même code dans sa rédaction applicable en l'espèce : " 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (...) " ;

22 - Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société requérante a exercé en France au cours des années en litige une activité d'expertise sans la faire connaître auprès d'un centre de formalités des entreprises et sans déposer de déclaration fiscale ; qu'elle a, dès lors, pu légalement faire l'objet de la majoration de 80 % prévue par le 3 de l'article 1728 du code général des impôts, alors même que certaines rémunérations, dont elle a bénéficiées, ont pu être déclarées par ses clients sur leurs propres déclarations des rémunérations versées ;

23 - Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société SEET n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui ne comporte pas d'erreur sur l'ordre d'examen des questions, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

24 - Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

25 - Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la société SEET demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société SEET est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Société Européenne d'Expertises Techniques (SEET) et au ministre de l'économie et des finances.

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N° 10NC01995


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