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22/11/2012 | FRANCE | N°10NC01012

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 22 novembre 2012, 10NC01012


Vu I) la requête n° 10NC01018, enregistrée au greffe de la Cour le 30 juin 2010, complétée par des mémoires en date des 31 janvier 2011 et 26 avril 2011, présentée pour la Société Bugna, ayant son siège 13 rue du Dasle à Audincourt (25400), par Me Bauer, avocat ;

La Société Bugna demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0802035 en date du 29 avril 2010, en tant que le Tribunal administratif de Besançon l'a condamnée solidairement avec M. A et la société Espace INGB à verser à la commune de Belfort la somme de 53 222 euros TTC, avec M. A à verser l

a somme de 8 493,25 euros TTC à la commune de Belfort et à garantir M. A à hauteur ...

Vu I) la requête n° 10NC01018, enregistrée au greffe de la Cour le 30 juin 2010, complétée par des mémoires en date des 31 janvier 2011 et 26 avril 2011, présentée pour la Société Bugna, ayant son siège 13 rue du Dasle à Audincourt (25400), par Me Bauer, avocat ;

La Société Bugna demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0802035 en date du 29 avril 2010, en tant que le Tribunal administratif de Besançon l'a condamnée solidairement avec M. A et la société Espace INGB à verser à la commune de Belfort la somme de 53 222 euros TTC, avec M. A à verser la somme de 8 493,25 euros TTC à la commune de Belfort et à garantir M. A à hauteur de 60% de la somme de 53 222 euros TTC et de 50% de la somme de 8 493,25 euros TTC, lesdites sommes portant intérêt au taux légal à compter du 17 décembre 2008 en réparation des désordres affectant le centre culturel et social des résidences Bellevue ;

2°) de rejeter la demande de la commune de Belfort présentée devant le Tribunal administratif de Besançon ;

3°) de condamner la compagnie d'assurances AXA et la maîtrise d'oeuvre à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre ;

Elle soutient que :

- elle est recevable à faire appel, alors même que, par requête séparée, son assureur a fait appel ;

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu sa responsabilité en ce qui concerne les pénétrations d'eau en sous-sol ;

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu sa responsabilité en ce qui concerne la pénétration de l'eau dans le hall d'entrée, dès lors que les désordres proviennent d'un aménagement inapproprié de la voirie, réalisé postérieurement à l'achèvement des travaux, à savoir en juillet 1999 ;

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu sa responsabilité en ce qui concerne le décollement des carreaux de la terrasse alors que le jugement ne précise pas en quoi un décollement de carrelage collé indépendant de son support entraîne une impropriété d'ouvrage à sa destination et, par suite, la mise en jeu de la garantie décennale ; l'action au titre de la garantie biennale est prescrite ; la chape a été supprimée par le maître d'ouvrage et la maîtrise d'oeuvre et la société n'avait pour mission que de coller le carrelage sur la dalle ;

- sa responsabilité contractuelle n'est pas engagée dès lors qu'elle n'a pas commis de faute et que la levée des réserves a pour effet de mettre fin aux relations contractuelles entre les parties ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 septembre 2010, complété par des mémoires en date des 29 mars 2011, 13 mai 2011 et 18 octobre 2012, présenté pour la compagnie d'assurances AXA Sinistres Construction, représentée par son représentant légal, ayant son siège social 2-4-6 allée du Château Blanc, BP 10081, à Wasquehal (59447), par la société d'avocat Maurin Teixeira ;

Elle conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté pour irrecevabilité les demandes en garantie de la société Bugna contre la compagnie AXA et au rejet de la demande de la commune de Belfort ; subsidiairement, de juger que le coût de réfection ne saurait excéder 8 500 euros et de condamner la commune de Belfort, la société Scanzi et le groupement de maîtrise d'oeuvre à garantir la société Bugna et la Cie AXA de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre ; de mettre solidairement à la charge de la commune de Belfort et du groupement de maîtrise d'oeuvre la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- en ce qui concerne le décollement des carreaux de la terrasse :

- seule la garantie de bon fonctionnement est applicable en ce qui concerne le décollement du carrelage, et l'action est prescrite ; un décollement n'engendre pas une impropriété à la destination de l'ouvrage et par suite la garantie décennale ne peut être mise en cause ;

- la cause des désordres ne résulte pas de la pose mais dans l'absence de pente du support, qui n'a pas été réalisée par l'entreprise Bugna, et qui était inclus dans une variante en moins value tel que réglé à l'entreprise ;

- les désordres résultent également de l'absence de revêtement d'étanchéité sur la dalle béton et de la fissuration de la dalle béton réalisée par la société Scanzi, alors que ladite société avait accepté sa responsabilité et s'était engagée à réparer les désordres lors de la réunion du 29 octobre 2003 ;

- en ce qui concerne la pénétration de l'eau dans le hall d'entrée :

- le désordre n'est pas de nature décennale ;

- les désordres proviennent d'un aménagement inapproprié de la voirie (absence de dispositif de collecte des eaux pluviales devant les portes d'entrée) imputable au maître d'ouvrage et à la maîtrise d'oeuvre ;

