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03/07/2014 | FRANCE | N°13NC02177

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 03 juillet 2014, 13NC02177


Vu le recours, enregistré le 18 décembre 2013, présenté par le ministre de l'éducation nationale ;

Le ministre de l'éducation nationale demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 1200128 du 15 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné l'Etat à payer la somme de 86 787,59 euros à la société Siemens Lease Services ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer ledit jugement et de ramener à 9 300 euros la somme au paiement de laquelle a été condamné l'Etat ;

Il soutient que :

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l'inspection académique de la Marne a procédé à la résiliation unilatérale du contrat dès l'automne...

Vu le recours, enregistré le 18 décembre 2013, présenté par le ministre de l'éducation nationale ;

Le ministre de l'éducation nationale demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 1200128 du 15 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné l'Etat à payer la somme de 86 787,59 euros à la société Siemens Lease Services ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer ledit jugement et de ramener à 9 300 euros la somme au paiement de laquelle a été condamné l'Etat ;

Il soutient que :

- l'inspection académique de la Marne a procédé à la résiliation unilatérale du contrat dès l'automne 2006 ;

- la société Siemens Lease Services ne peut demander l'exécution du contrat qui est frappé de nullité ; il ne peut être fait application des clauses générales d'exécution du contrat qui n'ont pas été portées à la connaissance du signataire du contrat ;

- l'Etat ne pouvait être condamné sur le fondement de l'enrichissement sans cause ; le tribunal aurait dû atténuer la responsabilité de l'Etat en tenant compte des fautes commises par la société Siemens Lease Services ; l'inspection académique de la Marne n'a utilisé le matériel que très peu de temps ; l'indemnisation ne saurait être supérieure à 9 300 euros, soit 10% de la valeur du contrat ; les frais supportés par la société intimée ne sont pas justifiés ; la société Siemens ne pouvait être indemnisée de l'ensemble des loyers qu'elle pouvait encaisser dans le cadre de l'exécution normale du contrat ;

- la société Siemens Lease Services a commis des fautes ; elle connaissait les vices dont était entaché le contrat ; la qualité de son signataire n'apparaît pas clairement ; elle était consciente du non respect du code des marchés publics ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 3 mars 2014, le mémoire en défense, présenté pour la société Siemens Lease Services, par MeA..., qui conclut à ce que la cour :

1°) à titre principal, rejette la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, réforme le jugement attaqué et porte à 93 029,58 euros la somme au paiement de laquelle le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné l'Etat ;

3°) mette à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- elle a recherché la responsabilité quasi-délictuelle de l'Etat et non sa responsabilité contractuelle ; pour autant, toutes les clauses du contrat, y compris ses conditions générales, sont opposables à l'Etat ;

- l'inspection académique de la Marne est responsable des fautes de service commises par le signataire du marché litigieux ; elle n'a commis aucune faute ; la société Riso, avec laquelle elle a signé une convention de partenariat, devait vérifier la qualité du signataire du contrat ;

- elle a acquis le matériel de duplication loué à l'inspection académique de la Marne pour un montant justifié de 80 545,19 euros ; elle est fondée à obtenir une indemnisation correspondant à l'intégralité des loyers qu'elle aurait dû percevoir ; l'inspection académique de la Marne ne lui a jamais demandé de retirer les matériels loués ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 juin 2014 :

- le rapport de M. Tréand, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Favret, rapporteur public ;

1. Considérant que, par contrat signé le 15 septembre 2006 par un agent qui n'avait pas compétence pour ce faire, la société Siemens Lease Services a loué à l'inspection académique de la Marne divers matériels de reprographie pour une durée ferme de 21 trimestres et un loyer trimestriel de 3 704 euros ; que l'Etat n'ayant réglé aucun loyer, la société Siemens Lease Services a obtenu du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, par le jugement litigieux, la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité totale de 86 787,59 euros ;

Sur l'indemnité due à la société Siemens Lease Services :

