La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/07/2014 | FRANCE | N°13NC01838

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 03 juillet 2014, 13NC01838


Vu la décision n° 358294, en date du 4 octobre 2013, par laquelle le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt n° 11NC00608 rendu le 30 janvier 2011 par la cour administrative d'appel de céans et a renvoyé l'affaire devant cette cour pour qu'il soit statué sur la requête du Gaec du Nouroy ;

Vu la requête, enregistrée le 13 avril 2011 sous le n° 11NC00608, présentée pour le groupement agricole d'exploitation en commun (Gaec) du Nouroy, dont le siège est route de Langres à Noidant-Chatenoy (52600), représenté par son gérant, par la SELARL d'avocats Charlot et Associés ;
>Le Gaec du Nouroy demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0802654 e...

Vu la décision n° 358294, en date du 4 octobre 2013, par laquelle le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt n° 11NC00608 rendu le 30 janvier 2011 par la cour administrative d'appel de céans et a renvoyé l'affaire devant cette cour pour qu'il soit statué sur la requête du Gaec du Nouroy ;

Vu la requête, enregistrée le 13 avril 2011 sous le n° 11NC00608, présentée pour le groupement agricole d'exploitation en commun (Gaec) du Nouroy, dont le siège est route de Langres à Noidant-Chatenoy (52600), représenté par son gérant, par la SELARL d'avocats Charlot et Associés ;

Le Gaec du Nouroy demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0802654 en date du 10 février 2011 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 19 juin 2008 par laquelle le préfet de la Haute-Marne a décidé d'appliquer un taux de réduction de 20 % sur le montant total des aides directes communautaires qu'il a perçues au titre de la campagne 2007, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

2°) d'annuler les décisions attaquées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le directeur départemental de l'agriculture et de la forêt n'était pas compétent pour signer la décision contestée en application des dispositions de l'article D. 615-61 du code rural et de la pêche maritime ;

- la décision du 19 juin 2008 est insuffisamment motivée ;

- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation ; d'une part, l'anomalie constatée au titre de la marque auriculaire d'identification du bovin n° FR 52 4337 7987 était justifiée au regard de l'exigence de traçabilité des animaux ; elle est de pratique courante et ne traduit aucune intention de masquer l'identification de la vache ; l'anomalie a été corrigée moins d'un mois après le contrôle effectué sur place, le 12 septembre 2007 ; la décision est donc entachée d'une erreur de fait et d'une erreur dans la qualification juridique de " faute intentionnelle " ; d'autre part, les autres cas de non-conformité retenus par le préfet de la Haute-Marne étaient véniels et ne concernaient que 2,45 % du cheptel ; ils ne pouvaient justifier un taux de réduction des aides au titre de la conditionnalité de 20 % ;

- le contrôle réalisé s'est effectué dans une ambiance suspicieuse de nature à entacher la décision de détournement de pouvoir ;

- en tout état de cause, la décision préfectorale est entachée d'erreur manifeste d'appréciation puisque disproportionnée ; une réduction de 15 % des primes devait être appliquée ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 janvier 2012, présenté par le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire et le mémoire, enregistré le 2 juin 2014, présenté par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, qui concluent au rejet de la requête ;

Le ministre soutient que :

- la décision du préfet de la Haute-Marne en date du 19 juin 2008 est suffisamment motivée ;

- le directeur départemental de l'agriculture et de la forêt de la Haute-Marne disposait d'une délégation de signature régulièrement publiée que lui avait consentie le préfet de la Haute-Marne ;

- seule la faute intentionnelle liée à la modification de la marque auriculaire du bovin n° FR 52 4337 7987 a été sanctionnée ; elle justifiait, en application des dispositions de l'article D. 615-59 du code rural et de la pêche maritime, un taux de réduction des aides de 20 % ; les autres anomalies constatées n'ont pas été prises en compte ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement CE n° 1782/2003 du Conseil du 29 septembre 2003 modifié ;

Vu le règlement CE n° 796/2004 de la Commission du 21 avril 2004 portant modalités d'application de la conditionnalité, de la modulation et du système intégré de gestion et de contrôle prévu par le règlement CE n° 1782/2003 du Conseil ;

Vu le code rural et de la pêche maritime ;

Vu l'arrêté du 9 mai 2006 relatif aux modalités de réalisation de l'identification du cheptel bovin ;

