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23/07/2015 | FRANCE | N°14NC01811

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 23 juillet 2015, 14NC01811


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner l'État à lui verser la somme de 15 000 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 26 janvier 2011 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai d'un mois ;

Par un jugement n° 1301071 du 29 juillet 2014, le tribunal administra

tif de Nancy a condamné l'État à lui verser une somme de 2 000 euros, assortie des intérê...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner l'État à lui verser la somme de 15 000 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 26 janvier 2011 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai d'un mois ;

Par un jugement n° 1301071 du 29 juillet 2014, le tribunal administratif de Nancy a condamné l'État à lui verser une somme de 2 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 février 2013, et a mis à la charge de l'État, en application de l'article 37, alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 500 euros, à verser à Me Jeannot, avocate de Mme B..., sous réserve que celle-ci renonce à la part contributive de l'État.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 septembre 2014, le préfet de Meurthe-et-Moselle demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter l'ensemble des conclusions présentées par Mme B...devant le tribunal administratif de Nancy.

Le préfet de la Moselle soutient que :

- il n'a commis aucune faute de nature à justifier une indemnisation au profit de la requérante dès lors que l'illégalité de l'arrêté du 26 janvier 2011 retenue par le tribunal administratif de Nancy ne procède que d'une divergence d'appréciation de la situation personnelle de l'intéressée et que, consécutivement à l'annulation de sa décision, il a rétroactivement délivré une carte de séjour temporaire à MmeB... ;

- eu égard au caractère suspensif du recours qu'elle avait formé, à la délivrance rétroactive d'un titre de séjour, au maintien de son hébergement et à la poursuite de ses soins, la requérante n'a subi aucun préjudice moral entre le 26 janvier 2011 et le 10 mai 2011.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2015, MmeB..., représentée par Me Jeannot, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'État, au profit de son conseil, une somme de 1 813 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la responsabilité de l'État est engagée du fait de l'illégalité de l'arrêté du 26 janvier 2011 qui a été annulé par le tribunal administratif de Nancy par jugement du 10 mai 2011 ayant force de chose jugée ;

- le tribunal a fait une juste appréciation de son préjudice financier et moral.

Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy en date du 18 décembre 2014, MmeB... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- Le rapport de M. Di Candia,

- et les observations de Me Jeannot pour MmeB....

1. Considérant que le préfet de Meurthe-et-Moselle relève appel du jugement du 29 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Nancy a condamné l'État à verser à Mme B..., de nationalité arménienne, une somme de 2 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 février 2013, en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de l'arrêté du 26 janvier 2011 portant refus de lui délivrer un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

Sur le principe de la responsabilité :

2. Considérant, d'une part, que l'illégalité de l'arrêté précité du 26 janvier 2011, qui a été censurée par un jugement du tribunal administratif de Nancy du 10 mai 2011, devenu définitif, au motif que le préfet de Meurthe-et-Moselle avait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation sur les conséquences que pouvait entraîner le défaut de prise en charge médicale sur l'état de santé de MmeB..., constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'État ; que d'autre part, cette responsabilité n'ouvre droit à réparation que pour autant que la faute résultant de l'illégalité commise par l'administration est à l'origine d'un préjudice direct et certain subi par l'intéressée ; que si le préfet fait valoir qu'en exécution du jugement précité, il a délivré une carte de séjour temporaire à l'intéressée, valable rétroactivement du 5 octobre 2010 au 4 octobre 2011, cette circonstance, qui est de nature à régulariser la situation de Mme B...au regard de son droit au séjour, est par elle-même sans incidence sur le droit à réparation des préjudices subis par l'intéressée antérieurement à cette régularisation ;

Sur le préjudice :

3. Considérant que le tribunal a fait droit à la demande de Mme B...tendant à la réparation des troubles dans ses conditions d'existence et du préjudice moral lié à la crainte constante d'être arrêtée durant son séjour irrégulier pendant la période du 26 janvier 2011 au 10 mai 2011, date à laquelle le tribunal administratif a annulé l'arrêté du 26 janvier 2011 et a enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " ;

4. Considérant, d'une part, que le préfet de Meurthe-et-Moselle fait valoir que Mme B... a saisi le tribunal d'un recours contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français qui, conformément aux dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors applicable, suspendait son exécution ; que toutefois, eu égard à la possibilité offerte au préfet par les mêmes dispositions de placer l'étranger en rétention, obligeant alors le juge à se prononcer sur la mesure d'éloignement dans un délai de soixante-deux heures à compter de la notification par l'administration de ce placement, cette circonstance, si elle est susceptible de l'atténuer, n'est en revanche pas suffisante pour dissiper totalement la crainte ressentie par Mme B...de devoir être éloignée entre le 26 janvier et le 10 mai 2011 ; que, d'autre part, si le préfet allègue qu'il n'aurait pas eu l'intention d'user de la possibilité de mettre en oeuvre l'éloignement de la requérante avant la décision du tribunal, que les soins prodigués à l'intéressée se seraient poursuivis et que son hébergement aurait été maintenu, ces circonstances, à les supposer établies, sont sans influence sur la crainte légitime qu'a pu ressentir celle-ci compte tenu de son âge et des pathologies cardiaques dont elle souffrait ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que, dans les circonstances particulières de l'espèce, les premiers juges auraient fait une évaluation excessive du préjudice subi par Mme B...en lien direct avec la faute commise par le préfet de Meurthe-et-Moselle en arrêtant le montant de l'indemnité à 2 000 euros ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy l'a condamné à payer à Mme B...la somme de 2 000 euros portant intérêts au taux légal en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de l'arrêté du 26 janvier 2011 ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Jeannot, avocate de MmeB..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Jeannot de la somme de 1 000 euros ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête du préfet de Meurthe-et-Moselle est rejetée.

Article 2 : L'État versera à Me Jeannot une somme de 1 000 (mille) euros en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Jeannot renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A...B....

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

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14NC01811


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC01811
Date de la décision : 23/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Olivier DI CANDIA
Rapporteur public ?: M. GOUJON-FISCHER
Avocat(s) : JEANNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-07-23;14nc01811 ?
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