2. Considérant que le cocontractant de l'administration dont le contrat est entaché de nullité peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé ; que les fautes éventuellement commises par l'intéressé antérieurement à la signature du contrat sont sans incidence sur son droit à indemnisation au titre de l'enrichissement sans cause de la collectivité, sauf si le contrat a été obtenu dans des conditions de nature à vicier le consentement de l'administration, ce qui fait obstacle à l'exercice d'une telle action ; que dans le cas où la nullité du contrat résulte d'une faute de l'administration, l'entrepreneur peut en outre, sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l'administration ; qu'à ce titre, il peut demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l'exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé par sa nullité, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre, si toutefois l'indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée ;

3. Considérant, d'une part, qu'à la demande des parties, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, en raison des vices d'une particulière gravité entachant le contrat conclu le 15 septembre 2006 entre l'inspection académique de la Marne et la société Siemens Lease Services, écarté le contrat regardé comme nul et n'a, contrairement à ce que soutient l'appelant, expressément pas réglé le litige sur le fondement contractuel ; qu'il n'a donc pas fait application des clauses générales du contrat ; que se plaçant sur un terrain quasi-contractuel, il a fixé le montant des dépenses supportées par la société Siemens Lease France qui ont été utiles à l'inspection académique de la Marne envers laquelle il s'était engagé ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-avant, il n'a pas, à bon droit, tenu compte à ce stade des fautes éventuellement commises par la société intimée antérieurement à la signature du contrat, celui-ci n'ayant pas été obtenu dans des conditions de nature à vicier le consentement de l'administration ;

4. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que l'inspection académique de la Marne a disposé des matériels de duplication pendant toute la durée du contrat signé le 15 septembre 2006, pour une durée de 21 trimestres ; que, si le ministre soutient que l'administration avait résilié unilatéralement le contrat à l'automne 2006 et arrêté d'utiliser les matériels, il est constant qu'elle n'a pas restitué les biens loués à cette date, ni postérieurement, bien qu'y ayant été expressément invitée par lettre recommandée datée du 27 mars 2008 que lui avait adressée sa cocontractante ; que, par ailleurs, la société intimée a produit, tant en première instance qu'en appel, les factures d'un montant total de 80 545,19 euros qu'elle a acquittées pour acquérir le matériel qu'elle a ensuite mis à disposition de l'inspection académique de la Marne ; qu'elle avait donc droit à être indemnisée, à cette hauteur, sur le terrain de l'enrichissement sans cause ; que, contrairement à ce que soutient le ministre de l'éducation nationale, le tribunal n'a, à ce stade, pas indemnisé la société Siemens Lease Services, sur ce fondement, de la perte de bénéfice qu'elle a subie ;

5. Considérant, enfin, que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a partiellement indemnisé la société Siemens Lease Services de la perte du bénéfice qu'elle était en droit d'attendre en cas d'exécution normale du contrat conclu avec l'inspection académique de la Marne le 15 septembre 2006 ; que le ministre n'apporte aucun élément de nature à démontrer que les premiers juges auraient fait une évaluation erronée de la part de la responsabilité de l'administration en l'arrêtant à 50 % ; que, par ailleurs, la société intimée ne peut utilement se prévaloir du fait que les fautes qui lui sont reprochées et qui ont justifié qu'elle n'obtienne qu'une indemnisation partielle en première instance ont été commises par la société Riso, à laquelle elle avait confié un mandat pour négocier le contrat, qu'elle a au final elle-même signé ; que, par suite, le moyen tendant à ce que la cour modifie le partage de responsabilité opéré par le tribunal, soulevé tant par le ministre de l'éducation nationale que par la société Siemens Lease Services à l'appui de ses conclusions d'appel incident, doit être écarté ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'éducation nationale n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné l'Etat à payer la somme de 86 787,59 euros à la société Siemens Lease Services ; que, les conclusions d'appel incident de la société Siemens Lease Services doivent également être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation " ;

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à la société Siemens Lease Services la somme de 1 500 euros au titre des frais qu'elle a exposés au cours de la présente instance ;

D E C I D E :

Article 1er : Le recours du ministre de l'éducation nationale est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la société Siemens Lease Services la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société Siemens Lease Services est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Siemens Lease Services et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

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