Vu l'arrêté du 2 décembre 2007 relatif à la mise en oeuvre de la conditionnalité au titre de 2007 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 juin 2014 :

- le rapport de M. Tréand, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Favret, rapporteur public ;

Vu, enregistrée le 18 juin 2014, la note en délibéré présentée par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 6 du règlement CE du Conseil du 29 septembre 2003 susvisé : " 1. Lorsque les exigences réglementaires en matière de gestion ou les bonnes conditions agricoles et environnementales ne sont pas respectées en raison d'un acte ou d'une omission directement imputable à l'agriculteur concerné, le montant total des paiements directs à octroyer au titre de l'année civile au cours de laquelle le non respect est constaté, est réduit ou supprimé (...). " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le groupement agricole d'exploitation en commun (Gaec) du Nouroy, propriétaire d'une exploitation agricole dans la commune du Noidant-Chatenoy, a demandé à bénéficier, au titre de l'année 2007, des aides directes prévues par le règlement (CE) n°1782/2003 du Conseil du 29 septembre 2003 établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et des indemnités compensatoires de handicaps naturels prévues par le règlement (CE) n°1698/2005 du Conseil du 20 septembre 2005 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural ; qu'un contrôle de conditionnalité, réalisé sur place le 12 septembre 2007 par les agents de la direction départementale des services vétérinaires de la Haute-Marne, a permis de mettre en évidence des manquements en matière d'identification et d'enregistrement des bovins ; que par décision du 19 juin 2008, le préfet de la Haute-Marne a appliqué un taux de réduction de 20% sur le montant total des aides communautaires à verser au Gaec du Nouroy au titre de l'année 2007 ; que le Gaec du Nouroy a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du préfet de la Haute-Marne, ensemble le rejet de son recours gracieux ; que, par jugement du 10 février 2011, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la requête du Gaec ;

3. Considérant que le préfet de la Haute-Marne a fondé sa décision du 19 juin 2008 sur la constatation de trois cas de non-conformité aux règles d'identification et enregistrement des bovins à savoir, dans l'ordre du tableau annexé à la décision litigieuse, " marques auriculaires modifiées ", " absence de notification de mouvement ou de naissance constatée le jour du contrôle alors que plus de 7 jours (27 jours pour les naissances) se sont écoulés depuis l'événement, pour moins de 10% des animaux ou moins de trois animaux " et " passeport présent mais animal physiquement absent (sauf animaux morts partis à l'équarrissage avant l'arrivée des passeports) pour moins de 10% des animaux ou moins de trois animaux " ;

4. Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions de l'article D. 615-58 du code rural et de la pêche maritime : " (...) II.-Lorsque le respect des exigences réglementaires mentionnées au II de l'article D. 615-57 est contrôlé, et que des cas de non-conformité sont constatés, un taux de réduction est déterminé par domaine selon les modalités suivantes : 1. La constatation de cas de non-conformité pour un sous-domaine donne lieu à détermination d'un taux qui est fixé à 1 %, 3 % ou 5 %, selon que la somme des valeurs des cas de non-conformité est supérieure à l'un ou l'autre des seuils fixés par arrêté du ministre chargé de l'agriculture. En deçà du premier seuil, le taux de réduction est nul (...) " ; qu'aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 2 décembre 2007 relatif à la mise en oeuvre de la conditionnalité au titre de 2007 : " La grille nationale des cas de non-conformité annexée au présent arrêté détermine le classement des cas de non-conformité et la valeur qui leur est affectée en application des articles D. 341-14, D. 615-57 et D. 615-60 du code rural. " ; qu'aux termes de l'article 3 du même arrêté : " (...) III.-Les seuils applicables aux sous-domaines du domaine " santé publique, santé des animaux et des végétaux ", mentionnés au 1° du II de l'article D. 615-58 du code rural sont fixés comme suit : - 105 et 289 points pour le sous-domaine " identification et enregistrement des bovins " (...) " ; que la grille nationale des cas de non-conformité pour 2007, figurant en annexe 2 audit arrêté, prévoit que les deux derniers cas de non-conformité mentionnés dans la décision litigieuse ont une valeur de 2, ce qu'a admis le préfet de la Haute-Marne dans le tableau annexé à sa décision en date du 19 juin 2008 ; qu'ainsi, la constatation des deux derniers cas de non-conformité pour le sous-domaine " identification et enregistrement des bovins ", dont la somme des valeurs était de 4, donc inférieure au seuil de 105 prévu par l'article 3 de l'arrêté du 2 décembre 2007, ne pouvait, comme en convient l'intimé, conduire, en application des dispositions précitées de l'article D. 615-58 du code rural et de la pêche maritime, à l'application d'aucun taux de réduction au titre de la conditionnalité ;

