La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/12/2014 | FRANCE | N°13NC01483

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, Formation plenière, 18 décembre 2014, 13NC01483


Vu la requête, enregistrée le 5 août 2013, présentée pour M. D... A..., demeurant..., par Me C... ;

M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100219 du 3 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 novembre 2010 par laquelle la directrice générale du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière l'a suspendu, à titre conservatoire, de ses fonctions de praticien hospitalier pour une durée de si

x mois ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) de m...

Vu la requête, enregistrée le 5 août 2013, présentée pour M. D... A..., demeurant..., par Me C... ;

M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100219 du 3 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 novembre 2010 par laquelle la directrice générale du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière l'a suspendu, à titre conservatoire, de ses fonctions de praticien hospitalier pour une durée de six mois ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) de mettre à la charge du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière une somme de 3 000 euros hors taxes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la décision attaquée ne peut se fonder sur le rapport de la mission d'inspection du 11 octobre 2010, ni sur le rapport de la mission d'inspection du 28 octobre 2010, dès lors qu'à la date de cette décision, les rapports n'avaient pas été communiqués à la directrice générale du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière ;

- le rapport du 28 octobre 2010 n'a jamais été validé ni signé par l'ensemble de ses rédacteurs ;

- l'administration ne pouvait se fonder sur les rapports d'inspection des 11 et 28 octobre 2010 dès lors que leurs auteurs qui ne disposaient pas de l'ensemble des compétences requises pour porter une appréciation sur les gestes chirurgicaux pratiqués dans son service, n'étaient pas impartiaux, qu'ils n'ont retenu que les éléments à charge sans procéder à une étude de l'ensemble des dossiers des patients et ont méconnu le principe du contradictoire ainsi que celui relatif aux droits de la défense ;

- les gestes chirurgicaux qui lui sont reprochés dans les rapports précités sont conformes aux règles de l'art, ne font l'objet d'aucune contre-indication ou recommandation contraire et ne sont pas à l'origine des décès des patients opérés ;

- les taux de mortalité pris en compte par les auteurs des rapports d'inspection ne constituent pas des indicateurs de qualité ;

- les données statistiques prises en compte dans ces rapports sont erronées et ne présentent aucune pertinence pour interpréter le nombre des décès observés à la suite d'une intervention chirurgicale dans son service ;

- les patients ont été opérés avec leur consentement, à l'issue d'une réflexion collégiale et pluridisciplinaire et après qu'une balance bénéfices/risques a été réalisée et s'est révélée positive ;

- la surmortalité qui lui est reprochée dans les rapports précités n'est pas établie, à défaut de lien de causalité entre les décès de patients et les interventions chirurgicales qu'ils ont subies ;

- la décision attaquée est entachée d'erreur de droit dès lors qu'aucune urgence n'imposait sa suspension, l'activité de chirurgie cardiaque ayant été suspendue dès le 12 octobre 2010 au sein de l'hôpital de Metz-Thionville ;

- ni l'urgence, ni l'intérêt du service ne justifiait qu'on lui interdise d'accéder aux locaux hospitaliers ;

- la décision attaquée a pour effet de l'empêcher d'accéder aux dossiers de ses patients pris en charge dans le cadre de son activité libérale ;

- l'administration avait pour but de réunir les services de chirurgie cardiaque des centres hospitaliers de Metz-Thionville et de Nancy ;

Vu la mise en demeure adressée le 4 décembre 2013 au centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu l'ordonnance du 29 janvier 2014 portant clôture de l'instruction à la date du 19 février 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 février 2014, présenté par le centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière (CNG) qui conclut au rejet de la requête ;

Le CNG fait valoir que :

- l'absence d'impartialité alléguée des membres des deux missions d'inspection n'est pas établie ;

- les pratiques chirurgicales du requérant et leur retentissement sur le fonctionnement du service justifiaient l'urgence à le suspendre ;

- alors même que l'activité du service de cardiologie était suspendue et que le requérant avait été suspendu dès le 29 octobre 2010 par la directrice générale du centre hospitalier régional de Metz-Thionville, la directrice générale du CNG ne pouvait que le suspendre également et engager une procédure disciplinaire à l'égard de l'intéressé ;