- en ce qui concerne le quantum et la garantie :

- la commune de Belfort, en ayant supprimé du marché confié à la société Bugna une forte pente, ainsi que de l'étanchéité, a accepté les risques inhérents, ce qui est exonératoire de responsabilité ;

- la responsabilité du groupement de maîtrise d'oeuvre est prépondérante ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 décembre 2010, complété par un mémoire enregistré le 18 octobre 2012, présenté pour la commune de Belfort, représentée par son maire à ce dûment habilité, élisant domicile à l'hôtel de ville, Place d'Armes à Belfort (90000), par Me Landbeck, avocat ;

Elle conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Bugnat la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la requête de la société Bugna est irrecevable dès lors que la compagnie d'assurances a fait appel ;

- la responsabilité décennale des constructeurs est engagée dès lors que le décollement du revêtement de la terrasse et les désordres affectant le hall d'entrée rendent le bâtiment impropre à sa destination et affectent sa solidité ;

- à défaut, la responsabilité contractuelle des constructeurs est engagée :

*en ce qui concerne la maîtrise d'oeuvre : faute de conception, suivi et direction des travaux, assistance aux opérations d'expertise ;

* en ce qui concerne l'entreprise Bugna, qui n'a pas prévu la réalisation d'une forme de pente prévue au marché et n'a pas attiré l'attention du maître d'ouvrage sur cette non-conformité alors que cela résulte de son obligation de conseil ;

* en ce qui concerne la société Scanzi : sa responsabilité ne saurait être retenue ;

- en ce qui concerne le quantum du préjudice : une construction à l'identique doit être retenue ainsi que l'ont estimé les premiers juges ;

- les observations de M. A, de la société Bugna et de la société AXA présentés à hauteur d'appel ne sont pas fondées ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 janvier 2011, présenté pour M. Patrick A, demeurant ..., par la société d'avocats Branget-Perriguey-Tournier-Bellard-Mayer ;

Il conclut :

- au rejet de la demande de la commune de Belfort ;

- subsidiairement, en ce qui concerne les malfaçons affectant le hall d'entrée : à la condamnation de la société Bugna et espace INGB à le garantir à hauteur de 80% des condamnations prononcées à son encontre ;

- en ce qui concerne le décollement du revêtement de la terrasse : juger que la société Bugna est principalement responsable des désordres et condamner à 80% la société Bugna, 10% Espace ING et 10% lui-même ;

- et condamner la société Espace INGB à le garantir à hauteur de 50% des condamnations prononcées à l'encontre de la maîtrise d'oeuvre ;

Il soutient que :

- la responsabilité contractuelle des constructeurs ne peut pas être invoquée à son encontre dès lors que la levée des réserves est intervenue le 24 janvier 2000 avec effet au 28 septembre 1999, date de réception des travaux ; seule la responsabilité décennale peut être invoquée ;

- en ce qui concerne les désordres affectant le hall d'entrée :

* la commune de Belfort est responsable des désordres dès lors qu'elle a procédé à un aménagement inapproprié de la voirie ;

* la société Espace INGB a donné les directives techniques aux entreprises ; par suite sa responsabilité est engagée, ainsi que celle de la société Bugna ;

- en ce qui concerne le décollement du revêtement de la terrasse :

* la société Bugna est principalement responsable des désordres dès lors que la forme de pente était prévue au CCTP et mise à sa charge, et que la société a effectué la pose contrairement aux règles de l'art ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 janvier 2011, complété par un mémoire en production en date du 8 février 2011, présenté pour la société BET Enébat, ayant son siège 11 rue du Lieutenant Bidaux à Chatenois-les-Forges (90700) et la société Espace INGB, ayant son siège 1 rue Morimont à Belfort (90000), par Me Bonnot, avocat ;

Elles concluent, à titre principal, au rejet de la demande de la commune de Belfort tendant à sa condamnation in solidum ainsi que celle de la société Espace INGB ; à titre subsidiaire, limiter sa responsabilité à 10% pour les dommages affectant le hall d'entrée et 5% s'agissant des dommages affectant la terrasse en retenant la répartition des responsabilités faite par l'expert, soit 5% de 20% ; condamner M. A et la société Espace INGB à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ; mettre à la charge de la ville de Belfort la somme de 1 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; mettre à la charge de la commune de Belfort la somme de 1 000 euros à verser à la société Espace INGB au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elles soutiennent que :

- en ce qui concerne la société Enébat : elle est un bureau d'études qui a réalisé les études techniques d'électricité et sa responsabilité ne peut être recherchée pour les désordres affectant des ouvrages de carrelage ou de maçonnerie ;

- en ce qui concerne la société Espace INGB:

* les désordres affectant le hall d'entrée ont pour origine un aménagement inapproprié de la voirie, et sa responsabilité ne peut être recherchée ;

* les désordres affectant la terrasse résultent d'une mise en oeuvre défectueuse (défaut de pente) et non de conception ; sa responsabilité ne peut être recherchée, dès lors que M. A est intervenu de façon prépondérante ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 janvier 2011, présenté pour la Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (SMABTP), ayant son siège social 114 avenue Emile Zola à Paris (75739), par Me Bonnot, avocat ;