5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article D. 615-59 du code rural et de la pêche maritime : " (...) Lorsqu'un cas de non-conformité intentionnelle est constaté, le taux de réduction est fixé à 20 %. Par décision motivée, pour des raisons justifiées au vu des résultats des contrôles et de la situation particulière de l'exploitant, ce taux peut être ramené à 15 % ou porté jusqu'à 100 %. L'arrêté mentionné à l'article D. 615-57 précise les cas dans lesquels une non-conformité est présumée intentionnelle.(...) " ; qu'aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 2 décembre 2007 relatif à la mise en oeuvre de la conditionnalité au titre de 2007 : " Pour l'application du dernier alinéa de l'article D. 615-59 du code rural, sont présumés intentionnels les cas de non-conformité constatés mentionnés ci-après : 1° Au titre du sous-domaine " identification et enregistrement des bovins " : (...) - la modification d'au moins une marque auriculaire d'identification bovine (...) " ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et qu'il n'est pas contesté par le ministre intimé que, pour fixer à 20% le taux de réduction des aides au titre de la conditionnalité, le préfet de la Haute-Marne s'est fondé sur la seule anomalie qualifiée d'intentionnelle et correspondant à des " marques auriculaires modifiées " ; qu'il n'est pas contesté qu'à la date du contrôle sur place effectué le 12 septembre 2007 du troupeau de 450 têtes du GAEC du Noroy, une vache de race charolaise de trois ans, identifiée sous la référence FR 52 4337 7987, possédait à chaque oreille une boucle plastique agréée de couleur saumon, conformément aux dispositions de l'article 2 de l'arrêté du 9 mai 2006 relatif aux modalités de réalisation de l'identification du cheptel bovin, comportant l'identifiant complet de l'animal ; que cependant, sur l'un des deux supports plastifiés, avait été ajouté à la main au stylo feutre, un numéro à quatre chiffres faisant référence à la mère de la bête, sans que soit remise en cause l'identification du jeune bovin, la mention manuscrite étant ajoutée aux mentions figurant sur la marque auriculaire agréée sans pour autant faire disparaître les inscriptions réglementaires y figurant, lesquelles persistaient en outre inchangées sur la deuxième boucle ; que, d'ailleurs, dans un courrier daté du 11 octobre 2007 adressé à la direction départementale des services vétérinaires de la Haute-Marne, un agent de l'établissement départemental d'élevage de la Haute-Marne indiquait qu'aucune manoeuvre n'avait été réalisée pour modifier l'identification de l'animal ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, pour regrettable qu'ait été l'ajout litigieux, n'existait pas de " modification d'au moins une marque auriculaire d'identification bovine " au sens des dispositions de l'article 5 de l'arrêté susvisé du 2 décembre 2007 ; que, par suite, le préfet de la Haute-Marne ne pouvait légalement appliquer les dispositions susvisées de l'alinéa 3 de l'article D. 615-59 du code rural et de la pêche maritime et fixer le taux de réduction des primes au titre de la conditionnalité à 20 % ; que, dès lors, la décision du préfet de la Haute-Marne du 19 juin 2008, ensemble le rejet implicite du recours gracieux formé par le Gaec du Nouroy le 16 juillet 2008, encourent l'annulation ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que le Gaec du Nouroy est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation " ;

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer au Gaec du Nouroy la somme de 1 500 euros au titre des frais qu'il a exposés au cours de la présente instance ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 10 février 2011, ensemble la décision du préfet de la Haute-Marne du 19 juin 2008 et le rejet implicite du recours gracieux formé par le Gaec du Nouroy en date du 16 juillet 2008, sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera au Gaec du Nouroy la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au Gaec du Nouroy et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Haute-Marne.

''

''

''

''

2

13NC01838


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC01838
Date de la décision : 03/07/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Agriculture et forêts - Exploitations agricoles - Aides à l'exploitation.

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Contrôle du juge de l'excès de pouvoir - Appréciations soumises à un contrôle normal.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : SELARL CHARLOT ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-07-03;13nc01838 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award