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23/07/2015 | FRANCE | N°14NC02117

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 23 juillet 2015, 14NC02117


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...et Mme C...épouse A...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les deux arrêtés du 21 janvier 2014 par lesquels le préfet de la Moselle a respectivement refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés.

Par un jugement n° 1402183,1402629 du 4 août 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a joint leurs demandes

et les a rejetées.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 no...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...et Mme C...épouse A...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les deux arrêtés du 21 janvier 2014 par lesquels le préfet de la Moselle a respectivement refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés.

Par un jugement n° 1402183,1402629 du 4 août 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a joint leurs demandes et les a rejetées.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 novembre 2014, M. et MmeA..., représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1402183,1402629 du tribunal administratif de Strasbourg du 4 août 2014 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 21 janvier 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle, à titre principal, de leur délivrer un titre de séjour et à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à MeB..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- la décision portant refus de titre de séjour de Mme A...est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière faute pour le préfet d'avoir sollicité l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ;

- les décisions de refus de titre de séjour attaquées ne sont pas suffisamment motivées en fait et en droit ;

- la décision portant refus de titre de séjour opposée à Mme A...méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant refus de titre de séjour opposée à M. A...méconnaît, eu égard à sa qualité d'accompagnant de son épouse, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet s'est estimé en situation de compétence liée pour assortir les décisions de refus de titre d'une obligation de quitter le territoire français ;

- ils sont fondés à exciper de l'illégalité des décisions du préfet refusant leur admission provisoire au séjour, dès lors qu'en les plaçant en procédure prioritaire, le préfet n'a pas procédé à l'examen individuel de chaque demande d'admission provisoire au séjour ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français de la requérante méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet s'est cru tenu d'assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français des requérants d'un délai de départ volontaire de trente jours ;

- la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation particulière de la requérante ;

- les décisions fixant le pays à destination duquel ils pourront être éloignés ne sont pas suffisamment motivées ;

- les mêmes décisions méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juin 2015, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé, étant précisé par ailleurs que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de leur placement en procédure prioritaire est inopérant.

Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy en date du 17 octobre 2014, M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- Le rapport de M. Di Candia.

1. Considérant que M. et MmeA..., ressortissants bosniens, sont entrés en France, selon leurs propres déclarations, en août 2013 ; que leurs demandes d'asile, examinées selon la procédure prioritaire, ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 24 décembre 2013 ; que, par des arrêtés du 21 janvier 2014, le préfet de la Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés ; que M. et Mme A...relèvent appel du jugement du 4 août 2014 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés ;

Sur les conclusions à fin d'annulation des décisions portant refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, que les arrêtés attaqués font mention de ce que les demandes d'asile présentées par M. et Mme A...ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de ce que ces derniers n'entrent pas par conséquent dans le cas prévu au 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif à la délivrance d'une carte de résident à l'étranger admis au statut de réfugié ; que, si le préfet n'a pas indiqué que les intéressés n'entraient pas non plus dans le cas prévu à l'article L. 313-13 de ce code relatif à la délivrance d'une carte de séjour temporaire à l'étranger ayant obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire, cette seule circonstance n'est pas de nature à entacher d'un défaut de motivation les arrêtés attaqués qui énoncent en des termes suffisamment précis que M. et Mme A...ne pouvaient se voir attribuer un titre de séjour au titre de l'asile du fait du rejet de leur demande par l'office français de protection des réfugiés et apatrides, ce qui visait nécessairement à la fois le refus de reconnaissance de la qualité de réfugié et le refus du bénéfice de la protection subsidiaire ; que les arrêtés attaqués énoncent par ailleurs les considérations de fait propres à la situation personnelle dont M. et Mme A...se sont prévalus ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que les arrêtés attaqués seraient insuffisamment motivés, en méconnaissance de la loi susvisée du 11 juillet 1979, doit être écarté comme manquant en fait ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que si Mme A...soutient avoir porté à la connaissance du préfet des éléments relatifs à son état de santé, elle ne produit toutefois aucun élément de nature à étayer ces allégations ; qu'il ne ressort par ailleurs d'aucune pièce du dossier qu'elle ait présenté une demande de titre sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers avant la décision attaquée ; qu'ainsi, elle n'est en tout état de cause pas fondée à soutenir que le préfet était saisi d'une demande de titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et aurait dû, à ce titre, solliciter l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ;

4. Considérant, en troisième lieu, que faute pour la requérante de justifier avoir présenté une demande de titre de séjour pour raisons médicales, les moyens tirés de ce que le préfet de la Moselle aurait entaché sa décision la concernant d'une erreur d'appréciation sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que la décision relative à M.A..., en sa qualité d'accompagnant de son épouse malade, d'une erreur d'appréciation au regard du 7° du même article, ne peuvent qu'être écartés ;