Elle conclut :

- à la condamnation de la commune de Belfort à lui rembourser, en qualité d'assureur de la société BET Enébat la somme de 6 550 euros versée en suite de l'ordonnance de référé en date du 14 avril 2009 ;

- à ce que soit mise à la charge de la commune de Belfort la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que les désordres affectent les ouvrages de carrelage et de maçonnerie, et que la responsabilité de la société BET ENEBAT, bureau d'études pour les études techniques pour l'électricité, ne peut être retenue ;

Vu le mémoire enregistré le 22 octobre 2012, présenté pour la société BET Enébat et la société SAS Espace INGB, par Me Bonnot, avocat, parvenu après clôture ;

II) Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 29 juin 2010 sous le n° 10NC01012, complétée par des mémoires en date des 28 mars 2011, 13 mai 2011 et 18 octobre 2012, présentée pour la compagnie d'assurances AXA Sinistres Construction, représentée par son représentant légal, ayant son siège social 2-4-6 allée du Château Blanc, BP 10081, à Wasquehal (59447), par la société d'avocat Maurin Teixeira ;

La compagnie d'assurances AXA Sinistres Construction demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0802035 en date du 29 avril 2010, en tant que le Tribunal administratif de Besançon a condamné la société Bugna, solidairement avec M. A et la société Espace INGB, à verser à la commune de Belfort la somme de 53 222 euros, avec M. A à verser la somme de 8 493,25 euros à la commune de Belfort et à garantir M. A à hauteur de 60% de la somme de 53 222 euros TTC et de 50% de la somme de 8 493,25 euros TTC, lesdites sommes portant intérêt au taux légal à compter du 17 décembre 2008 en réparation des désordres affectant le centre culturel et social des résidences Bellevue ;

2°) de rejeter la demande de la commune de Belfort présentée devant le Tribunal administratif de Besançon ;

3°) de rejeter les conclusions en garantie formées à son encontre par la société Bugna ;

4°) de condamner la commune de Belfort au titre de sa responsabilité personnelle, comme celle de l'entreprise Scanzi ;

5°) subsidiairement, de juger que la société Bugna n'a commis aucune faute de nature contractuelle, et plus subsidiairement encore de juger que le coût de réfection ne saurait excéder 8 500 euros et de condamner la commune de Belfort, la société Scanzi et le groupement de maîtrise d'oeuvre à garantir la société Bugna et la Cie AXA de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre ;

6°) de mettre solidairement à la charge de la commune de Belfort, du groupement de maîtrise d'oeuvre constitué de M. A et des sociétés Espace INGB et Enébat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la responsabilité de son assuré, la société Bugna ne peut être retenue qu'en ce qui concerne le décollement du carrelage ;

- en ce qui concerne le décollement des carreaux de la terrasse :

- seule la garantie de bon fonctionnement est applicable en ce qui concerne le décollement du carrelage, et l'action est prescrite ; un décollement n'engendre pas une impropriété à la destination de l'ouvrage et par suite la garantie décennale ne peut être mise en cause ; le caractère décennal du désordre n'est pas actuel et certain ;

- la cause des désordres ne résulte pas de la pose, mais de l'absence de pente du support, qui n'a pas été réalisée par l'entreprise Bugna, et qui était inclus dans une variante en moins value tel que réglé à l'entreprise ;

- les désordres résultent également de l'absence de revêtement d'étanchéité sur la dalle béton et de la fissuration de la dalle béton réalisée par la société Scanzi, alors que ladite société avait accepté sa responsabilité et s'était engagée à réparer les désordres lors de la réunion du 29 octobre 2003 ;

- en ce qui concerne la pénétration de l'eau dans le hall d'entrée :

- le désordre n'est pas de nature décennale ;

- les désordres proviennent d'un aménagement inapproprié de la voirie (absence de dispositif de collecte des eaux pluviales devant les portes d'entrée) imputable au maître d'ouvrage et à la maîtrise d'oeuvre ;

- en ce qui concerne le quantum et la garantie :

- la commune de Belfort, en ayant supprimé du marché confié à la société Bugna une forte pente, ainsi que l'étanchéité, a accepté les risques inhérents, ce qui est exonératoire de responsabilité ;

- la responsabilité du groupement de maîtrise d'oeuvre est prépondérante ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 novembre 2010, complété par un mémoire en date du 18 octobre 2012, présenté pour la commune de Belfort, représentée par son maire à ce dûment habilité, élisant domicile à l'hôtel de ville, Place d'Armes à Belfort (90000), par Me Landbeck, avocat ;

Elle conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société AXA la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les conclusions de la société AXA, qui se présente comme l'assureur de la société Bugna, intervenant en sa qualité de subrogée dans les droits de la société, sont irrecevables dès lors qu'elle ne justifie pas avoir indemnisé son assuré et la commune de Belfort ;

- la responsabilité décennale des parties est engagée dès lors que le décollement du revêtement de la terrasse et les désordres affectant le hall d'entrée rendent le bâtiment impropre à sa destination et affectent sa solidité ;