- si le requérant soutient ne pas avoir commis de faute, la décision attaquée ne constitue pas une mesure disciplinaire mais seulement une mesure conservatoire ;

Vu les observations, enregistrées le 19 février 2014, présentées par l'agence régionale de santé de Lorraine ;

Vu l'ordonnance du 20 février 2014 reportant la date de clôture de l'instruction au 26 mars 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 juin 2014, présenté pour M. A...qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Il soutient, en outre, qu'aucune urgence n'imposait sa suspension dès lors qu'il a été placé en congé de maladie du 14 octobre 2010 au 7 juin 2011 et qu'il ne lui était pas possible d'exercer une autre spécialité que celle de la chirurgie cardiaque ;

Vu la lettre du 16 septembre 2014 par laquelle les parties ont été informées, qu'en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience au cours du mois de décembre 2014 et que l'instruction pourrait être close à partir du 2 octobre 2014 sans information préalable ;

Vu l'ordonnance du 3 octobre 2014 portant clôture immédiate de l'instruction, en application des articles R. 611-1-1, R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 novembre 2014, présenté par le CNG qui conclut aux mêmes fins que dans ses mémoires précédents par les mêmes motifs ;

Vu l'ordonnance du 24 novembre 2014 portant réouverture de l'instruction, en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 décembre 2014, présenté pour M.A... ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 décembre 2014 :

- le rapport de M. Guerin-Lebacq, premier conseiller,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., substituant MeC..., pour M.A..., et de M. A... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 décembre 2014, présentée pour M.A... ;

1. Considérant que, le 30 août 2010, le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) de Lorraine a désigné une mission d'expertise chargée d'analyser l'organisation, le fonctionnement et les pratiques professionnelles du service de chirurgie cardiaque du centre hospitalier régional (CHR) de Metz -Thionville ; que, dans son rapport établi le 11 octobre 2010, cette mission a constaté, chez les patients pris en charge dans le service de chirurgie cardiaque, un taux de mortalité péri-opératoire supérieur au taux observé au niveau national ; que, par une décision du 12 octobre 2010, le directeur de l'ARS a suspendu l'autorisation de l'activité de chirurgie cardiaque dont bénéficiait le CHR et a diligenté, le lendemain, une nouvelle mission chargée d'inspecter ledit service ; qu'au vu des conclusions rendues dès le 28 octobre 2010 par les experts médicaux, membres de la mission d'inspection, la directrice générale du CHR de Metz-Thionville a, le 29 octobre 2010, suspendu M. A...de ses fonctions de praticien hospitalier et de chef de service ; que, par une décision du 2 novembre 2010, la directrice générale du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière (CNG) a suspendu l'intéressé de ses fonctions de praticien hospitalier, pour une durée de six mois ; que M. A... fait appel du jugement du 3 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 novembre 2010 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 6152-77 du code de la santé publique : " Dans l'intérêt du service, le praticien qui fait l'objet d'une procédure disciplinaire peut être immédiatement suspendu par le directeur général du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière pour une durée maximale de six mois. Toutefois, lorsque l'intéressé fait l'objet de poursuites pénales, la suspension peut être prolongée pendant toute la durée de la procédure (...) " ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article R. 6152-77 du code de la santé publique que la mesure de suspension est une mesure conservatoire ne présentant pas par elle-même un caractère disciplinaire ; qu'ainsi, la décision attaquée n'était pas soumise au principe du respect des droits de la défense et, par conséquent, n'avait pas à être précédée d'une procédure contradictoire ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des termes de la décision attaquée que, pour suspendre M.A..., la directrice générale du CNG s'est fondée sur les rapports d'inspection établis les 11 et 28 octobre 2010 ; que, dans ces conditions et en tout état de cause, le moyen tiré de ce que l'autorité compétente se serait prononcée avant d'avoir reçu communication de ces rapports doit être écarté ; que la circonstance que l'un des auteurs du rapport du 28 octobre 2010 aurait omis d'y porter sa signature est sans influence sur la légalité de cette décision ;

