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30/12/2014 | FRANCE | N°14NC00215

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 30 décembre 2014, 14NC00215


Vu la requête, enregistrée le 6 février 2014, présentée pour M. A...B..., demeurant..., par la SELAS Cabinet Devarenne associés, société d'avocats ;

M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200661 du 17 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part des décisions en date des 31 mai et 2 juillet 2010, d'autre part de la décision en date du 9 février 2012, par lesquelles l'office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) puis le préfet de la région Ch

ampagne-Ardenne ont respectivement rejeté ses demandes tendant à la remise en c...

Vu la requête, enregistrée le 6 février 2014, présentée pour M. A...B..., demeurant..., par la SELAS Cabinet Devarenne associés, société d'avocats ;

M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200661 du 17 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part des décisions en date des 31 mai et 2 juillet 2010, d'autre part de la décision en date du 9 février 2012, par lesquelles l'office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) puis le préfet de la région Champagne-Ardenne ont respectivement rejeté ses demandes tendant à la remise en cause des modalités d'exécution des chasses de régulation sur le territoire du " bois du Jac ", situé sur le territoire de la commune de Puellemontier ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions précitées ;

3°) de mettre solidairement à la charge de l'Etat et de l'ONCFS la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- les décisions attaquées, en ce qu'elles impliquent des limites au droit de propriété excédant celles résultant de l'article 1er de l'arrêté interpréfectoral relatif à la réglementation de la chasse dans la réserve naturelle nationale de l'Etang de la Horre, portent atteinte au droit de propriété, dont l'un des attributs est le droit de chasse tel qu'il est consacré par la Constitution et par les articles 544 et suivants du code civil et L. 422-1 du code de l'environnement ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que le droit de chasse n'était pas consubstantiel au droit de propriété ;

- la circonstance que M. B...est dans une situation réglementaire est sans influence sur cette atteinte ;

- les propriétaires du droit de chasse n'ont été indemnisés qu'à concurrence de la limitation de chasser prévue par l'article 1er de l'arrêté interpréfectoral relatif à la réglementation de la chasse sur la réserve naturelle de l'Etang de la Horre, du 20 avril 2010, laquelle exclut expressément les chasses de régulation des cervidés et des sangliers, de sorte qu'ils pouvaient lui consentir un bail de chasse conforme aux limitations ainsi énoncées ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 décembre 2014, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui conclut au rejet de la requête ;

Il renvoie aux écritures produites en défense en première instance et soutient que les dispositions réglementaires ont limité l'activité de chasse aux chasses de régulations, qui se conduisent sous la responsabilité de l'office national de la chasse et de la faune sauvage, et que le requérant ne peut utilement se prévaloir des stipulations d'un contrat de droit privé à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2000-434 DC du 20 juillet 2000 ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le décret du 9 mai 2000 portant création de la réserve naturelle de l'étang de la Horre (Aube et Haute-Marne) ;

Vu l'arrêté interpréfectoral du 20 avril 2010 réglementant la chasse dans la réserve naturelle de l'étang de la Horre ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Di Candia, premier conseiller,

- les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public,

- les observations de Me Keyser, avocat de M.B... ;

1. Considérant que, le 31 mai 2010, l'office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) a informé le groupement forestier de Puellemontier, en sa qualité de propriétaire de la parcelle A n° 46 du " bois du Jac ", que les chasses de régulation des cervidés et sangliers sur cette parcelle seraient désormais confiées aux sociétés de chasse riveraines de la réserve naturelle nationale de l'étang de la Horre, selon un système de rotation annuel ; que par courrier du 2 juillet 2010, l'ONCFS, à la suite d'une réclamation de l'intéressé, a confirmé à M. B..., qui, en vertu d'un contrat de location conclu avec le groupement forestier de Puellemontier, effectuait jusqu'alors ces chasses de régulation sur la parcelle précitée, les modalités selon lesquelles les chasses de régulation seront effectuées au " bois du Jac " par l'une de ces cinq sociétés. ; qu'enfin, par courrier du 9 février 2012, le directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement a refusé de remettre en cause les modalités retenues par l'ONCFS pour l'organisation des chasses de régulation ; que M. B...relève appel du jugement du 17 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions contenues dans ces courriers ;

Sur la légalité des décisions attaquées :

2. Considérant qu'à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation, M. B...fait valoir un moyen unique tiré de ce que les courriers contestés révèlent une décision remettant en cause le droit de chasser, conféré à titre exclusif, sur le territoire dit du " Bois de Jac " dans le cadre des chasses de régulation des grands gibiers, dont il s'estime titulaire en vertu d'un acte sous seing privé du 15 février 2001 conclu avec l'ancien propriétaire de la parcelle, le groupement forestier Val de Saire, au droit duquel vient le groupement forestier de Puellemontier ;