- à défaut, la responsabilité contractuelle des constructeurs est engagée :

*en ce qui concerne la maîtrise d'oeuvre : faute de conception, suivi et direction des travaux, assistance aux opérations d'expertise ;

* en ce qui concerne l'entreprise Bugna qui n'a pas prévu la réalisation d'une forme de pente prévu au marché et n'a pas attiré l'attention du maître d'ouvrage sur cette non-conformité alors que cela résulte de son obligation de conseil ; l'acte d'engagement ne retient pas la proposition de variante indiquant la suppression de la forme de pente ;

* en ce qui concerne la société Scanzi : sa responsabilité ne saurait être retenue ;

- en ce qui concerne le quantum du préjudice : une construction à l'identique doit être retenue ainsi que l'ont estimé les premiers juges et la proposition alternative de l'expert ne saurait être retenue;

- les arguments de M. A, de la société Bugna et de la société AXA présentés à hauteur d'appel ne sont pas fondés ;

Vu le mémoire d'intervention volontaire, enregistré le 26 janvier 2011, présenté pour la Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (SMABTP), ayant son siège social 114 avenue Emile Zola à Paris (75739), par Me Bonnot, avocat ;

Elle demande à la Cour :

- de condamner la commune de Belfort à lui rembourser, en qualité d'assureur de la société BET Enébat la somme de 6 550 euros versée en suite de l'ordonnance de référé en date du 14 avril 2009 ;

- de mettre à la charge de la commune de Belfort la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que les désordres affectent les ouvrages de carrelage et de maçonnerie, et que la responsabilité de la société BET Enébat, bureau d'études pour les études techniques pour l'électricité, ne peut être retenue ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 janvier 2011, complété par un mémoire en production en date du 8 février 2011, présenté pour la société BET Enébat, ayant son siège 11 rue du Lieutenant Bidaux à Chatenois-les-Forges (90700) et la société Espace INGB, ayant son siège 1 rue Morimont à Belfort (90000), par Me Bonnot, avocat ;

Elles concluent, à titre principal, au rejet de la demande de la ville de Belfort tendant à sa condamnation in solidum ainsi que celle de la société Espace INGB ; à titre subsidiaire, à limiter sa responsabilité à 10% pour les dommages affectant le hall d'entrée et 5% s'agissant des dommages affectant la terrasse en retenant la répartition des responsabilités faite par l'expert, soit 5% de 20% ; condamner M. A et la société Espace INGB à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ; mettre à la charge de la commune de Belfort la somme de 1 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; mettre à la charge de la commune de Belfort la somme de 1 000 euros à verser à la société Espace INGB au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elles soutiennent que :

- en ce qui concerne la société Enébat : elle est un bureau d'études qui a réalisé les études techniques d'électricité et sa responsabilité ne peut être recherchée pour les désordres affectant des ouvrages de carrelage ou de maçonnerie ;

- en ce qui concerne la société Espace INGB :

* les désordres affectant le hall d'entrée ont pour origine un aménagement inapproprié de la voirie, et sa responsabilité ne peut être recherchée ;

* les désordres affectant la terrasse résultent d'une mise en oeuvre défectueuse (défaut de pente) et non de conception ; sa responsabilité ne peut être recherchée, dès lors que M. A est intervenu de façon prépondérante ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 janvier 2011, complété par un mémoire enregistré le 26 avril 2011, présenté pour la Société Bugna, ayant son siège social 13 rue du Dasle à Audincourt (25400), par Me Bauer, avocat ;

La Société Bugna conclut à l'annulation du jugement n° 0802035 en date du 29 avril 2010, en tant que le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande en garantie dirigée contre la compagnie AXA et l'a condamnée solidairement avec M. A et la société Espace INGB à verser à la commune de Belfort la somme de 53 222 euros, avec M. A à verser la somme de 8 493,25 euros à la commune de Belfort et à garantir M. A à hauteur de 60% des sommes mises à sa charge, lesdites sommes portant intérêt au taux légal à compter du 17 décembre 2008 en réparation des désordres affectant le centre culturel et social des résidences Bellevue ; au rejet de la demande de la commune de Belfort présentée devant le Tribunal administratif de Besançon ; condamner la compagnie AXA à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre ;

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu sa responsabilité en ce qui concerne les pénétrations d'eau en sous-sol ;

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu sa responsabilité en ce qui concerne la pénétration de l'eau dans le hall d'entrée, dès lors que les désordres proviennent d'un aménagement inapproprié de la voirie, réalisé postérieurement à l'achèvement des travaux, à savoir en juillet 1999 ;

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu sa responsabilité en ce qui concerne le décollement des carreaux de la terrasse alors que le jugement ne précise pas en quoi un décollement de carrelage collé indépendant de son support entraîne une impropriété d'ouvrage à sa destination et par suite la mise en jeu de la garantie décennale ; l'action au titre de la garantie biennale est prescrite ; la chape a été supprimée par le maître d'ouvrage et la maîtrise d'oeuvre et la société n'avait pour mission que de coller le carrelage sur la dalle ;