Sur les conclusions à fin d'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet (...) " ; que, conformément à ces dispositions, une mesure d'éloignement ne peut être mise à exécution, après la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant une demande d'asile, qu'à l'encontre d'un étranger entrant dans le champ d'application du 2° au 4° de l'article L. 741-4 du même code ; qu'il incombe de ce fait au juge saisi de la contestation de la légalité d'une obligation de quitter le territoire français après la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides fondée sur le 2° de cet article, de s'assurer que l'étranger entre bien dans le cas visé par ces dispositions ; que la seule circonstance qu'une décision administrative ait refusé l'admission provisoire au séjour et qu'elle n'ait pas été contestée ou qu'elle n'ait pas été annulée par le juge administratif ne fait pas obstacle à ce que le juge détermine lui-même, sans se prononcer sur la légalité de cette décision, si la demande d'asile relevait bien des cas mentionnés à l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dans l'hypothèse où il estime que tel n'était pas le cas, et alors même que l'intéressé n'avait pas été effectivement admis à séjourner en France, cet étranger ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile ait statué sur son recours ; que M. et Mme A...soutiennent qu'ils ne rentraient pas dans l'hypothèse prévue par les dispositions précitées du 2° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où le préfet de la Moselle était tenu de procéder à l'examen de leur situation personnelle, ce qu'il n'a pas pu faire dès lors que les éléments justifiant de risques pour leur vie en cas de retour dans leur pays d'origine étaient transmis sous plis privés ; que, cependant, la Bosnie est inscrite sur la liste des pays d'origine sûrs ; qu'il ne ressort pas des pièces produites au dossier que le préfet de la Moselle se serait cru lié par cette inscription pour refuser aux intéressés la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour ; que les requérants n'établissent pas les risques qu'ils encourraient en cas de retour en Bosnie ; qu'ils entraient ainsi dans les prévisions des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le moyen ne peut dès lors qu'être écarté ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Moselle se serait estimé tenu de prendre une obligation de quitter le territoire français à la suite du refus de titre de séjour qu'il a opposé à M. et MmeA... ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le préfet de la Moselle aurait méconnu l'étendue de sa compétence pour ce motif ne peut qu'être écarté ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10°l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé " ; que dans les termes où il est rédigé, le seul certificat médical produit par MmeA..., qui se borne à déduire la persistance d'un syndrome de stress post-traumatique de l'intéressée des évènements que celle-ci a rapportés, n'est pas de nature à établir que l'état de santé de Mme A...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que le préfet aurait fait une inexacte application des dispositions précitées ;

Sur les conclusions à fin d'annulation des décisions accordant un délai de départ volontaire de trente jours :

8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours (...) " ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Moselle se serait cru en situation de compétence liée pour fixer à trente jours le délai laissé à M. et Mme A...pour quitter volontairement le territoire français et n'aurait pas examiné, au vu des pièces dont il disposait, la possibilité de prolonger le délai accordé aux requérants ;

9. Considérant, en second lieu, que les seules circonstances que Mme A...bénéficie de soins en France et que les demandes d'admission des requérants au titre de l'asile seraient pendantes devant la Cour nationale du droit d'asile ne suffisent pas à établir que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne leur accordant pas un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ;

Sur les conclusions à fin d'annulation des décisions fixant le pays de destination :

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

10. Considérant, en premier lieu, que les décisions attaquées rappellent que les demandes d'asile de M. et Mme A...ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et précisent qu'ils n'ont pas justifié s'exposer à des peines, menaces ou traitements contraires aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales en cas de départ de France ; que, dès lors, les décisions attaquées comportent les éléments de fait qui en constituent le fondement et sont suffisamment motivées ;

11. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que M. et MmeA..., dont la demande d'admission au statut de réfugié a été rejetée par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 24 décembre 2013, et dont une première demande aux mêmes fins avait auparavant été rejetée par la même autorité le 1er février 2010, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile, soutiennent qu'ils encourent le risque de subir des traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Bosnie ; que, toutefois, ils n'apportent aucun élément de nature à établir qu'ils se trouveraient personnellement exposés à un risque réel, direct et sérieux pour leur vie ou leur liberté en cas de retour dans leur pays d'origine ou dans tout autre pays où ils seraient légalement admissibles ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité des conclusions à fin d'annulation des décisions relatives à MmeA..., que M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter leurs conclusions à fin d'injonction et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Moselle.

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14NC02117


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC02117
Date de la décision : 23/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Olivier DI CANDIA
Rapporteur public ?: M. GOUJON-FISCHER
Avocat(s) : DOLLÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 19/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-07-23;14nc02117 ?
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