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14/04/2014 | FRANCE | N°13NC00353

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 14 avril 2014, 13NC00353


Vu la requête, enregistrée le 25 février 2013 sous le n° 13NC00353, présentée pour la SA SOGEEFER, représentée par son président directeur général, dont le siège social est au 9, rue Wilson, à Hagondange (57300), par Me Battle, avocat ;

La SA SOGEEFER demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0905374 du 28 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a, à la demande de M.A..., annulé la décision de l'inspecteur du travail du 14 mai 2009 ayant autorisé son licenciement et la décision implicite par laquelle le ministre du travail, de

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Vu la requête, enregistrée le 25 février 2013 sous le n° 13NC00353, présentée pour la SA SOGEEFER, représentée par son président directeur général, dont le siège social est au 9, rue Wilson, à Hagondange (57300), par Me Battle, avocat ;

La SA SOGEEFER demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0905374 du 28 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a, à la demande de M.A..., annulé la décision de l'inspecteur du travail du 14 mai 2009 ayant autorisé son licenciement et la décision implicite par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville rejette le recours formé par M. A...contre la décision du 14 mai 2009 ;

2°) de rejeter les conclusions de M.A... ;

3°) de condamner M. A...à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le licenciement demandé n'était pas en lien avec l'exercice du mandat syndical détenu par M. A..., les difficultés relatées dans le jugement étant antérieures de trois ans à la demande d'autorisation de licenciement, le rôle de M. A...au sein du comité d'entreprise n'ayant pas été aussi déterminant que l'indique le tribunal, tant à propos du budget que de l'enquête menée par un cabinet d'expertise comptable ;

- les faits relevés à l'encontre de M. A...constituent des fautes graves de nature à justifier son licenciement ;

- il a refusé de remplir les bons de ventilation des heures travaillées, refusé de pointer alors qu'il s'agit d'une obligation prévue au règlement intérieur de l'entreprise, s'est absenté à deux reprises de manière injustifiée et a refusé d'obéir à un supérieur, le 4 février 2009, proférant à cette occasion des propos injurieux ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2013, présenté par M. C...A..., domicilié ...par Me Bertani, avocat ; il conclut au rejet de la requête et à ce que le ministre du travail soit condamné à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il fait valoir que :

- les difficultés liées à l'exercice de son mandat syndical ont perduré et sont à l'origine du licenciement ;

- la procédure suivie était irrégulière, dès lors qu'il n'a pas été destinataire du rapport écrit de l'inspecteur du travail ni de la note de synthèse du directeur régional du travail pour l'instruction du recours hiérarchique ;

- l'ordre du jour de la convocation du comité d'entreprise a été élaboré unilatéralement par l'employeur, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2325-15 du code du travail ;

- le licenciement est lié à l'exercice de son mandat et il fait l'objet d'un traitement différent des autres salariés non protégés ;

- l'obligation de remplir les bons de ventilation n'est pas établie et il pensait que son collègue s'en chargeait ;

- il lui était difficile de pointer compte tenu de ses activités syndicales et, au surplus, il n'a pas bénéficié des mêmes tolérances que les autres salariés ;

- il avait averti son employeur téléphoniquement de ses absences et obtenu un accord verbal ; il lui était possible de régulariser a posteriori, ce qu'il a fait s'agissant de l'absence du 6 au 16 février ;

- il a contesté les faits de désobéissance dès le 9 février 2009 ;

Vu les pièces du dossier dont il ressort que la requête a été communiquée, le 3 avril 2013, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, pour lequel il n'a pas été présenté d'observations ;

Vu l'ordonnance en date du 7 octobre 2013 fixant la clôture de l'instruction au 7 novembre 2013 à 16 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mars 2014:

- le rapport de Mme Rousselle président,

- les conclusions de M. Wiernasz, rapporteur public,

- et les observations de Me B...pour la société SOGEEFER, et de Me Bertani pour M.A... ;