- la société n'a pas engagé sa responsabilité contractuelle dès lors qu'elle n'a pas commis de faute et que la levée des réserves a pour effet de mettre fin aux relations contractuelles entre les parties ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 avril 2011, présenté pour M. Patrick A, demeurant ..., par la société d'avocats Branget-Perriguey-Tournier-Bellard-Mayer ;

Il conclut à l'annulation du jugement du 29 avril 2010 du Tribunal administratif de Besançon, au rejet de la demande de la commune de Belfort, au rejet de sa responsabilité contractuelle, et s'agissant de la responsabilité décennale des constructeurs :

- en ce qui concerne les malfaçons affectant le hall d'entrée : dire et juger à titre principal que la commune de Belfort est seule responsable et rejeter ses demandes de condamnation à son égard ; à titre subsidiaire, à la condamnation de la société Bugna et espace INGB à le garantir à hauteur de 80% des condamnations prononcées à son encontre ;

- en ce qui concerne le décollement du revêtement de la terrasse : juger que la société Bugna est principalement responsable des désordres et condamner à 80% la société Bugna, 10% Espace INGB et 10% lui-même ;

- et condamner la société Espace INGB à le garantir à hauteur de 50% des condamnations prononcées à l'encontre de la maîtrise d'oeuvre ;

Il soutient que :

- la responsabilité des constructeurs ne peut pas être invoquée à son encontre dès lors que la levée des réserves est intervenue le 24 janvier 2000 avec effet au 28 septembre 1999, date de réception des travaux ; seule la responsabilité décennale peut être invoquée ;

- en ce qui concerne les désordres affectant le hall d'entrée :

* la commune de Belfort est responsable des désordres dès lors qu'elle a procédé à un aménagement inapproprié de la voirie ;

* la société Espace INGB a donné les directives techniques aux entreprises ; par suite sa responsabilité est engagée, ainsi que celle de la société Bugna ;

- en ce qui concerne le décollement du revêtement de la terrasse :

* la société Bugna est principalement responsable des désordres dès lors que la forme de pente était prévue au CCTP et mise à sa charge, et que la société a effectué la pose contrairement aux règles de l'art ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 octobre 2012, présenté pour la société BET Enébat et la société SAS Espace INGB, par Me Bonnot, avocat, parvenu après clôture ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 octobre 2012, présenté pour la SMABTP, parvenu après clôture ;

Vu les moyens d'ordre public, communiqués aux parties le 15 octobre 2012, tirés de :

" irrecevabilité de l'intervention de la compagnie AXA dès lors qu'elle soulève un litige distinct et n'a pas d'intérêt à agir " ;

" irrecevabilité des conclusions d'appel en garantie de la société Bugna dirigées contre la société AXA comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître " ;

" irrecevabilité des conclusions d'appel en garantie de la société Bugna en ce qu'elles sont dirigées contre la maîtrise d'oeuvre et M. A car nouvelles en appel " ;

" irrecevabilité des conclusions de la SMABTP dès lors qu'elles soulèvent un litige distinct " ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code civil ;

Vu le code des assurances ;

Vu le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 octobre 2012 :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Ghisu-Deparis, rapporteur public,

- et les observations de Me Ternon, avocat de la Société Bugna, et Me Maurin, avocat de la compagnie AXA ;

Vu, enregistrée le 13 novembre 2012, la note en délibéré présentée pour la compagnie AXA, par Me Maurin ;

1. Considérant que suivant actes d'engagement des 13 juillet et 30 novembre 1998, la commune de Belfort a confié à un groupement de maîtrise d'oeuvre, constitué de M. A, architecte, et des sociétés Espace INGB et BET Enébat, bureaux d'étude, et à divers entrepreneurs, les opérations de rénovation du centre culturel et social des résidences Bellevue ; que les travaux ont fait l'objet, s'agissant du lot n° 7 " Carrelages Faïences ", d'une réception définitive après levée des réserves au 12 octobre 1999 ; que des désordres affectant la terrasse, les sous-sols et le hall d'entrée étant apparus, le maître d'ouvrage a obtenu la désignation d'un expert, lequel a rendu son rapport le 13 octobre 2008 ; que les désordres affectant le sous-sol ayant fait l'objet de travaux de reprise par la société MBM, la commune de Belfort a demandé au Tribunal administratif la condamnation des membres du groupement de maîtrise d'oeuvre et de l'EURL Bugna, titulaire du lot carrelage, à réparer les conséquences dommageables des désordres relatifs à la terrasse et au hall d'entrée ; que, par jugement en date du 29 avril 2010, le Tribunal administratif de Besançon a, en réparation des désordres affectant le centre culturel et social des résidences Bellevue, notamment condamné solidairement la société Bugna, M. A et la société Espace INGB à verser à la commune de Belfort la somme de 53 222 euros, la société Bugna et M. A à verser la somme de 8 493,25 euros à la commune de Belfort et la société Bugna à garantir M. A à hauteur de 60% de la somme de 53 222 euros TTC et de 50% de la somme de 8 493,25 euros TTC, lesdites sommes portant intérêt au taux légal à compter du 17 décembre 2008 ; que la compagnie d'assurances AXA et la société Bugna, en tant que le Tribunal a prononcé les condamnations susrappelées à son encontre, relèvent appel de ce jugement ;