5. Considérant, en troisième lieu, que si M. A...soutient que le directeur général de l'ARS de Lorraine et certains des auteurs des rapports des 11 et 28 octobre 2010 ont noué des liens dans le cadre de leurs fonctions professionnelles antérieures, il ne résulte pas de cette seule circonstance qu'ils aient fait preuve de partialité à son égard ; que, de même, la circonstance que l'un de ces auteurs connût, de par ses fonctions antérieures, le chef du service de chirurgie cardiaque du centre hospitalier universitaire de Metz-Thionville, appelé à diriger le nouveau pôle territorial lorrain de chirurgie cardiaque associant les hôpitaux de Metz et de Nancy, n'est pas de nature à révéler une telle partialité ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que, pour prendre la décision attaquée, la directrice générale du CNG s'est fondée sur les rapports d'inspection établis les 11 et 28 octobre 2010 dont il ressort que le taux de mortalité observé chez les patients opérés dans le service de chirurgie cardiaque du CHR de Metz-Thionville était, selon la pathologie de ces patients, de deux à quatre fois supérieur au taux moyen relevé au niveau national, que les indications opératoires étaient posées sans qu'une véritable évaluation du rapport bénéfice/risque attendu de l'intervention fût préalablement réalisée et que les interventions se caractérisaient par la mise en oeuvre de gestes chirurgicaux complexes et multiples impliquant une durée excessive de circulation extracorporelle et de clampage aortique chez des patients particulièrement fragiles ; que les faits ainsi relatés dans les deux rapports précités présentaient, à la date de la décision attaquée, un caractère de vraisemblance suffisant pour justifier l'engagement d'une procédure disciplinaire à l'encontre de M. A..., lequel prenait en charge les deux tiers des opérations réalisées dans le service de chirurgie cardiaque ; que si le requérant soutient que l'autorisation dont bénéficiait le CHR de Metz-Thionville pour exercer l'activité de chirurgie cardiaque était suspendue depuis le 12 octobre 2010 et qu'il se trouvait éloigné du service en raison d'un congé de maladie, l'intérêt du service justifiait également, eu égard à la gravité des faits reprochés, sa suspension dans l'attente qu'il soit statué sur les poursuites disciplinaires ;

7. Considérant, en cinquième lieu, que la mesure de suspension présente un caractère conservatoire et a pour objet, pendant la durée de la procédure disciplinaire, d'écarter l'agent de ses fonctions dans l'intérêt du service ; que, par suite, M. A...ne saurait utilement soutenir que l'administration ne pouvait lui interdire d'accéder aux locaux du CHR de Metz-Thionville ;

8. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article L. 6154-1 du code de la santé publique : " Dès lors que l'exercice des missions de service public définies à l'article L. 6112-1 dans les conditions prévues à l'article L. 6112-3 n'y fait pas obstacle, les praticiens statutaires exerçant à temps plein dans les établissements publics de santé sont autorisés à exercer une activité libérale dans les conditions définies au présent chapitre. " ; que la suspension de fonctions dont M. A... fait l'objet avait pour effet de lui interdire d'exercer une activité libérale au sein du CHR de Metz-Thionville ; que, par suite, si M. A...soutient qu'il se trouvait empêché d'accéder aux dossiers de ses patients pris en charge dans le cadre de son activité libérale, cette circonstance est sans influence sur la légalité de la décision attaquée ;

9. Considérant, en dernier lieu, que si le requérant soutient que la décision attaquée a pour seul objet de permettre la fermeture du service de chirurgie cardiaque du CHR de Metz-Thionville et le regroupement de l'activité de chirurgie cardiaque de cet établissement avec celle du centre hospitalier universitaire de Nancy, le détournement de pouvoir ainsi allégué n'est pas établi ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à la condamnation du CNG sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., au centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière et au ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Copie en sera adressée à l'agence régionale de santé de Lorraine et au centre hospitalier régional de Metz-Thionville.

''

''

''

''

5

N° 13NC01483


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : Formation plenière
Numéro d'arrêt : 13NC01483
Date de la décision : 18/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. SICHLER
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : LUCAS-BALOUP

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-12-18;13nc01483 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award