1. Considérant que M. A..., était employé depuis le 2 février 2005 par la société SOGEEFER, entreprise spécialisée dans la maintenance d'équipements ferroviaires, où il occupait les fonctions de mécanicien et était titulaire des mandats de délégué syndical, de membre de la délégation unique du personnel et du comité d'hygiène, de la sécurité et des conditions de travail ; que la société SOGEEFER a sollicité, le 6 avril 2009, l'autorisation de licencier pour faute M. A... ; que par décision du 14 mai 2009, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M. A..., aux motifs que les faits sont établis, ne sont pas prescrits et sont liés à l'exécution du contrat de travail et non à l'exercice des mandats détenus par le salarié et que l'existence d'un salarié très actif et compétent dans l'exercice de ses mandats ne peut être reconnu comme motif d'intérêt général dès lors qu'il existe d'autres représentants du personnel relevant de la même organisation syndicale détenant des mandats de représentants du personnel ; que le recours formé par M. A...contre cette décision a été rejeté par une décision implicite du ministre du travail ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé ces deux décisions ;

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés protégés, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle, doit être autorisé par l'inspecteur du travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'autorité administrative compétente de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte-tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

3. Considérant, que pour annuler les décisions contestées, le tribunal administratif a considéré que c'est à tort que l'inspecteur et le ministre ont estimé que sa demande de licenciement était dépourvue de tout lien avec l'exercice de son mandat syndical ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...s'est retrouvé confronté à une opposition très forte de l'entreprise dès son élection, le 10 mars 2006, en qualité de délégué du personnel ; que, notamment, à cette occasion, l'entreprise a introduit une procédure devant le tribunal de grande instance de Metz tendant à l'annulation de la désignation de M. A...comme délégué syndical au cours de laquelle le président-directeur général de la société a déclaré " prendre ses droits à la retraite si la désignation de M. A...persiste, ce qui entrainerait la chute immédiate de l'activité de l'entreprise, la remise en cause de son fonctionnement, voire une cessation d'activité ", qu'il reconsidérerait les avantages accordés aux salariés si la désignation de M. A...persistait ; que si, par jugement du 5 avril 2006, cette requête a été rejetée, les relations entre M. A... et la direction de l'entreprise SOGEEFER n'en ont pas été apaisées, contrairement à ce que soutient l'entreprise, comme le montrent plusieurs pièces du dossier et notamment un courrier en date du 22 février 2007, le procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 27 février 2007 et un courrier du 17 novembre 2008 dans lesquels les difficultés rencontrées par l'intéressé pour exercer son mandat sont mises en évidence ; qu'enfin, M.A..., par son rôle déterminant au sein du comité d'entreprise est à l'origine d'une décision du 29 mars 2008 par laquelle ce comité a désigné un cabinet d'expertise comptable chargé de contrôler les comptes de la société, amenant le syndicat CGT, à la suite du rapport produit par ledit cabinet, à diffuser, le 10 mars 2009, un tract dénonçant le montant annuel consacré aux frais de chasse par la société et le refus de l'employeur d'accorder une prime aux salariés ; qu'enfin, comme l'a relevé le tribunal, l'inspecteur du travail a souligné, dans sa décision " l'existence d'un salarié très actif et compétent dans l'exercice de ses mandats " mais aussi le fait qu'il " a rencontré des difficultés dans l'exercice de ses mandats au sein de l'entreprise " ; que la concomitance entre le dernier document syndical mettant en cause l'entreprise et la demande de licenciement en date du 6 avril 2009, alors que les faits qui la motivent, le refus de remplir les bons de ventilation des heures travaillées et le non respect de la procédure de pointage dont l'existence est établie depuis 2008, les absences de l'intéressé à la date du 23 janvier 2009 et pour la période du 6 au 16 février 2009, et enfin, le refus d'obéissance du 4 février 2009, sont nettement antérieurs à cette date, est de nature à établir que la décision de licenciement n'est pas dépourvue de tout lien avec le mandat détenu par M.A... ; qu'il résulte de tout ceci que, contrairement à ce que soutient la SA SOGEEFER, le tribunal était fondé, pour ce motif, à prononcer l'annulation des décisions contestées ;

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M.A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à la SA SOGEEFER la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. A...tendant à la condamnation du ministre du travail à ce titre ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SA SOGEEFER est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. A...tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SA SOGEEFER, à M. C...A...et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

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N°13NC00353


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC00353
Date de la décision : 14/04/2014
Type d'affaire : Administrative

Analyses

66-07-01-04-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Illégalité du licenciement en rapport avec le mandat ou les fonctions représentatives.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Pascale ROUSSELLE
Rapporteur public ?: M. WIERNASZ
Avocat(s) : BERTANI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-04-14;13nc00353 ?
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