Sur la jonction :

2. Considérant que les requêtes de la compagnie d'assurances AXA et de la société Bugna sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu, par suite, de les joindre pour y statuer par un même arrêt ;

Sur les conclusions de la compagnie d'assurances AXA Sinistres Construction :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur. L'assureur peut être déchargé, en tout ou en partie, de sa responsabilité envers l'assuré, quand la subrogation ne peut plus, par le fait de l'assuré, s'opérer en faveur de l'assureur.(...) " ;

4. Considérant qu'en application des dispositions précitées de l'article L. 121-12 du code des assurances, l'assureur, dès le versement à son assuré d'une indemnité d'assurance, est subrogé dans les droits et actions de ce dernier à concurrence de la somme versée, et qu'il lui est loisible de choisir le moment auquel il entend exercer ce droit à subrogation et être dès lors substitué, dans l'instance en cours, à son assuré ; qu'il incombe cependant, à l'assureur qui entend bénéficier de la subrogation prévue par l'article L. 121-12 précité du code des assurances d'apporter la preuve du versement de l'indemnité d'assurance à son assuré, et ce par tout moyen, au plus tard à la date de la clôture de l'instruction ; que la compagnie d'assurances AXA Sinistres Construction, assureur de la société Bugna, ne justifie pas avoir payé à la société Bugna l'indemnité d'assurance ; que si, par note en délibéré, enregistrée le 13 novembre 2012, la compagnie AXA soutient avoir réglé une somme de 7 250 euros au titre du contrat d'assurances conclu avec la société Bugna, elle n'établit pas, alors que le moyen tiré de ce qu'elle ne justifiait pas avoir indemnisé son assurée était expressément soulevé par la commune de Belfort par mémoire en défense enregistré le 19 novembre 2010, ne pas avoir été en mesure de faire état de cette circonstance avant la clôture de l'instruction ; qu'au surplus, cette somme se rapporte non à l'exécution du jugement attaqué, qui porte sur une somme supérieure à celle-ci, mais à l'exécution d'une ordonnance de référé provision du 14 avril 2009 ; que, par suite, ainsi que le soutient à juste titre la commune de Belfort, la requête de la compagnie d'assurances AXA Sinistres Construction est irrecevable ; que, par voie de conséquence, les conclusions de la société AXA Sinistres Construction tendant à ce que la société Bugna soit garantie par d'autres constructeurs sont elles-mêmes irrecevables, ainsi que l'a jugé à juste titre le Tribunal administratif ;

5. Considérant que la société d'assurances AXA Sinistres Construction n'est pas liée au maître d'ouvrage par un contrat de droit public et se trouve au contraire liée à la société Bugna, constructeur, par un contrat de droit privé ; que, par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par la commune de Belfort, les conclusions présentées par la société Bugna, tendant à ce que la société AXA Sinistres Construction soit condamnée en sa qualité d'assureur dommages d'ouvrages à la garantir des sommes qui pourraient être mises à sa charge, ne peuvent qu'être rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;

Sur l'intervention de la société SMABTP :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur. L'assureur peut être déchargé, en tout ou en partie, de sa responsabilité envers l'assuré, quand la subrogation ne peut plus, par le fait de l'assuré, s'opérer en faveur de l'assureur.(...) " ;

7. Considérant que si la société SMABTP soutient avoir versé la somme de 6 550 euros à la commune de Belfort correspondant à la répartition par part virile de la condamnation prononcée à l'encontre de son assurée, la société BET Enébat, il ressort du jugement du 29 avril 2010 que la société BET Enébat n'a pas été condamnée et qu'aucune part de responsabilité n'a été retenue à son encontre ; que si la société SMABTP fournit le bordereau des mouvements CARPA du 5 juin 2009 avec lettre chèque émise le 3 juillet 2009, il ressort dudit document que le versement effectué correspond à l'exécution de l'ordonnance de référé provision du Tribunal administratif de Besançon du 14 avril 2009 et que la pièce jointe note que ce versement est effectué pour le compte de la société " Espace INGB " ; qu'elle ne peut dès lors se prévaloir d'aucune subrogation dans les droits et actions de son assurée, la société BET Enébat ; que, par suite, faute de justification d'un droit auquel la décision à rendre est susceptible de préjudicier, les conclusions en intervention de la société SMABTP sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les responsabilités :

En ce qui concerne le hall d'entrée :

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et plus particulièrement du rapport d'expertise rendu le 8 octobre 2008, que le revêtement extérieur carrelé présente une pente sensiblement nulle, ce qui permet la pénétration des eaux pluviales à l'intérieur du bâtiment et la destruction progressive des éléments de parement des poteaux ; que les travaux de l'entreprise Bugna, en charge du lot carrelage-faïence, ont été réceptionnés avec réserves le 28 septembre 1999, et les réserves levées pour le 12 octobre 1999, ce qui a eu pour effet de mettre fin aux relations contractuelles entre les parties, la responsabilité contractuelle ne pouvant dès lors plus être invoquée ; que ces désordres, qui n'étaient ni apparents ni prévisibles lors des opérations de réception, provoquent d'importantes infiltrations d'eau dégradant la construction et font obstacle à son utilisation en toute sécurité ; qu'ils sont ainsi de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination ;