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 17 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen : " La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité " ; qu'il résulte de la décision du Conseil constitutionnel n° 2000-434 DC du 20 juillet 2000 que le droit de chasse sur un bien foncier se rattache au droit d'usage de ce bien, attribut du droit de propriété ; qu'il ne peut être apporté de limitations à l'exercice de ce droit qu'à la double condition que ces limitations obéissent à des fins d'intérêt général et n'aient pas un caractère de gravité tel que le sens et la portée du droit de propriété s'en trouveraient dénaturés ;

4. Considérant, d'autre part, qu'en vertu de l'article L. 332-3 du code de l'environnement, l'acte de classement d'une réserve naturelle nationale peut soumettre à un régime particulier et, le cas échéant, interdire à l'intérieur de la réserve toute action susceptible de nuire au développement naturel de la faune et de la flore, notamment la chasse ; qu'aux termes de l'article 11 du décret du 9 mai 2010 portant création de la réserve naturelle de la Horre : " Toute activité de chasse est interdite dans le périmètre de la réserve, à l'exception des chasses de régulation des cervidés et des sangliers. Un arrêté préfectoral, pris après avis du comité consultatif, définit les modalités d'exécution de ces chasses de régulation, conformément au plan de gestion de la réserve. " ; qu'en application de ces dispositions, l'arrêté interpréfectoral du 20 avril 2010 relatif à la réglementation de la chasse sur la réserve naturelle nationale de la Horre prévoit, en son article 5 que : " les chasses de régulation sont réalisées sous le contrôle permanent et la responsabilité de l'ONCFS. Lorsqu'elles sont confiées aux détenteurs de droit de chasse riverains de la réserve, les modalités précises de ces chasses sont arrêtées par voie de convention passée entre l'ONCFS et ces sociétés " ;

5. Considérant que si M. B...est titulaire d'un contrat de location intitulé bail de chasse lui ayant donné la faculté de continuer à participer aux battues de régulation sur le territoire concerné jusqu'en 2010, il n'établit ni même n'allègue disposer d'un quelconque droit de propriété sur la parcelle litigieuse ; que contrairement à ce qu'il soutient, ce contrat de location ne saurait avoir eu pour objet ni pour effet de lui transférer le droit de chasse, attribut du droit de propriété ; que le requérant ne saurait pas davantage utilement faire valoir que les propriétaires intéressés, et notamment le propriétaire lui ayant consenti le contrat de location dont s'agit, n'auraient pas été indemnisés de la perte totale de leur droit de chasse lors de la création de la réserve naturelle nationale de l'étang de la Horre ; qu'en admettant que le requérant ait entendu soutenir que le refus, opposé par les autorités susvisées à sa demande tendant à modifier les modalités d'organisation des chasses de régulation des cervidés et des sangliers retenues par l'ONCFS, aurait méconnu le droit de propriété constitutionnellement protégé, dont il serait résulté une atteinte indirecte à son droit, présenté comme exclusif, de participer à ces battues de régulation sur le territoire du " bois du Jac " auxquelles il a été associé jusqu'en 2010, un tel moyen est inopérant dès lors que la violation des stipulations de ce contrat, au demeurant de droit privé, ne saurait être utilement invoquée à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir formé contre les décisions attaquées ; qu'en tout état de cause, aucune disposition législative ou réglementaire ne lui confère un droit, a fortiori à titre exclusif, de chasser dans le cadre des chasses de régulation organisées sur le territoire considéré ; qu'en particulier, les dispositions législatives et réglementaires précitées, qui autorisent la réalisation de chasses de régulation visant à concilier les impératifs économiques et environnementaux de la profession agricole avec les exigences de protection des espèces animales, ne peuvent être regardées comme ayant pour effet de maintenir, même circonscrit à ces seules activités, l'exercice du droit de chasse au profit de ses anciens titulaires, propriétaires des parcelles concernées, eu égard à l'incompatibilité du maintien d'un tel droit avec le régime sous lequel s'opèrent ces activités, qui s'exerce sous le contrôle permanent et la responsabilité de l'ONCFS ; qu'il s'ensuit que M. B..., qui n'entend pas contester pas, par voie d'exception, la légalité des dispositions réglementaires précitées, et n'a présenté à l'administration aucune demande tendant au retrait de ces dispositions, n'est, en tout état de cause pas fondé à soutenir que les décisions contestées qui auraient pour effet selon lui de porter atteinte au droit de chasse, l'auraient, ce faisant, illégalement privé du droit de chasser résultant de son bail de chasse ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête, que M. B...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'ONCFS et l'Etat, qui n'ont pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, versent à M. B...la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., à l'office national de la chasse et de la faune sauvage et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

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14NC00215


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC00215
Date de la décision : 30/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-08 Agriculture et forêts. Santé publique vétérinaire.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Olivier DI CANDIA
Rapporteur public ?: M. GOUJON-FISCHER
Avocat(s) : SELAS CABINET DEVARENNE ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-12-30;14nc00215 ?
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