9. Considérant qu'il ressort du rapport d'expertise que ces désordres trouvent leur origine dans la pose du carrelage extérieur, qui aurait dû impérativement être aligné d'une part sur le seuil du bâtiment, d'autre part sur la voirie, ce qui n'a pas été fait et ce qui a entraîné de fait l'absence d'une pente permettant de rejeter l'eau vers l'extérieur du bâtiment ; qu'au surplus, l'expert fait valoir que " cette précaution n'a malheureusement pu être mise en oeuvre en raison de la présence d'un local enterré de France Télécom qui a modifié les choix du revêtement extérieur ", mais que ce point a été pris en compte par le maître d'oeuvre qui a diffusé un plan où apparaît effectivement un ressaut de deux centimètres et que " selon la chronologie des deux chantiers, les cotes extérieures convenues n'auraient pas été respectées, ce qui n'a pas permis de mettre en place le ressaut prévu " ; que, par suite, ces désordres sont imputables à un défaut de conception et à un défaut d'exécution de l'ouvrage de nature à engager la responsabilité des constructeurs sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil, ainsi que l'a jugé à juste titre le Tribunal administratif ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les sociétés Espace INGB et BET Enébat, en charge des études et des plans initiaux, ne sont intervenues ni en cours de chantier, ni lors de la réception ; qu'elles justifient ainsi de ce que ces désordres ne leur sont pas imputables, comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges ;

11. Considérant que si, selon l'expert, les prescriptions du maître d'oeuvre (pose d'un ressaut) n'ont pas été respectées par les entreprises chargées de l'aménagement extérieur, le maître d'oeuvre a précisé avoir été obligé d'accepter cet état de fait et donc de demander au carreleur de mettre en place le carrelage au niveau du seuil pour achever les travaux et permettre la réception du chantier ; que, par suite, le vice de conception et le défaut de surveillance du chantier ainsi relevés sont de nature à engager la responsabilité de M. A ;

12. Considérant que si la société Bugna soutient que les désordres proviennent d'aménagements inappropriés de la voirie par la commune de Belfort, réalisée postérieurement à l'achèvement des travaux, elle ne l'établit pas ; que l'entreprise Bugna, qui aurait dû soit refuser de réaliser les travaux sur un support inapproprié, soit attirer l'attention du maître d'oeuvre et du maître d'ouvrage sur les risques inhérents à ce défaut de pente, ne saurait faire valoir que sa responsabilité ne peut être recherchée ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Bugna n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamnée solidairement avec M. A à indemniser la commune de Belfort des conséquences dommageables des désordres affectant le hall d'entrée ; que, par voie d'appel provoqué, M. A n'est de même pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif a retenu sa responsabilité ;

En ce qui concerne la terrasse :

14. Considérant qu'il ressort du rapport d'expertise rendu le 8 octobre 2008 que de nombreux carreaux sont décollés à proximité de l'escalier d'accès extérieur, que d'autres présentent des fissures importantes qui imposent leur remplacement et, qu'en partie avant de la terrasse, les carreaux d'extrémité ne sont plus adhérents ce qui entraîne la dégradation de la finition métallique mise en place ; que, s'agissant d'un espace extérieur accessible, le décollement des carreaux rend la surface dangereuse pour les utilisateurs, la destruction du carrelage et de l'élément métallique en rive favorisant la dégradation de l'enduit en façade ; que si la société Bugna soutient que les désordres en litige ne rentrent pas dans le champ de la garantie décennale dès lors qu'ils ne constituent que des éléments d'équipement de l'ouvrage, il ressort des dires de l'expert que les désordres les affectant peuvent compromettre la sécurité des usagers et sont ainsi de nature à rendre l'immeuble impropre à sa destination ; que, par suite, le moyen ne peut, en toute hypothèse, qu'être écarté ; que ces désordres, qui n'étaient ni apparents ni prévisibles pour le maître d'ouvrage lors des opérations de réception de l'immeuble, sont de nature à engager la responsabilité des constructeurs sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil, ainsi que l'a jugé le Tribunal administratif, qui a suffisamment motivé son jugement sur ce point ;

15. Considérant qu'il ressort du rapport d'expertise que ces désordres trouvent leur origine, d'une part, dans une conception inadaptée de l'ouvrage, dès lors que les niveaux indiqués sur les plans ne permettent pas de réaliser un ouvrage rapporté, d'autre part, dans une "mise en oeuvre défectueuse les carreaux ayant été collés sur une dalle dont il a été indiqué qu'elle était en pente nulle, ce qui favorise la pénétration de l'eau pluviale et le décollement progressif du revêtement sous l'effet des phénomènes climatiques ; que cette mise en oeuvre n'est pas conforme aux recommandations du cahier des prescriptions techniques édité par le CSTB ; que, par suite, ces désordres sont imputables à un défaut de conception et à un défaut d'exécution de l'ouvrage ;

16. Considérant qu'il résulte en outre du rapport de l'expert que M. A a omis d'indiquer la pente sur les plans, et n'a pas sur ce point exercé une surveillance suffisante du chantier ; que le défaut de conception relevé ci-dessus engage la responsabilité de la société Espace INGB, chargée des études préalables, alors même qu'elle a mentionné la nécessité de réaliser une " forme de pente " dans le cahier des clauses techniques particulières du lot " carrelage " ; que, par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu la responsabilité de M. A et de la société Espace INGB et ont estimé que la société BET Enébat, qui n'était en charge que des études électriques, devait être mise hors de cause ;

17. Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que l'entreprise Bugna aurait dû réaliser la " forme de pente " de la terrasse, conformément au cahier des clauses techniques particulières du lot n°7 " carrelage/faïence " qui indique que sur la dalle livrée par le gros oeuvre sera réalisée une " forme de pente au mortier à expansion (...) prêt à recevoir une étanchéité liquide " ; que si elle soutient que la chape a été supprimée par le maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre, suite à une erreur de conception, et qu'il aurait fallu mettre en cause la société Scanzi, chargée du lot " gros oeuvre-maçonnerie ", cette circonstance, à la supposer avérée, ne l'exonère pas de sa responsabilité dès lors qu'il lui appartenait, ainsi que le soutient à juste titre M. A, et ainsi que cela ressort du cahier des clauses techniques particulières, de signaler par écrit au maître d'oeuvre les erreurs ou omissions au fur et à mesure qu'elles les relève et de réaliser les travaux conformément aux règles de l'art ; que si elle soutient par ailleurs que la commune de Belfort aurait payé le prix de la tranche ferme incluant la suppression de la forme de pente, cette circonstance est sans incidence dès lors que les documents contractuels ne prévoient pas ladite suppression ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Bugna n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamnée solidairement avec M. A et la société Espace INGB à indemniser la commune de Belfort des conséquences dommageables des désordres affectant la terrasse ; que, par voie d'appel provoqué, M. A et la société Espace INGB ne sont de même pas fondés à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif a retenu leur responsabilité ;

Sur les appels en garantie :

19. Considérant que la société Bugna, qui se borne à contester la part de responsabilité laissée par le Tribunal à la charge de M. A, à savoir 40% en ce qui concerne la terrasse et 50% en ce qui concerne le hall d'entrée, ne remet pas utilement en cause, par les éléments qu'elle apporte, l'appréciation portée par les premiers juges sur l'importance des fautes d'exécution qui lui sont imputées par rapport aux fautes de conception et de direction des travaux de l'architecte ; qu'il n'y a pas lieu, eu égard à ce qui a été dit ci-dessus, de modifier la répartition finale de la charge de l'indemnité fixée par le Tribunal entre la société Bugna, M. A et la société Espace INGB ; que, par suite, les appels en garantie dirigés par la Société Bugna à l'encontre de M .A et de la société Espace INGB doivent en tout état de cause être rejetés ; qu'il en est réciproquement de même des conclusions d'appel incident de M. A et de la société Espace INGB tendant à la diminution de la part de responsabilité retenue à leur encontre par les premiers juges ;

20. Considérant que les conclusions en garantie formées par la société Bugna à l'encontre de la société AXA Sinistres Construction ne peuvent qu'être rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Bugna et la compagnie d'assurances AXA Sinistres Construction, dont les requêtes sont rejetées, obtiennent le bénéfice desdites

dispositions ; qu'il n'y a par ailleurs pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux demandes formées sur le même fondement par la commune de Belfort, la société Espace INGB et la société Enébat ; qu'enfin, la SMABTP, qui se présente comme intervenante dans la présente instance, ne saurait en tout état de cause demander la condamnation à son profit d'une quelconque partie au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention de la SMABTP n'est pas admise.

Article 2 : La requête n° 10NC01012 de la compagnie d'assurances AXA Sinistres Construction est rejetée.

Article 3 : La requête n° 10NC01018 de la société Bugna est rejetée.

Article 4 : Les conclusions d'appel incident et d'appel provoqué sont rejetées.

Article 5 : Les conclusions de la commune de Belfort, de la société Espace INGB et de la société Enébat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bugna, à la commune de Belfort, à M. A, à la société Espace INGB, à la société BET Enébat, à la Compagnie d'assurances AXA Sinistres Construction et à la SMABTP.

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10NC01012-10NC01018


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10NC01012
Date de la décision : 22/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Responsabilité décennale - Désordres de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs - Ont ce caractère.

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Responsabilité décennale - Responsabilité de l'architecte - Faits de nature à engager sa responsabilité.

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Responsabilité décennale - Responsabilité de l'entrepreneur - Faits de nature à engager sa responsabilité.

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité du maître de l'ouvrage et des constructeurs à l'égard des tiers - Actions en garantie.


Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: Mme GHISU-DEPARIS
Avocat(s) : SCP MAURIN-TEIXEIRA. ; SCP MAURIN-TEIXEIRA. ; LANDBECK

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-11-22;10nc01012 ?
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